A quoi rêvent les araignées sauteuses ?
Selon une nouvelle étude (lien plus bas), les araignées sauteuses (Evarcha arcuata) pourraient avoir un état de sommeil semblable au sommeil paradoxal, le sommeil actif des humains qui rêvent.
Une équipe internationale de chercheurs a étudié les mouvements rétiniens de bébés araignées sauteuses pendant leur sommeil et elle a constaté qu’ils coïncidaient avec les mouvements corporels associés au sommeil paradoxal chez d’autres animaux.
Image d’entête : araignée sauteuse (E. arcuata) présentant une flexion des pattes pendant un état de sommeil paradoxal. (Daniela C. Roessler)
Selon les chercheurs :
Ce rapport fournit des preuves directes d’un état semblable au sommeil paradoxal chez un invertébré terrestre (un arthropode) avec des parallèles clairs avec le sommeil paradoxal chez les vertébrés terrestres. La combinaison des contractions périodiques des membres et des mouvements oculaires pendant cet état de sommeil, ainsi que l’augmentation de la durée des épisodes de sommeil paradoxal, répond aux critères comportementaux fondamentaux du sommeil paradoxal observé chez les vertébrés, y compris les humains.
On a émis l’hypothèse que les mouvements oculaires pendant le sommeil paradoxal sont directement liés à la scène visuelle vécue pendant le rêve, ce qui soulève la question plus profonde de savoir si les araignées sauteuses peuvent vivre des rêves visuels.
Araignée sauteuse Evarcha arcuata. (Lukas Jonaitis/ Wikimedia)
Chez de nombreux animaux, le sommeil se présente sous la forme de périodes alternées de deux états distincts : un état où il n’y a pas de mouvement, appelé sommeil à mouvements oculaires non rapides (NREM), et un état de sommeil à mouvements oculaires rapides (REM) encore appelé sommeil paradoxal.
Le sommeil paradoxal se caractérise donc par des mouvements oculaires rapides et saccadés, mais il se caractérise également par une paralysie du sommeil qui empêche la plupart des mouvements du corps, mais permet des contractions musculaires à plus petite échelle dans les membres, ainsi que des ondes cérébrales qui semblent similaires à l’activité de l’éveil.
Fait important, c’est pendant le sommeil paradoxal que nous rêvons.
Bien que les mouvements des yeux soient le meilleur indicateur du sommeil paradoxal, les yeux mobiles n’ont évolué que dans un nombre limité de lignées dans le règne animal. Il est donc difficile de comparer le sommeil paradoxal entre les espèces, et les scientifiques ne connaissent toujours pas l’origine évolutive et la fonction exactes de ce phénomène.
L’équipe avait précédemment constaté que les araignées sauteuses se suspendent la tête en bas et restent inactives sur une ligne de soie pendant toute la nuit, ce qui laisse penser qu’elles pourraient être en train de dormir. Au cours de cette période, les araignées présentent des phases d’activité, notamment l’enroulement et la contraction des pattes, qui, selon les chercheurs, pourraient être l’expression d’un état de sommeil paradoxal.
A partir de l’étude : suivi automatique de points de repère, y compris les tubes rétiniens, d’une araignée lors de la phase de sommeil paradoxal. (Rößler et col. / Proceedings of the National Academy of Sciences)
Mais si les araignées sauteuses ne peuvent pas bouger leurs lentilles oculaires, elles peuvent déplacer leurs tubes rétiniens pour ajuster leur regard. Et comme l’exosquelette des bébés araignées est dépourvu de pigmentation, les chercheurs ont pu utiliser des caméras infrarouges (IR) pour regarder au travers et les observer pendant la nuit.
Les auteurs ont enregistré et analysé les images infrarouges nocturnes de 34 jeunes araignées sauteuses pour constater que les bébés araignées présentaient des périodes cohérentes de mouvements rétiniens à intervalles réguliers. De plus, ces périodes et leur durée augmentaient au cours de la nuit.
Il est important de noter qu’elles coïncidaient également avec la flexion des pattes (contractions importantes des pattes vers le sternum) et la contraction des membres, des mouvements similaires à ceux observés chez d’autres animaux pendant le sommeil paradoxal.
L’étude publiée dans The Proceedings of the National Academy of Sciences : Regularly occurring bouts of retinal movements suggest an REM sleep–like state in jumping spiders.