Magnétar : détection d’une étoile magnétique scintillant en un éclair avec l’énergie produite par le Soleil en 100 000 ans
Bien sûr, nous avons peut-être d’énormes géantes gazeuses et des astéroïdes menaçants, mais comparés aux autres recoins de l’univers, notre système solaire est plutôt banal. Il existe des trous noirs dont la masse dépasse des milliards de masses solaires, générant une attraction gravitationnelle si intense qu’ils influencent la formation et l’évolution de galaxies entières. Et puis il y a les magnétars, beaucoup moins célèbres que les trous noirs mais incroyablement puissants en soi. Ainsi, des astronomes espagnols ont été témoins de l’éruption d’un tel objet, qui concentre en seulement 0,1 seconde autant d’énergie que le soleil en produit en 100 000 ans.
Image d’entête : représentation artistique d’un magnétar. (BCSS/ Mt. Visuel)
Lorsque des étoiles vraiment massives meurent, elles le font avec fracas, déclenchant une explosion de supernova. Par la suite, certaines s’effondrent sous leur propre poids, formant des trous noirs. Celles qui n’y parviennent pas deviennent souvent des étoiles à neutrons, dont la densité stupéfiante n’est dépassée que par celle des trous noirs. Une cuillère à café de la matière d’une étoile à neutrons pèserait environ un milliard de tonnes, par exemple.
Il existe plusieurs types d’étoiles à neutrons, dont les magnétars. Ces objets possèdent des champs magnétiques extrêmement puissants, mille milliards de fois plus puissants que celui de la Terre, et entre 100 et 1 000 fois plus puissants que celui d’un pulsar radio. Ce sont essentiellement les aimants les plus puissants de l’univers.
Les magnétars sont assez rares, seuls quelques dizaines d’objets de ce type ont été identifiés jusqu’à présent. L’un d’entre eux, situé dans la galaxie du Sculpteur, à environ 13 millions d’années-lumière, était en cours d’observation par des astronomes utilisant l’Atmosphere-Space Interactions Monitor (ASIM) à bord de la station spatiale internationale (ISS) lorsqu’une éruption géante fut détectée.
L’éruption, connue sous le nom de GRB 2001415, a libéré à peu près l’énergie que le soleil émet en 100 000 ans, en seulement deux courtes pulsations quasi périodiques qui ont duré environ 160 millisecondes.
Selon Alberto Castro-Tirado, astrophysicien à l’Instituto de Astrofísica de Andalucía del Consejo Superior de Investigaciones Científicas (IAA-CSIC/ Institut d’astrophysique d’Andalousie) et à l’Université de Málaga (Espagne) :
Même à l’état inactif, les magnétars peuvent être cent mille fois plus lumineux que notre Soleil, mais dans le cas de GRB 2001415, l’énergie libérée est équivalente à celle que notre Soleil diffuse en 100 000 ans. C’est un véritable monstre cosmique.
L’éruption du magnétar a été détectée le 15 avril 2020 grâce à un système d’intelligence artificielle intégré à ASIM. Si ce type de système n’avait pas été mis en place, les astronomes n’auraient pas remarqué l’événement, dont le signal s’est transformé en bruit de fond en une fraction de seconde.
Personne ne sait vraiment ce qui a déclenché l’éruption, mais les chercheurs pensent qu’elle pourrait être due à des instabilités dans la magnétosphère ou à des « tremblements de terre » produits dans leur croûte. Des recherches supplémentaires pourraient aider les scientifiques à révéler les mécanismes qui déclenchent ces rots cosmiques effrayants mais, en même temps, fascinants.
Selon le professeur Víctor Reglero, astrophysicien à l’Université de Valence et coauteur de la nouvelle étude :
Bien que ces éruptions aient déjà été détectées dans deux des trente magnétars connus dans notre Galaxie et dans certaines autres galaxies proches, GRB 2001415 serait l’éruption magnétar la plus lointaine captée à ce jour, se trouvant dans le groupe de galaxies du Sculpteur à environ 11 millions d’années-lumière.
Vu en perspective, c’est comme si le magnétar voulait nous indiquer son existence depuis sa solitude cosmique, en chantant dans le kHz avec la force d’un Pavarotti d’un milliard de soleils.
Présentation de la découverte par le professeur Alberto Castro-Tirado de l’Institut d’astrophysique d’Andalousie.
L’étude publiée dans Nature : Very-high-frequency oscillations in the main peak of a magnetar giant flare et présentée sur le site de l’Institut d’astrophysique d’Andalousie : Distinct pulses captured in the giant magnetic flare from a neutron star.