Sur ces microbes et champignons qui survivent aux mégafeux
Avec l’augmentation des mégafeux à travers le monde, l’Australie a vu à elle seule plus de 24 millions d’hectares brûlés pendant la saison des feux de brousse 2019-2020. En 2016, 534 kilomètres carrés (53 400 hectares) de forêt ont brûlé lors du mégafeu de Soberanos dans la région de Big Sur en Californie, dont deux sites faisant déjà partie d’études en cours sur l’écologie du feu. Les biologistes impliqués dans cette recherche ont vu l’opportunité d’étudier comment les communautés microbiennes du sol réagissent aux mégafeux.
Image d’entête : Lyophyllum Atratum, un des champignons qui a prospéré dans le sol après le mégafeu de Soberanes. (Dylan Enright/ UCR)
Un microbe du sol désigne tout organisme microscopique présent dans l’environnement, y compris des types de bactéries, de champignons, de protozoaires (organismes unicellulaires eucaryotes) et de nématodes (vers ronds non segmentés). Ensemble, ils jouent un rôle essentiel dans le cycle des micros et macroéléments dans les sols, qui sont indispensables au maintien de la vie végétale et animale. Les champignons, en particulier, entretiennent une forte relation symbiotique avec les plantes, la majorité d’entre elles s’appuyant sur des réseaux de champignons mychorrizaux pour faciliter l’obtention d’azote. Si nous savons en général que ces communautés microbiennes sont essentielles à la restauration des écosystèmes après les feux de brousse, ce que nous ignorons, c’est l’impact exact des feux sur les microbes eux-mêmes.
Selon l’auteur principal de l’étude, Sydney Glassman, mycologue à l’Université de Californie à Riverside (UCR/ Etats-Unis) et responsable de l’étude :
Il est peu probable que les plantes puissent se remettre d’un mégafeu sans les champignons bénéfiques qui alimentent les racines en nutriments, ou les bactéries qui transforment le carbone et l’azote supplémentaires dans le sol après le feu. La compréhension des microbes est essentielle à tout effort de restauration.
En prélevant des échantillons de sol sur les deux sites brûlés et sur un site écologiquement similaire, mais non brûlé, l’équipe de l’université de Californie et de l’université de Tokyo (Japon) a entrepris de qualifier et de quantifier la diversité des microbes avant et après le mégafeu, en se concentrant sur les bactéries et les champignons en particulier.
Microbes obtenus à partir d’un sol brûlé par le feu. (Jenna Maddox/ UCR)
De l’ADN a été extrait du sol, puis les échantillons de champignons et de bactéries ont été identifiés et amplifiés par réaction en chaîne par polymérase. Le nombre d’espèces a été estimé en utilisant la quantité d’ADN mesurée dans chaque groupe de microbes, appelé unités taxonomiques opérationnelles (UTO), tandis que la diversité des espèces a été estimée en séquençant l’ADN pour voir combien de groupes taxonomiques différents étaient présents.
Dans les échantillons prélevés dans les zones brûlées, le nombre d’espèces avait chuté, les UTO de champignons ayant diminué de 70 % et les OTU de bactéries de 52 % dans les zones brûlées par rapport à celles non brûlées.
La composition de la communauté a également changé radicalement après le mégafeu, alors qu’avant le feu, les champignons dominants appartenaient au Basidiomycota (62%), au Mucoromycota (25%) et à l’Ascomycota (10%). Après le mégafeu, les Ascomycota ont pris le dessus (65 %), les Basidiomycota ont diminué de 35 % et les Mucoromycota ont été totalement éliminés. Parmi les espèces de Basiomycètes restantes, les levures Basidioascus ont massivement augmenté, car elles ont la capacité de dégrader les composants du bois, notamment la lignine contenue dans les parois cellulaires des plantes.
En ce qui concerne les bactéries, avant l’incendie, les communautés étaient composées de Proteobacteria (84,4 %) et d’Acidobacteria (15,6 %). Après l’incendie, le nombre de Proteobacteria a chuté et les Firmicutes ont pris la tête avec 82 %, tandis que les Acidobacteria en ont bénéficié légèrement (jusqu’à 18 %). Le Penicillium est l’un des microbes qui a prospéré, profitant peut-être des restes des créatures tombées au combat, tandis que certaines espèces sont également capables de manger du charbon de bois.
Selon Glassman :
L’une des raisons pour lesquelles on comprend si peu les champignons est qu’il y a si peu de mycologues qui les étudient. Mais ils ont vraiment un impact important, en particulier à la suite de grands incendies dont la fréquence et la gravité ne font qu’augmenter ici et dans le monde.
L’ensemble de leurs résultats peut être consulté dans la revue Molecular Ecology : Mega-fire in redwood tanoak forest reduces bacterial and fungal richness and selects for pyrophilous taxa that are phylogenetically conserved et présentée sur le site de l’Université de Californie à Riverside : Meet the forest microbes that can survive megafires.