Le nombre de spermatozoïdes des hommes a diminué de 50 % depuis les années 1970, un déclin qui s’accélère dans le monde entier
Au cours des cinq dernières décennies, le nombre de spermatozoïdes des hommes dans le monde a diminué de moitié, selon une inquiétante étude publiée cette semaine (lien plus bas).
Les résultats annoncent une imminente crise de la fertilité qui a d’abord attiré l’attention en 2017 lorsque des chercheurs ont révélé des baisses significatives du nombre et de la concentration des spermatozoïdes chez les hommes vivant en Amérique du Nord, en Europe et en Australie. La nouvelle étude a révélé que cette tendance est également vraie pour les hommes d’Amérique du Sud, d’Asie et d’Afrique, ce qui montre qu’il s’agit d’un problème mondial, qui ne fera qu’empirer, semble-t-il, car le rythme du déclin continue de s’accélérer.
Image d’entête : spermatozoïdes humains grossis 1500x. Technique : microscopie en fluorescence. Image qui a obtenu le 11e prix du concours Small Worl de Nikon. (Albert Tousson, Université d’Alabama, États-Unis)
Pour le professeur Hagai Levine, auteur principal de l’étude, de l’école de santé publique Hadassah Braun de l’Université hébraïque de Jérusalem, les résultats de l’étude sont comme un « canari dans une mine de charbon » (en référence aux canaris qui étaient utilisés jadis pour détecter les fuites de grisou dans les mines de charbon) et que, s’ils ne sont pas atténués, ils « pourraient menacer la survie de l’humanité ».
Levine, avec ses collègues des États-Unis, du Danemark, du Brésil, de l’Espagne et d’Israël, a compilé 223 études avec des données sur des échantillons de sperme couvrant 57 000 hommes dans 53 pays, y compris des régions qui n’avaient pas été examinées auparavant, et il a reporté le nombre de spermatozoïdes sur une échelle de temps.
De 1963 à 2018, les résultats montrent que le nombre de spermatozoïdes a diminué de 1,2% par an en moyenne. De 2000 à 2018, le déclin a atteint le taux stupéfiant de 2,6 % par an.
Selon Levine :
Dans l’ensemble, nous constatons un déclin mondial significatif du nombre de spermatozoïdes de plus de 50% au cours des 46 dernières années, un déclin qui s’est accéléré ces dernières années.
Levine a déclaré qu’il n’arrivait pas à croire ces résultats et qu’il a dû procéder à une double vérification. Ce qui l’inquiète le plus, c’est qu’il s’agit d’un phénomène mondial, sans solution ni remède clair en vue, ajoutant que :
Comme pour le changement climatique, l’impact pourrait être différent selon les endroits, mais de manière générale, le phénomène est mondial et doit être traité comme tel. Cela ressemble à une pandémie. Il est présent partout. Et certaines des causes peuvent rester avec nous pendant très longtemps.
Résumé graphique de l’étude. (Hagai Levine et col./ Human Reproduction Update)
En moyenne, chaque fois qu’un homme éjacule, il libère près de 200 millions de spermatozoïdes. Il en suffit d’un seul pour féconder l’ovule d’une femme et la rendre enceinte, si bien qu’on pourrait croire qu’il y a assez de spermatozoïdes à gaspiller. Cependant, dans la pratique, la conception est beaucoup plus compliquée que cela.
Même si un seul spermatozoïde est nécessaire pour la fécondation, il y a une raison pour laquelle les testicules produisent autant de spermatozoïdes : la plupart ne peuvent tout simplement pas survivre au voyage vers l’utérus. Pour une fertilité optimale, il faut une concentration saine de spermatozoïdes, de l’ordre d’environ 40 millions de spermatozoïdes par ml.
Si ce seuil minimal n’est pas franchi, la conception est difficile. Il s’ensuit qu’au fur et à mesure de la crise des spermatozoïdes, un nombre croissant d’hommes devront probablement recourir à la procréation assistée. Les chercheurs font état d’une baisse du nombre moyen de spermatozoïdes de 104 à 49 millions par millilitre de sperme, ce qui se rapproche dangereusement du point de basculement de la fertilité mondiale.
Il ne s’agit que d’une étude d’observation, de sorte que les chercheurs n’ont répondu qu’à la question du quoi, et non du pourquoi, quant aux causes possibles de ce phénomène. Mais cela ne signifie pas que les scientifiques sont désemparés. Ils mettent en évidence des facteurs de risque de diminution du nombre de spermatozoïdes, notamment l’alimentation, le tabagisme, l’obésité, le stress, l’abus de drogues et d’alcool, ainsi que l’exposition à certains produits chimiques environnementaux. En ce qui concerne ces derniers, les perturbateurs endocriniens sont les plus préoccupants car ils sont connus pour modifier potentiellement les niveaux de testostérone et d’œstrogène.
De manière quelque peu ironique, cette nouvelle arrive juste après l’annonce par l’ONU que la population mondiale compte désormais plus de 8 milliards de personnes. Les personnes qui se plaignent que nous sommes condamnés par la surpopulation pourraient se réjouir des résultats de l’étude. Cependant, il n’y a pas vraiment de raison de se réjouir. Un faible nombre de spermatozoïdes n’est pas seulement lié à la possibilité de faire des bébés, il peut servir de marqueur de la santé globale de l’homme, et les choses ne s’annoncent donc pas très bien.
les chercheurs de conclure :
Ce déclin substantiel et persistant est maintenant reconnu comme un problème de santé publique important. En 2018, un groupe de cliniciens et de scientifiques de premier plan a appelé les gouvernements à reconnaître la baisse de la fertilité masculine comme un problème majeur de santé publique et à reconnaître l’importance de la santé reproductive masculine pour la survie de l’espèce humaine (et des autres espèces). Il est nécessaire de mener des recherches sur les causes de ce déclin continu et d’apporter une réponse immédiate et ciblée pour éviter de perturber davantage la santé reproductive masculine.
L’étude publiée dans la revue Human Reproduction Update : Temporal trends in sperm count: a systematic review and meta-regression analysis of samples collected globally in the 20th and 21st centuries et présentée sur le site de l’Université hébraïque de Jérusalem : Looming crisis: follow-up study shows significant decline in sperm counts globally, including latin america, asia and africa.