La Chine découvre sur la Lune un nouveau minéral et une possible source d’énergie
Il semble que la mission robotique chinoise Chang’e 5 sur la Lune ait découvert plus que de l’eau sur la surface lunaire. Les scientifiques ont confirmé la découverte d’un nouveau minéral, un cristal transparent nommé Changesite-(Y), ainsi qu’un potentiel et prometteur combustible de fusion.
Image d’entête : une vue de la surface de la lune depuis l’atterrisseur Chang’e 5. (CNSA)
Dans une annonce conjointe de l’Administration spatiale nationale chinoise et de l’Autorité chinoise de l’énergie atomique, la semaine dernière, la Chine a célébré sa première découverte d’un nouveau minéral sur la Lune, et la sixième réalisée par l’humanité.
Selon l’agence de presse chinoise Xinhua :
Changesite-(Y) est une sorte de cristal colonnaire (en aiguilles ou en baguettes) transparent et incolore. Il a été découvert à partir d’une analyse de particules de basalte lunaire par une équipe de recherche de l’Institut de recherche en géologie de l’uranium de Pékin, une filiale de la Compagnie nucléaire nationale chinoise.
L’échantillon analysé, et confirmé par l’Association internationale de minéralogie comme un nouveau minéral, a été trouvé parmi seulement 1 731 g d’échantillons lunaires ramenés par la mission Chang’E 5 en 2020, les premières roches lunaires ramenées sur Terre depuis 1976. Il s’agit d’une particule monocristalline dont le rayon est d’environ 10 microns.
Des scientifiques transfèrent le conteneur chargé d’échantillons lunaires récupérés par la sonde Chang’e-5 à Beijing, capitale de la Chine, le 17 décembre 2020. (Xinhua/Jin Liwang)
Cette expédition a également permis d’obtenir les premiers chiffres concernant la concentration d’hélium 3 dans la poussière lunaire, et les chercheurs ont réussi à déduire les « paramètres d’extraction » nécessaires pour récolter cet isotope à partir des échantillons rapportés.
L’échantillonneur lunaire chinois posé le 17 décembre 2020 dans la région de la bannière de Dorbod en Mongolie intérieure. (CCTV)
L’hélium 3 est considéré comme un potentiel et prometteur combustible pour la fusion nucléaire. Avec deux protons et un seul neutron, il est unique car c’est le seul isotope stable connu d’un élément qui a plus de protons que de neutrons. En théorie, une réaction de fusion entre le deutérium et l’hélium 3 permettrait de libérer 164,3 mégawatts-heures d’énergie par gramme d’hélium 3. De plus, ni l’hélium 3 ni les produits de la réaction ne sont radioactifs, ce qui évite de transformer les composants du réacteur en un casse-tête pour l’élimination des déchets nucléaires radioactifs, comme ce serait le cas avec un réacteur au deutérium-tritium.
Il y a des inconvénients : un réacteur de fusion à l’hélium 3 devra fonctionner à des températures beaucoup plus élevées qu’un réacteur au tritium, par exemple, et l’hélium 3 est extrêmement rare et difficile à isoler sur Terre. En effet, la principale façon de le produire aujourd’hui est d’attendre que le tritium des ogives nucléaires et des stocks connexes se désintègre, puis de l’extraire en petites quantités, soit environ 15 kg par an. Le tritium est naturellement présent dans l’atmosphère terrestre, mais à des concentrations infimes de 7,2 parties par trillion. Il est également présent dans les gaz primordiaux du manteau terrestre, mais il est généralement inaccessible.
Mais il a certainement une grande valeur, puisque les États-Unis ont commencé à l’utiliser dans les détecteurs de neutrons qui recherchent des matières nucléaires aux frontières américaines, ce qui a considérablement augmenté la demande et fait grimper le prix en conséquence. Récemment, son prix a atteint 17 540 dollars le gramme, et la demande devrait continuer à augmenter. C’est pourquoi de nombreux analystes estiment qu’il s’agit d’un excellent candidat pour l’extraction lunaire.
La surface de la Lune contiendrait jusqu’à 1,1 million de tonnes d’hélium 3. Cela représente des ressources d’une valeur d’environ 1,5 quadrillion de dollars, et une opportunité résumée par Ouyang Ziyuan, responsable du programme chinois d’exploration lunaire, comme une opportunité d’énergie de fusion transformationnelle :
Chaque année, trois missions de la navette spatiale pourraient apporter suffisamment de carburant pour tous les êtres humains de la planète.
Bien sûr, les coûts liés à la construction d’une exploitation minière sur la Lune sont… astronomiques. Les concentrations les plus élevées d’hélium 3 dans le sol lunaire sont estimées à environ 50 parties par milliard (la Chine n’a pas publié les concentrations découvertes dans ses échantillons). Il faudrait donc traiter 150 tonnes de régolithes pour récolter un seul gramme de ce précieux isotope. Et il faudrait ensuite le ramener sur Terre, ce qui n’est ni simple ni bon marché.
De plus, bien qu’il y ait une tonne d’énergie et d’activité dans le domaine de la fusion ces derniers temps, il est loin d’être garanti qu’elle sera bientôt opérationnelle en tant que source d’énergie. Et si les chercheurs en fusion parviennent à créer et à maintenir les températures « beaucoup plus élevées » de 600 millions de degrés nécessaires à la fusion de l’hélium 3, peut-être parviendront-ils à atteindre les températures d’un milliard de degrés nécessaires à la fusion de l’hydrogène et du bore, qui est également exempte de combustibles et de sous-produits radioactifs, mais qui utilise un combustible incroyablement bon marché et abondant, et dont la société américaine Tri Alpha Energy (TAE), spécialisée dans la fusion, prévoit la mise en service commerciale d’ici le début ou le milieu des années 2030. Néanmoins, l’exploitation de l’hélium lunaire est très certainement une idée que la Chine envisage d’explorer.
Selon un communiqué de presse de la Compagnie nucléaire nationale chinoise :
L’analyse de la composition des échantillons de sol et de roche lunaires et l’étude de la science nucléaire pour évaluer les ressources potentielles d’énergie nucléaire sur la Lune constituent l’un des objectifs stratégiques du projet d’exploration lunaire de la Chine.
Après l’annonce du projet Changesite-(Y) et de l’hélium 3, l’Administration spatiale nationale chinoise a annoncé l’approbation complète par l’État des trois prochaines missions lunaires de la phase 4. Chang’E 6, 7 et 8, dont le lancement devrait commencer dès 2024, exploreront le pôle sud lunaire et commenceront à construire une structure de base pour la station internationale de recherche lunaire.
A partir de la Compagnie nucléaire nationale chinoise : China Discovered New Lunar Mineral for the First Time (Chang’e on the Moon, for real?) et l’agence de presse nationales chinoises Xinhua : Chinese scientists discover new lunar mineral.