Sur l’idée d’utiliser des mines abandonnées pour les transformer en stockage d’énergie par gravité
Alors que le monde se tourne de plus en plus vers les sources d’énergie renouvelable comme l’éolien et le solaire, le stockage de l’énergie devient un enjeu de plus en plus pressant. Mais une nouvelle étude de l’Institut international pour l’analyse des systèmes appliqués (IIASA) en Australie suggère une solution improbable : les mines abandonnées.
Image d’entête : entrée d’une ancienne mine Russe. (Vadim Mahorov)
Selon l’étude, les mines désaffectées pourraient être réaffectées pour servir de « batteries à gravité » (gravity battery ou énergie potentielle de pesanteur). L’idée est simple : l’énergie excédentaire est utilisée pour soulever des objets lourds, comme du sable, dans la mine. Lorsque l’on a à nouveau besoin d’énergie, on laisse tomber le poids, ce qui fait tourner une turbine et reconvertit l’énergie cinétique de la gravité en électricité.
Cette électricité peut ensuite être utilisée lorsque la demande du réseau est élevée. À d’autres moments, lorsqu’il y a un excédent d’énergie dans le réseau, le système de batteries à gravité utilise une partie de cette énergie pour remonter la charge, stockant ainsi l’énergie pour une utilisation ultérieure.
L’un des principaux avantages de cette méthode est qu’elle ne souffre pas des mêmes problèmes de décharge naturelle des batteries traditionnelles. L’énergie est stockée dans le potentiel de gravité du poids lui-même, plutôt que dans une batterie chimique qui peut perdre sa charge avec le temps.
L’une des plus courantes technologies d’énergie par gravité est représentée par les systèmes hydroélectriques à accumulation par pompage-turbinage, où l’eau est libérée à partir d’une certaine hauteur, générant de l’électricité par la rotation de turbines lorsqu’elle s’écoule en aval. Lorsqu’il y a un excédent d’énergie, l’eau est pompée vers le haut.
Exemple de stockage de l’énergie électrique par pompage-turbinage. (EDF)
Mais le véritable attrait de cette idée réside dans le fait qu’il existe déjà des millions de mines abandonnées dans le monde qui pourraient être converties à cette fin à un coût relativement faible. La plupart contiennent l’infrastructure de base requise et sont déjà reliées au réseau électrique.
Selon Julian Hunt, chercheur au sein du programme Énergie, climat et environnement de l’IIASA et auteur principal de l’étude :
*UGES pour Underground Gravity Energy Storage
Lorsqu’une mine ferme, elle licencie des milliers de travailleurs. Cela dévaste les communautés qui dépendent uniquement de la mine pour leur production économique. L’UGES créerait quelques postes vacants, car la mine fournirait des services de stockage d’énergie après l’arrêt de ses activités. Les mines disposent déjà des infrastructures de base et sont connectées au réseau électrique, ce qui réduit considérablement le coût et facilite la mise en œuvre des centrales UGES.
A partir de l’étude : l’activité minière dans le monde. (Hunt et col./ Energies)
Les chercheurs de l’IIASA ont proposé un nouveau type de batterie gravitationnelle, connue donc sous le nom de Underground Gravity Energy Storage (UGES), qui utilise des ascenseurs dans les puits de mine déclassés existants et soulève et abaisse des conteneurs remplis de sable. Des moteurs électriques et des générateurs situés de part et d’autre du puits font monter et descendre l’ascenseur, générant de l’électricité par freinage par récupération à la descente et utilisant une partie de cette électricité à la remontée.
A partir de l’étude : Système souterrain de stockage d’énergie par gravité – Un schéma des différentes sections du système. (Hunt et col./ Energies)
L’IIASA estime que la conversion d’une mine coûterait environ 1 à 10 dollars par kilowattheure, et 2 000 dollars (1840 euros) par kilowatt de capacité électrique. Mais le gain potentiel est énorme : les chercheurs estiment que leur méthode pourrait avoir un potentiel mondial de 7 à 70 térawattheures, la majeure partie de ce potentiel étant concentrée en Chine, en Inde, en Russie et aux États-Unis, les pays qui comptent le plus de mines abandonnées. Pour mettre cela en perspective, la consommation énergétique mondiale en 2021 était d’environ 25 térawattheures.
Mais les avantages de la réutilisation des mines abandonnées pour le stockage de l’énergie ne s’arrêtent pas là. Les chercheurs pensent également que l’exploitation de batteries gravitationnelles dans ces mines pourrait redonner ou préserver certains des emplois perdus lors de la fermeture des mines.
Cette idée n’en est encore qu’aux premiers stades de la recherche et du développement, mais elle pourrait avoir un impact considérable sur l’avenir du stockage des énergies renouvelables. La prochaine étape consistera à étudier la faisabilité de l’idée à plus grande échelle, mais l’étude de l’IIASA suggère que les mines abandonnées pourraient être une solution rentable qui pourrait également fournir des emplois.
Behnam Zakeri, coauteur de l’étude et chercheur au sein du programme Énergie, climat et environnement de l’IIASA, conclut :
Pour décarboniser l’économie, nous devons repenser le système énergétique sur la base de solutions innovantes utilisant les ressources existantes. Transformer les mines abandonnées en stockage d’énergie est un exemple des nombreuses solutions qui existent autour de nous, et nous devons seulement changer la façon dont nous les déployons.
L’étude publiée dans la revue Energies : Underground Gravity Energy Storage: A Solution for Long-Term Energy Storage et présentée sur le site de l’International Institute for Applied Systems Analysis (IIASA) : Turning abandoned mines into batteries.