Le multitâche trahira les menteurs
Une nouvelle étude révèle que l’une des meilleures méthodes pour surprendre une personne en train de mentir consiste à essayer de la distraire lorsque celle-ci ne vous dit pas toute la vérité.
Image d’entête : Jim Carrey dans Menteur, menteur. (Universal Pictures)
Il semble que l’effort cognitif supplémentaire requis pour élaborer un mensonge et faire autre chose en même temps rende le bobard moins tenable.
Il y a cependant quelques réserves à faire : par exemple, la tâche secondaire doit être considérée comme importante par la personne qui ment, sinon elle sera capable de donner la priorité au mensonge par rapport à tout ce qu’elle est censée faire.
Les chercheurs à l’origine de cette nouvelle étude suggèrent que les entretiens pourraient être structurés d’une certaine manière afin d’impliquer des tâches secondaires et donc de repérer les mensonges. Ils soulignent toutefois qu’il ne s’agit pas d’un système infaillible et que des travaux supplémentaires sont nécessaires pour comprendre pleinement comment le multitâche gêne les menteurs.
Selon le psychologue Aldert Vrij, de l’université de Portsmouth, au Royaume-Uni :
Nos recherches ont montré que les vérités et les mensonges peuvent paraître tout aussi plausibles les uns que les autres, à condition que les menteurs aient la possibilité de réfléchir à ce qu’ils vont dire. Lorsque la possibilité de réfléchir se réduit, les vérités semblent souvent plus plausibles que les mensonges.
Les mensonges ont semblé moins plausibles que les vérités dans notre expérience, en particulier lorsque les personnes interrogées devaient également effectuer une tâche secondaire et qu’on leur disait que cette dernière était importante.
Voici comment s’est déroulée l’expérience : 164 volontaires ont donné leur avis sur des sujets de société dans l’actualité, puis se sont séparés en deux groupes pour des entretiens fictifs. Ils ont reçu pour instruction de dire la vérité sur leurs opinions ou de mentir à leur sujet.
Ces deux groupes ont ensuite été divisés en trois. Un tiers d’entre eux ont reçu une deuxième tâche à accomplir et ils ont été informés qu’elle était importante pour réussir l’entretien, un tiers a également reçu une deuxième tâche, mais n’a pas été informé de son importance, et le dernier tiers n’a pas eu à se soucier de cette deuxième tâche.
Cette tâche consistait à écrire un numéro d’immatriculation de voiture à sept chiffres qui avait été préalablement montré au participant. À la fin de chaque entretien, l’enquêteur a évalué ce qu’il avait entendu du participant à l’étude dans plusieurs domaines différents, y compris la plausibilité de ce qu’il disait.
Selon les chercheurs dans leur étude (lien plus bas) :
Les différences les plus marquées entre les personnes qui disent la vérité et celles qui mentent se situent au niveau de la plausibilité, de l’immédiateté, de la franchise et de la clarté.
Les résultats correspondent à ce que les chercheurs attendaient, bien que les différences entre les groupes ne soient pas énormes. Pour mentir, il faut inventer des détails, essayer de ne pas se faire prendre par ces détails fictifs et faire en sorte que les mensonges paraissent aussi vrais que possible. Tout cela peut demander beaucoup de matière grise.
Pour obtenir de meilleurs résultats dans la recherche de menteurs, l’équipe suggère que la tâche secondaire soit considérée comme importante ou qu’elle soit absolument nécessaire : tenir quelque chose, par exemple, ou travailler sur un simulateur.
Bien entendu, il y aura toujours de nombreuses autres variables à prendre en compte, notamment le fait que certaines personnes sont bien meilleures que d’autres pour mentir. Néanmoins, il s’agit d’un moyen fascinant d’essayer de mettre en évidence les mensonges lorsqu’ils sont racontés, un moyen qui ne nécessite aucune configuration particulière et que vous pouvez même essayer vous-même.
Selon Vrij :
Le schéma des résultats suggère que l’introduction de tâches secondaires dans un entretien pourrait faciliter la détection des mensonges, mais ces tâches doivent être introduites avec précaution.
L’étude publiée dans l’International Journal of Psychology & Behavior Analysis : The Effects of a Secondary Task on True and False Opinion Statements et présentée sur le site de l’Université de Portsmouth : Exposing liars by distraction.