Une protéine anti-insuline permet aux reines fourmis de vivre cinq fois plus longtemps que les ouvrières
Une nouvelle étude fascinante a découvert une protéine supresseuse d’insuline qui peut contribuer à prolonger la durée de vie de certaines fourmis. La recherche a révélé que, chez une certaine espèce de fourmis, cette procédure “anti-âge” est activée lorsque les ouvrières accèdent à la position de reine et permet aux insectes de vivre 5 fois plus longtemps.
Image d’entête : fourmis sauteuses indiennes Harpegnathos saltator. (Hua Yan/ Université de New York)
Ces nouvelles recherches se sont concentrées sur une espèce particulière de fourmis appelée Harpegnathos saltator. Également connus sous le nom de “fourmis sauteuses indiennes” (Indian jumping ant), ces insectes présentent un comportement relativement inhabituel. Lorsque la reine d’une colonie meurt, les fourmis ouvrières femelles se battent pour prendre le trône.
Et lorsque la gagnante émerge pour devenir la nouvelle reine, elle subit une transition (“pseudo-reine”) qui lui permet de commencer à pondre des œufs. Plus curieusement, cette transition reproductive s’accompagne d’une spectaculaire augmentation de 500 % de la durée de vie.
Les reines Harpegnathos ont tendance à vivre entre 4 et 5 ans, alors que les ouvrières ne dépassent guère les 7 mois. Une équipe de chercheurs a donc entrepris de découvrir les changements exacts qui se produisent chez les fourmis pour déclencher un tel allongement de la durée de vie.
Selon Claude Desplan, coauteur principal de l’étude :
En subissant un « changement de caste » réversible, des ouvrières aux pseudo-reines, qui se traduit par une augmentation spectaculaire de leur durée de vie et de leur capacité à se reproduire, les fourmis Harpegnathos offrent une occasion unique d’étudier comment le vieillissement et la reproduction peuvent être déconnectés.
En se concentrant sur les différences d’expression génétique entre les ouvrières et la reine, les chercheurs ont rapidement découvert que le changement clé qui semblait se produire concernait les voies de l’insuline de l’insecte. Cette découverte fut attendue, car la signalisation de l’insuline est connue pour être essentielle à la production d’œufs.
Il est donc évident que les voies de reproduction de la reine sont activées par le déclenchement de ces processus insuliniques. Mais la façon dont ce mécanisme pouvait augmenter de façon aussi spectaculaire la durée de vie de la fourmi restait un mystère.
Les chercheurs ont découvert que lorsque la production ovarienne de la fourmi passe à la vitesse supérieure, une autre protéine est exprimée. Appelée Imp-L2, cette molécule est décrite comme une sorte de protéine « anti-insuline ». Elle bloque la signalisation de l’insuline dans différentes voies que l’on trouve dans les cellules adipeuses et c’est ce mécanisme qui est censé déclencher l’incroyable caractéristique d’allongement de la durée de vie de la reine.
Selon Danny Reinberg, coauteur principal de l’étude :
Les deux branches principales de la voie de signalisation de l’insuline semblent réguler de manière différentielle la fertilité et la durée de vie, l’augmentation de la signalisation dans l’une favorisant la reproduction chez les pseudo-reines et la diminution de la signalisation dans l’autre étant cohérente avec leur longévité accrue.
L’une des plus étranges caractéristiques de ce mécanisme découvert récemment est sa réversibilité. Ces fourmis peuvent passer de l’état d’ouvrière à celui de reine et inversement, mais lorsqu’elles repassent de la reine à l’état d’ouvrière, elles perdent les avantages liés à l’allongement de la durée de vie et reviennent à la courte durée de vie de 7 mois des ouvrières.
Bien que l’étude soit incontestablement un aperçu fascinant d’un mécanisme étrange de prolongation de la vie chez un type spécifique de fourmi, vous vous demandez probablement si cette procédure particulière est présente dans d’autres organismes. Et la réponse, selon Desplan, est peut-être…
Les chercheurs notent que de précédentes études suggèrent de la présence de la voie Imp-L2 chez la mouche des fruits, mais il n’est pas certain que le mécanisme ait le même effet de prolongation de la vie. La prochaine étape pour Desplan et ses collègues sera d’étudier si ce mécanisme peut être détecté chez d’autres invertébrés, et ensuite, peut-être, si une voie similaire peut être trouvée chez les mammifères.
Chez les fourmis Harpegnathos saltator, les ouvrières se battent en duel avec leurs antennes pour établir un nouveau leadership après la mort de leur reine. Les gagnantes (ou pseudo-reines) acquièrent le comportement d’une reine, y compris la ponte, et leur espérance de vie passe de sept mois à quatre ans. (Giacomo Mancini/ Université de New York)
L’étude publiée dans Science : Insulin signaling in the long-lived reproductive caste of ants et présentée sur le site de l’Université de New York : Anti-insulin Protein Linked to Longevity and Reproduction in Ants.