Les premières images du télescope spatial James Webb dépassent toutes les attentes
Les images d’une étoile plutôt » banale » font aujourd’hui sensations dans le monde de l’astronomie : ce sont les premières renvoyées par le télescope James Webb (JWST ou Webb) de la NASA, et elles ont dépassé tous les espoirs et toutes les attentes.
Après avoir terminé la phase « d’auto-assemblage » de son miroir principal composé de 18 segments, le télescope a pris des images exceptionnelles d’une étoile ordinaire afin de tester ses capacités. L’étoile, connue sous le nom de HD84406, est 100 fois plus pâle que ce que l’on peut voir avec l’œil humain. L’étoile elle-même ne présente que peu d’intérêt. Les astronomes sont plutôt captivés par la gerbe de petits points éparpillés en arrière-plan. Chacun d’eux est une lointaine galaxie et c’est la première fois qu’elles ont pu être capturées.
Lors d’un briefing virtuel, les responsables de la NASA ont exprimé leur immense joie et leur soulagement face à ce que représentent ces premières images.
Selon Lee Feinberg, responsable de l’élément optique du télescope Webb au Goddard Space Flight Center de la NASA :
Nous avions dit l’automne dernier que nous saurions que le télescope fonctionne correctement lorsque nous aurions l’image d’une étoile qui ressemble à une étoile. Vous voyez maintenant cette image. Et je suis heureux de dire que les performances optiques du télescope sont absolument phénoménales, il fonctionne vraiment extrêmement bien. Les performances sont aussi bonnes, sinon meilleures, que nos plus optimistes prédictions.
Ces premières images ne sont donc pas scientifiques. Il s’agit plutôt d’images techniques, conçues pour tester le bon fonctionnement de toutes les parties de cette merveille d’ingénierie. Le télescope, dont le coût s’élève à 10 milliards de dollars, est d’une complexité stupéfiante et l’enjeu est de taille : alors que le télescope Hubble tourne autour de la Terre, à notre portée, James Webb est environ 3000 fois plus éloigné, en orbite autour du Soleil. Si cela élargit considérablement notre vision de l’espace lointain, cela signifie également que si un problème survient, il ne sera pas possible de procéder à des ajustements ou à des réparations.
La pression pour s’assurer que chaque composant du télescope était parfait avant de le lancer dans l’espace fut énorme, et a entrainé un certain nombre de retards. Mais depuis son lancement en décembre 2021, chaque étape du déploiement s’est déroulée de manière irréprochable.
Représentation artistique du télescope spatial James Webb dans l’espace avec ses principaux éléments entièrement déployés. (NASA GSFC/ CIL/ Adriana Manrique Gutierrez)
Le miroir principal du télescope mesure 6,5 mètres de large et il est composé de 18 segments hexagonaux qui se sont assemblés par eux-mêmes dans l’espace. L’alignement de chacun de ces segments pour obtenir une surface réfléchissante unique et lisse exige une précision à l’échelle nanométrique. Jusqu’à présent, il n’y avait aucun moyen de confirmer le bon déroulement du processus, et l’attente de ces premières images fut angoissante. Le soulagement qui accompagne ce portrait stellaire est presque palpable.
Selon Jane Rigby, scientifique du projet d’exploitation du Webb à Goddard :
Les performances du télescope jusqu’à présent correspondent à tout ce que nous osions espérer. Les images techniques que nous avons vues aujourd’hui sont aussi nettes et précises que les images que peut prendre Hubble, mais elles sont à une longueur d’onde de lumière totalement invisible pour Hubble. Ainsi, l’univers invisible devient très, très net.
Au-delà de la confirmation du bon fonctionnement du télescope, ces premières images sont également une démonstration claire des capacités du James Webb.
100 fois plus sensible que Hubble et opérant dans le domaine de l’infrarouge, James Webb capture déjà des galaxies bien plus lointaines que toutes celles que nous avons pu observer auparavant.
Toujours selon Rigby :
Il est impossible que Webb puisse observer pendant 2 000 secondes n’importe quel point du ciel et ne pas obtenir un champ incroyablement profond. Cela va être l’avenir à partir de maintenant. Où que nous regardions, c’est un champ profond. Sans même vraiment transpirer, nous remontons dans le temps vers des galaxies dont nous voyons la lumière telle qu’elle était il y a des milliards d’années.
Et le processus ne fait que commencer. James Webb transporte 4 instruments scientifiques à son bord, mais un seul, la caméra dans le proche infrarouge (NIRCam) qui a contribué à fournir ces premières images, est actuellement opérationnel. La NASA pense que les trois autres seront en action et prêts à commencer le processus d’imagerie scientifique en juin ou juillet.
Ce nouveau « selfie » a été créé à l’aide de l’instrument NIRCam, conçu pour prendre des images des segments du miroir primaire plutôt que des images du ciel. Cette configuration n’est pas utilisée pendant les opérations scientifiques et sert strictement à des fins d’ingénierie et d’alignement. Sur cette image, les 18 segments du miroir primaire du télescope Webb recueillent à l’unisson la lumière de la même étoile. (STScI / NASA)
Ces images permettront de remonter dans le temps pour observer les galaxies des premiers jours de notre univers, quelques centaines de millions d’années seulement après le Big Bang, ce qui pourrait transformer nos connaissances de la formation et de l’évolution des galaxies.
Selon le Dr Rebecca Allen, de l’Institut de technologie et d’industrie spatiales de l’Université de technologie Swinburne (Australie) :
Le télescope spatial James Webb éclairera l’univers de plusieurs manières différentes. Il sera capable de capter la lumière des lointaines étoiles des galaxies qui a été décalée vers l’infrarouge à partir des longueurs d’onde ultraviolet, ce qui signifie que nous pouvons littéralement voir plus loin dans le temps, lorsque l’univers était plus jeune, pour mieux comprendre comment les premières galaxies se sont formées et ont grandi.
Mais il ne s’agit pas seulement de regarder au loin, explique Rebecca Allen :
Les instruments infrarouges du télescope sont également parfaitement adaptés pour nous aider à en savoir plus sur l’univers proche en étudiant les planètes en dehors de notre système solaire. Je suis très enthousiaste à l’idée de voir le télescope réaliser des spectroscopies de mondes lointains lorsqu’ils passent devant leurs étoiles et, je l’espère, confirmer l’existence d’eau au-delà de la Terre.
Enfin, le télescope spatial James Webb est ce que les astronomes appellent un « briseur de poussière » (dust buster).
Toujours selon Rebecca Allen :
Aussi bien à proximité qu’au loin, là où les planètes et les étoiles se forment, il y a des tas de poussière. Parce qu’au fil du temps, les étoiles enrichissent l’univers en créant des éléments plus lourds dans leurs noyaux. La poussière est gênante car elle aime absorber la lumière vive provenant des étoiles, ce qui obscurcit notre vision de ces régions importantes et rend même les galaxies lointaines plus difficiles à voir. Mais cette lumière est réémise à de plus grandes longueurs d’onde que le JWST sera capable de voir, ce qui nous permettra d’en apprendre davantage sur la façon dont les systèmes planétaires comme le nôtre se sont formés.
Avec le télescope en place et aligné, la prochaine décennie (ou deux !) sera riche en découvertes incroyables. Restez à l’écoute !
Présentée sur le site de la NASA : NASA’s Webb Reaches Alignment Milestone, Optics Working Successfully.