Les trous de ver pourraient aider à résoudre le fameux paradoxe de l’information absorbée par les trous noirs
Qu’advient-il des informations une fois qu’elles ont franchi la limite à partir de laquelle même la lumière ne peut s’échapper d’un trou noir ? Il a été suggéré que la géométrie des trous de ver pourrait nous aider à résoudre ce problème épineux, mais les mathématiques impliquées sont pour le moins délicates.
Dans une nouvelle étude, une équipe internationale de physiciens a trouvé une solution pour mieux expliquer comment un trou noir qui s’effondre peut éviter de violer les lois fondamentales de la physique quantique.
Bien que très théoriques, ces travaux suggèrent qu’il y a probablement des choses qui nous échappent dans la quête de la résolution de la relativité générale avec la mécanique quantique.
Selon le physicien Kanato Goto de l’université Cornell (États-Unis) et de l’Institut de recherche physique et chimique RIKEN (Japon) :
Nous avons découvert une nouvelle géométrie de l’espace-temps avec une structure en forme de trou de ver qui avait été négligée dans les calculs classiques. L’entropie calculée en utilisant cette nouvelle géométrie donne un résultat complètement différent.
Le paradoxe de l’information des trous noirs est l’une des tensions non résolues entre la théorie de la relativité générale d’Einstein et la mécanique quantique.
Selon la relativité générale, l’horizon des événements d’un trou noir est un point de non-retour, la limite à partir de laquelle même la lumière ne peut s’échapper de l’attraction du trou noir. Tout ce qui passe au-delà de ce point critique est inexorablement aspiré dans le puits de gravité et aucune vitesse dans l’Univers n’est suffisante pour s’échapper.
Ci-dessous les différentes “structures” d’un trou noir supermassif (Jet relativiste, horizon des évènements, disque d’accrétion, singularité). (NASA)
Puis, dans les années 1970, Stephen Hawking a suggéré que, si l’on tient compte de la mécanique quantique, les trous noirs pourraient finalement émettre un rayonnement, le rayonnement de Hawking.
Selon la théorie, ce rayonnement résulte de l’interférence du trou noir avec les propriétés ondulatoires des particules qui l’entourent, ce qui le fait « briller » d’une température d’autant plus élevée que le trou noir est petit. Au final, cette lueur devrait permettre au trou noir de se réduire à néant.
Selon Goto :
C’est ce qu’on appelle l’évaporation du trou noir, car le trou noir rétrécit, tout comme une goutte d’eau qui s’évapore.
Étant donné que la « lueur » ne ressemble pas à ce qui est entré dans le trou noir évaporé, il semblerait que ce qui est entré ait disparu pour de bon. Mais selon la mécanique quantique, l’information ne peut pas simplement disparaître de l’Univers. De nombreux physiciens ont exploré la possibilité que, d’une manière ou d’une autre, cette information soit codée dans le rayonnement de Hawking.
Goto et son équipe ont voulu explorer mathématiquement cette idée en calculant l’entropie du rayonnement de Hawking autour d’un trou noir. Il s’agit de la mesure du désordre/ chaos dans un système, qui peut être utilisée pour diagnostiquer une perte d’information dans le rayonnement de Hawking.
Selon un document scientifique datant de 1993, du physicien Don Page, si le chaos s’inverse et que l’entropie tombe à zéro lors de la disparition d’un trou noir, le paradoxe de l’information manquante devrait être évité. Malheureusement, rien dans la mécanique quantique ne permet cette inversion.
C’est là qu’intervient le trou de ver, ou du moins une réplique mathématique de celui-ci dans le cadre de modèles très spécifiques de l’Univers. Il s’agit d’une connexion entre deux régions d’une feuille courbe de l’espace-temps, un peu comme un pont traversant un ravin.
Représentation hypothétique d’un trou de ver reliant deux régions de l’espace. (NASA)
Selon Goto, le fait d’y penser de cette façon en conjonction avec les trous noirs offre un autre moyen de calculer l’entropie du rayonnement de Hawking, ajoutant que :
Un trou de ver relie l’intérieur du trou noir et le rayonnement à l’extérieur, comme un pont.
Lorsque l’équipe a effectué ses calculs en utilisant le modèle du trou de ver, ses résultats ont correspondu à la courbe d’entropie de Page. Ceci suggère que les informations aspirées au-delà de l’horizon des événements d’un trou noir pourraient finalement ne pas être perdues à jamais.
Mais il reste, bien sûr, des questions à résoudre. En attendant d’y répondre, le paradoxe de l’information des trous noirs ne peut être considéré comme définitivement résolu.
Selon Goto :
Nous ne connaissons toujours pas le mécanisme de base de la façon dont l’information est emportée par le rayonnement. Nous avons besoin d’une théorie de la gravité quantique.
L’étude publiée dans le Journal of High Energy Physics : Replica wormholes for an evaporating 2D black hole et présentée sur le site du RIKEN : Wormholes help resolve black hole information paradox.