Pourquoi les chats agissent-ils si bizarrement lorsqu’ils sont exposés à l’herbe à chat et à la vigne argentée ?
Le Guru revient sur quelques recherches publiées lors de sa pause de 12 jours pour son appel aux dons… qui n’est pas totalement clôturé (c’est par ici).
Tous ceux qui ont déjà vu un chat en contact avec l’herbe à chat/ cataire (Nepeta cataria) ou la vigne argentée (Actinidia polygama) savent que l’animal devient plutôt “euphorique” : il mâche, lèche, frotte et se roule dedans de manière compulsive.
Bien que l’herbe à chat et la vigne argentée provoquent les mêmes réactions étranges chez les chats, elles ne sont pas étroitement liées, mais ont toutes deux évolué pour produire des iridoïdes similaires (mais pas identiques), un type de monoterpénoïde : des composés chimiques naturels responsables des arômes et des saveurs.
Dans de précédentes recherches (lien ci-dessous), des scientifiques japonais ont montré que le comportement de frottement et de roulement des chats pouvait les protéger des piqûres de moustiques en transférant un iridoïde clé présent dans l’herbe à chat et la vigne argentée sur leur face et leur tête pour repousser le moustique, Aedes albopictus.
Une nouvelle étude menée par la même équipe a révélé que les propriétés intoxicantes de ces plantes ne sont pas les seuls facteurs à l’origine des réactions euphoriques des chats. En effet, les feuilles endommagées libèrent des quantités plus importantes de ces puissants insectifuges, dont le népétalactol et le népétalactone, que les feuilles intactes.
Et le léchage et le mâchonnement sont un comportement instinctif produit par la stimulation olfactive des iridoïdes chez les chats.
A partir de l’étude : (A) Structures chimiques de six iridoïdes végétaux détectés dans les feuilles de vigne argentée. (B) Images d’un chat léchant et mâchant des feuilles de vigne argentée. Ce comportement observé tout au long de la réponse caractéristique endommage les feuilles mais n’est pas destiné à leur consommation. (C) Images de feuilles de vigne argentée froissées et déchiquetées par un chat ou manuellement. Une flèche indique une feuille intacte qui n’a pas été léchée et mâchée par le chat. (Reiko Uenoyama et col./ iScience)
Selon l’auteur principal Masao Miyazaki, professeur au département de chimie biologique et de science alimentaire de l’université d’Iwate, au Japon :
L’émission accrue d’iridoïdes par les feuilles endommagées et la modification de la composition chimique s’additionnent pour induire une durée plus longue de la réaction de frottement et de roulement, ce qui permet aux chats de transférer davantage de répulsifs anti-moustiques sur leur fourrure.
Les chercheurs ont utilisé la spectrométrie de masse par chromatographie en phase gazeuse pour séparer, identifier puis comparer la quantité et la composition des iridoïdes émis par les feuilles intactes et endommagées.
La cataire produit l’iridoïde népétalactone, tandis que la vigne argentée produit un mélange plus complexe d’iridoïdes, dont le népétalactol.
Ils ont constaté que les feuilles d’herbe à chat endommagées émettent un niveau beaucoup plus élevé de népétalactone, et que « les dommages physiques causés à la vigne argentée par les chats ont favorisé l’émission immédiate d’iridoïdes totaux, qui étaient dix fois plus élevés que ceux des feuilles intactes », explique Miyazaki.
A partir de l’étude : (A) Une image de l’essai comportemental utilisant des chats pour comparer la durée totale de la réponse caractéristique des félins (lécher, mâcher, frotter et rouler) au stimulant 1 (flèche rouge) et au stimulant 2 (flèche bleue) qui ont été présentés simultanément. Dans cet essai, les stimulants 1 et 2 étaient des feuilles de vigne argentée intactes et des feuilles de vigne argentée endommagées manuellement, respectivement. (Reiko Uenoyama et col./ iScience)
Les dommages subis par les feuilles modifient également la composition des iridoïdes de la vigne argentée, si le népétalactol représente plus de 90 % des iridoïdes totaux dans les feuilles intactes, cette proportion tombe à environ 45 % dans les feuilles endommagées, tandis que la prévalence des autres iridoïdes augmente.
Cette diversification des iridoïdes dans les feuilles de vigne argentée endommagées les rend plus répulsives pour les moustiques à faible concentration.
Afin de déterminer si les changements de composition chimique influencent la réaction des chats, les scientifiques ont préparé des cocktails d’iridoïdes synthétiques (correspondant aux proportions trouvées dans les feuilles intactes et endommagées) et les ont présentés à un groupe de chats.
Ils ont constaté que le mélange correspondant aux feuilles endommagées provoquait une réponse beaucoup plus prolongée.
Pour s’assurer que les chats réagissaient spécifiquement à ces composés, les animaux ont ensuite reçu des plats contenants de la népétalactone et du népétalactol purs.
Résumé graphique de l’étude. (Reiko Uenoyama et col./ iScience)
Selon Miyazaki :
Les chats présentent la même réaction aux cocktails d’iridoïdes et aux plantes naturelles, à l’exception de la mastication. Ils lèchent les produits chimiques sur le plat en plastique et se frottent et se roulent sur le plat.
Lorsque les cocktails d’iridoïdes ont été appliqués au fond des plats qui ont ensuite été recouverts d’un couvercle en plastique perforé, les chats ont continué à lécher et à mâcher, même s’ils ne pouvaient pas entrer en contact direct avec les produits chimiques.
Cela signifie que le léchage et le mâchonnement sont des comportements instinctifs provoqués par la stimulation olfactive des iridoïdes.
Miyazaki et son équipe veulent maintenant comprendre quel gène est responsable de la réaction des chats à l’herbe à chat et à la vigne argentée.
Nos futures études promettent de répondre aux principales questions restantes, à savoir pourquoi cette réaction est limitée aux espèces de Felidae, et pourquoi certains chats ne réagissent pas à ces plantes.
L’étude publiée dans iScience : Domestic cat damage to plant leaves containing iridoids enhances chemical repellency to pests.