Un traitement permet de restaurer la mémoire de souris âgées et l’humain pourrait être le prochain à en bénéficier
Une nouvelle et passionnante étude menée par des chercheurs du Royaume-Uni propose une méthode innovante pour traiter les pertes de mémoire liées à l’âge. La recherche préclinique montre que le déclin de la mémoire chez des souris vieillissantes peut être inversé en manipulant la composition de structures dans le cerveau connues sous le nom de réseaux périneuronaux.
Image d’entête : neurones d’un cerveau de souris orientés dans l’espace. (Michael Shribak/ Marine Biological Laboratory, Woods Hole)
Les “réseaux périneuronaux” (PNN pour Perineuronal nets) sont des structures du cerveau qui enveloppent certains sous-ensembles de neurones, contribuant ainsi à stabiliser l’activité synaptique. Ils freinent essentiellement la neuroplasticité observée au cours des premières années de la vie.
Bien que les PNN soient essentiels au bon fonctionnement d’un cerveau adulte mature, ils limitent également, par leur nature même, la plasticité et l’adaptabilité neuronales futures. Une nouvelle vague de recherche commence à étudier les moyens de moduler les PNN dans le cerveau adulte dans l’espoir de traiter diverses maladies, du diabète au syndrome de stress post-traumatique (SSPT).
Cette nouvelle étude est née de recherches visant à élucider le rôle que jouent les PNN dans l’acquisition de la mémoire. De précédentes études animales suggèrent que les PNN peuvent devenir plus inhibiteurs avec l’âge, ce qui perturbe la formation de nouveaux souvenirs. En théorie, la perte de mémoire liée à l’âge pourrait donc être inversée en modulant la fonction des PNN.
Les sulfates de chondroïtine sont des substances chimiques qui peuvent favoriser ou inhiber la fonction des PNN. Le 6-sulfate de chondroïtine, par exemple, favorise la neuroplasticité, tandis que le 4-sulfate de chondroïtine fait le contraire.
Avec l’âge, l’équilibre entre ces deux substances chimiques se modifie et les niveaux de chondroïtine 6-sulphate diminuent. Les chercheurs pensent que ce mécanisme joue un rôle dans la façon dont les PNN influencent le déclin de la mémoire lié à l’âge.
Pour explorer cette hypothèse, les chercheurs ont manipulé la composition en sulfate de chondroïtine chez de vieilles souris. Les niveaux de chondroïtine 6-sulfate dans les PNN ont été restaurés et les résultats furent impressionnants. Les déficits de mémoire des souris âgées ont été ramenés aux niveaux observés chez leurs homologues plus jeunes.
Selon Jessica Kwok, une chercheuse de l’université de Leeds travaillant sur l’étude :
Nous avons constaté des résultats remarquables lorsque nous avons traité les souris vieillissantes avec ce traitement. La mémoire et la capacité d’apprentissage ont été restaurées à des niveaux qu’elles n’auraient pas atteints depuis qu’elles étaient beaucoup plus jeunes.
Les chercheurs ont ensuite spécifiquement conçu des modèles de souris pour produire de faibles niveaux de chondroïtine 6-sulfate. Ces animaux ont montré des signes très précoces de perte de mémoire liée à l’âge, ce qui confirme le rôle que joue la chondroïtine 6-sulfate dans la mémoire. Et lorsque les niveaux de chondroïtine 6-sulfate de ces souris ont été rétablis, leur mémoire s’est améliorée pour atteindre celle des jeunes animaux en bonne santé.
Ce qui est passionnant, c’est que même si notre étude n’a porté que sur des souris, le même mécanisme devrait fonctionner chez l’homme.
On a découvert qu’un médicament, déjà mis au point et dont l’utilisation chez l’humain a été approuvée, inhibe la formation de PNN et il est actuellement testé sur des modèles murins de la maladie d’Alzheimer.
James Fawcett, de l’université de Cambridge, affirme qu’une thérapie plus ciblée sur la chondroïtine 6-sulfate chez l’homme pourrait hypothétiquement constituer un traitement efficace pour prévenir la perte de mémoire liée à l’âge. Bien que les chercheurs soulignent que ces travaux n’en sont qu’à leurs débuts et que ces nouvelles découvertes n’ont été démontrées que sur des modèles animaux, Fawcett estime que les mécanismes devraient être transposables à l’homme, il ajoute :
Ce qui est passionnant, c’est que, bien que notre étude n’ait porté que sur des souris, le même mécanisme devrait fonctionner chez l’homme, car les molécules et les structures du cerveau humain sont les mêmes que celles des rongeurs. Cela suggère qu’il pourrait être possible d’empêcher les humains de développer des pertes de mémoire à un âge avancé.
L’étude publiée dans Molecular Psychiatry : Chondroitin 6-sulphate is required for neuroplasticity and memory in ageing et présentée sur le site de l’Université de Cambridge : Scientists reverse age-related memory loss in mice.