6 % de la population européenne de rapaces a disparu uniquement à cause de leur empoisonnement par des munitions au plomb
Les chasseurs, qui utilisent des cartouches de fusil de chasse et des balles de fusil en plomb pour abattre des oiseaux, tuent indirectement des milliers d’autres oiseaux de proie, qui s’empoisonnent en s’attaquant aux animaux abattus ou en les mangeant. Selon une estimation récente de l’université de Cambridge au Royaume-Uni, au moins 6 % de la population européenne totale de rapaces a disparu uniquement à cause de l’empoisonnement par les munitions au plomb.
Image d’entête : Milan royal (Milvus milvus), adulte en vol, Pays de Galles. (Norman Norris/ RSPB)
Les groupes de protection de la nature tirent depuis un certain temps la sonnette d’alarme sur les risques immédiats que représentent les balles en plomb pour la faune et l’humain. Les munitions à noyau de plomb se fragmentent en centaines de petits morceaux lorsqu’un animal est abattu, et sa viande est alors souillée par ce métal toxique. Lorsqu’un animal blessé échappe à une chasse ou qu’un animal abattu comme nuisible n’est pas récupéré, le plomb toxique est transmis à tout prédateur ou charognard qui le croise dans la chaîne alimentaire.
Résumé graphique de l’étude : proportion de rapaces empoisonnés/ Chasseurs par km carré. (R.E.Green/ D.J.Pain/ O.Krone/ Science of the Total Environment)
Par exemple, le National Park Service (NPS) des États-Unis affirme que le saturnisme est la plus grande menace qui pèse sur le rétablissement du condor de Californie. Certains de ces animaux présentent des taux de plomb dans le sang supérieurs à 800 ug/dL (microgrammes par décilitre), une valeur qui pourrait tuer un être humain.
L’empoisonnement au plomb par l’ingestion de balles et de grenaille de plomb usagées est également dangereux pour l’humain. Une étude récente menée par l’université de l’État de Washington a révélé que 34 % des 324 paquets de viande de cerf de Virginie sélectionnés au hasard contenaient des fragments de métal. Certains de ces paquets de venaison hachée et de morceaux entiers contenaient jusqu’à 168 fragments individuels de plomb et de cuivre.
Les rapaces d’Europe souffrent également beaucoup de l’empoisonnement par les munitions de chasse. Dans cette nouvelle étude, des chercheurs de l’université de Cambridge (Royaume-Uni) et de l’Institut Leibniz pour la recherche sur la faune sauvage et de zoo (Leibniz-IZW/ Allemagne) ont analysé un ensemble de données sur les niveaux de plomb dans le foie de plus de 3 000 rapaces retrouvés morts dans plus d’une douzaine de pays européens depuis les années 1970. Parmi les dix espèces de rapaces incluses dans l’étude, dont le pygargue à queue blanche et le milan royal, les chercheurs estiment que le saturnisme a tué environ 50 000 oiseaux adultes.
Pygargue à queue blanche (Haliaeetus albicilla). (Ian McCarthy/ RSPB)
Selon le professeur Debbie Pain de l’université de Cambridge, coauteur de l’étude ;
Il a fallu des décennies aux chercheurs de toute l’Europe pour rassembler suffisamment de données pour nous permettre de calculer l’impact du saturnisme sur les populations de rapaces.
Nous pouvons maintenant voir à quel point les impacts sur les populations peuvent être importants pour certaines de nos espèces les plus charismatiques et les plus vulnérables, des espèces qui sont protégées par la réglementation européenne et la loi britannique sur la faune et la flore sauvages.
Les rapaces les plus vulnérables sont les aigles, qui ont une longue durée de vie (ce qui rend plus probable la rencontre d’un individu avec des munitions au plomb), n’élèvent que quelques jeunes par an. Selon l’étude, la population européenne de pygargues à queue blanche est 14 % plus petite qu’elle ne l’aurait été sans plus d’un siècle d’exposition à des niveaux létaux de plomb dans certains de leurs aliments.
Les populations d’aigles royaux et de vautours fauves sont respectivement inférieures de 13 % et 12 % à ce qu’elles auraient été sans l’empoisonnement au plomb des cartouches de chasse. Les effectifs de l’autour des palombes sont inférieurs de 6 % et ceux du milan royal et du busard des roseaux de 3 %.
Femelle busard des roseaux (Circus aeruginosus). (Martien Brand/ Wikimedia)
Toutes ces estimations sont prudentes, ont ajouté les chercheurs. Les données sur les empoisonnements sont limitées et difficiles à rassembler. Pour certaines des plus rares espèces de rapaces d’Europe, il n’y avait tout simplement pas assez de données pour faire une quelconque estimation du risque.
La solution est simple : les chasseurs doivent cesser d’utiliser des munitions au plomb. Il existe toute une série d’alternatives aux cartouches de fusil de chasse et aux balles en plomb que les chasseurs peuvent utiliser. Mais malgré cela, il semble que la plupart des chasseurs ne soient pas conscients des problèmes causés par leur utilisation de munitions au plomb ou qu’ils s’en moquent tout simplement. C’est ce qui ressort d’une autre étude publiée le mois dernier, selon laquelle près de 99 % des faisans abattus au Royaume-Uni contiennent des fragments de munitions en plomb.
Ces nouvelles conclusions suggèrent que la meilleure solution serait d’interdire complètement ces munitions. Une telle interdiction est actuellement en vigueur au Danemark et aux Pays-Bas, et le Royaume-Uni et l’Union européenne réfléchissent à une interdiction légale de toutes les munitions au plomb.
Selon la professeure Pain :
La souffrance et la mort évitables de nombreux rapaces individuels à cause du saturnisme devraient être suffisantes pour exiger l’utilisation d’alternatives non toxiques. Ces impacts au niveau des populations rendent cette question doublement importante et urgente.
L’étude publiée dans Science of the Total Environment : The impact of lead poisoning from ammunition sources on raptor populations in Europe et présentée sur le site de l’Université de Cambridge : Birds of prey populations across Europe are suppressed by lead poisoning from gun ammunition.