Des scientifiques éliminent des tumeurs avec du son
L‘idée d’utiliser les ultrasons pour cibler un cancer de manière non invasive est séduisante et gagne en popularité, grâce à des études démontrant qu’ils permettent d’administrer plus efficacement les médicaments, d’éliminer sélectivement les cellules cancéreuses et de chauffer et détruire les tissus malades. Des chercheurs de l’université du Michigan (UM/ Etats-Unis) ont étudié la manière dont cette technique peut être combinée aux défenses immunitaires de l’organisme pour éliminer les tumeurs grâce à un double mécanisme de défense.
Image d’entête : le transducteur à réseau d’ultrasons pour histotripsie utilisé dans le laboratoire du professeur Xu à l’Université du Michigan. (Marcin Szczepanski/ Michigan Engineering)
La technique mise au point par l’équipe de l’UM consiste à utiliser des ondes ultrasonores délivrées par impulsions d’une durée de quelques microsecondes sur des tissus ciblés. Appelé histotripsie (ultrasons focalisés de haute intensité), le traitement entraîne la formation de minuscules bulles dans les tissus, qui se dilatent et s’effondrent rapidement de manière violente, le stress mécanique qui en résulte tuant les cellules cancéreuses et démantelant la structure de la tumeur. L’organisme est ensuite capable d’absorber de manière inoffensive les restes.
Image tirée de l’étude : (a) La configuration du traitement par histotripsie chez les rongeurs consistait en un transducteur de thérapie à 8 éléments de 1 MHz délivrant des impulsions de 1 à 2 cycles à P- 30 MPa et une PRF de 100 Hz. Une sonde d’imagerie de 20 MHz à alignement coaxial était utilisée pour le guidage ultrasonore en temps réel. Les deux transducteurs ont été montés sur un système de positionnement motorisé et immergés dans un réservoir d’eau dégazée (milieu de couplage). L’animal a été placé en position couchée sur une plateforme pour permettre l’immersion de la région cible prévue. (b) Génération d’un nuage de cavitation hyperéchogène dans la tumeur du foie. La région tumorale enlevée apparaît hypoéchogène par rapport au parenchyme hépatique environnant. (T. Worlikar et col./ Cancers)
Cette méthode reflète une autre technique mise au point par des scientifiques israéliens, bien que dans cette méthode, les microbulles soient injectées dans la tumeur plutôt que générées de l’extérieur. Un autre point de différence avec l’approche de l’équipe de l’UM est qu’elle cherche à tirer parti de la réponse immunitaire induite par l’histotripsie. Les scientifiques pensent que les résidus de la destruction de la tumeur contiennent les ingrédients nécessaires pour stimuler ce que l’on appelle la mort cellulaire immunogène, dans laquelle le système immunitaire cible les cellules tumorales.
Ce faisant, les scientifiques pensent qu’il pourrait être possible de cibler une partie seulement d’une tumeur avec des ultrasons, tout en stimulant le système immunitaire à éliminer le reste. Cela pourrait s’avérer utile dans les cas où une tumeur ne peut être ciblée dans sa totalité, peut-être en raison de sa taille ou de sa localisation. Pour explorer cette idée, les scientifiques ont mené des expériences sur des rats où seuls 50 à 75 % des tumeurs du foie ont été détruits par la technique des ultrasons.
Cette étude est décrite comme la première à évaluer l’impact de l’ablation partielle par histotripsie sur la capacité des cellules immunitaires à s’infiltrer dans une tumeur et sur les résultats en termes de survie. La destruction partielle des tumeurs tout en laissant des parties intactes a effectivement stimulé la réponse immunitaire des rats, qui ont éliminé le reste. Aucun signe de récidive ou de métastase n’a été observé chez 80 % des rats traités de cette manière.
Selon Zhen Xu, auteur correspondant de l’étude :
Même si nous ne ciblons pas la totalité de la tumeur, nous pouvons la faire régresser et réduire le risque de futures métastases.
Zhen Xu, professeur d’ingénierie biomédicale à l’université du Michigan (à gauche) et Tejaswi Worlikar, étudiant en doctorat d’ingénierie biomédicale devant leur transducteur à réseau d’ultrasons pour l’histotripsie qu’ils utilisent dans le laboratoire du professeur Xu. (Marcin Szczepanski/ Michigan Engineering)
Selon les chercheurs, les mécanismes exacts à l’origine de la destruction de la tumeur restante sont inconnus et, bien qu’il s’agisse probablement d’un résultat de la mort cellulaire immunogène, des études supplémentaires sont nécessaires pour le confirmer. Les prochaines étapes permettront également d’explorer comment la technique pourrait être adaptée pour traiter des tumeurs à différents stades, celles utilisées dans cette étude n’étant qu’à un stade précoce.
Selon l’auteur de l’étude, Tejaswi Worlikar :
L’histotripsie est une option prometteuse qui peut surmonter les limites des modalités d’ablation actuellement disponibles et fournir une ablation non invasive sûre et efficace des tumeurs hépatiques. Nous espérons que les enseignements tirés de cette étude motiveront les futures recherches précliniques et cliniques sur l’histotripsie, dans le but ultime de l’adoption clinique du traitement par histotripsie pour les patients atteints de cancer du foie.
L’étude publiée dans la revue Cancers : Impact of Histotripsy on Development of Intrahepatic Matasteses in a Rodent Liver Tumor Model et présentée sur le site de l’Université du Michigan : Tumors partially destroyed with sound don’t come back.