Oignon médiéval : au Moyen-âge, les chaussures très pointues et à la mode ont déformé les pieds des Européens
Un engouement pour certaines formes de chaussures au XVe siècle, qui a balayé l’Europe, a laissé des traces sur les squelettes des personnes qui vivaient à cette époque. Des archéologues britanniques ont récemment attribué une épidémie d’oignons trouvée sur près de 200 squelettes à un style de chaussures populaire à long bout pointu.
Image d’entête : une paire de poulaines du 15e siècle, conservée au Musée des beaux-arts de Boston, aux États-Unis. (Université de Cambridge)
Les oignons, ou hallux valgus, sont des renflements qui apparaissent sur le côté du pied lorsque le gros orteil se penche vers les autres orteils et que le premier os métatarsien pointe vers l’extérieur. Des études suggèrent que des facteurs tels que la génétique prédisposent probablement certaines personnes à cette déformation, mais on pense que les talons hauts et les chaussures pointues peuvent exacerber le problème ou accélérer son développement.
Hallux valgus. (Université de Cambridge)
De nouvelles recherches révèlent que les adeptes de la mode médiévale l’ont peut-être découvert à leurs dépens.
Les chaussures en forme de panais, connues sous le nom de poulaines, se sont répandues en Grande-Bretagne au 14e siècle, et ont fini par atteindre des longueurs absurdes. En 1394, un moine d’Evesham a noté que certaines personnes portaient des chaussures à bouts pointus « d’un demi-mètre de long, il était donc nécessaire de les attacher au tibia avec des chaînes d’argent avant de pouvoir marcher avec ».
Les solerets (pièces d’armure protégeant le pied) en poulaine de Maximilien Ier (1485). (Wikimedia)
Mais la mode devient litigieuse. En 1463, Édouard IV restreint la longueur des pointes pour toute personne n’ayant pas le rang de lord à moins de 5 cm dans Londres sous peine d’une amende pour chaque infraction.
Dans une étude publiée récemment (lien plus bas), des chercheurs de l’université de Cambridge rapportent comment ils ont analysé les restes de 177 adultes, dont tous avaient au moins un premier métatarsien présent, provenant de quatre cimetières de Cambridge, dont un cimetière paroissial rural, un couvent augustinien à l’intérieur de la ville et un hôpital.
Les restes de nombreux individus mis au jour sur l’ancien site de l’hôpital de Saint-Jean l’Évangéliste à Cambridge. (Université de Cambridge)
L’équipe a constaté que 31 des individus, dont 20 hommes, présentaient des signes squelettiques d’oignons. L’analyse des restes qui ont pu être datés a révélé que les oignons étaient nettement plus répandus aux 14e et 15e siècles, 19 individus sur 71 présentant cette affection, contre trois sur 52 aux 11e-13e siècles.
L’étude ne peut pas prouver que les oignons ont été engendrés par les poulaines. Toutefois, les chercheurs ont constaté que les oignons étaient plus fréquents chez les citadins et en particulier chez les personnes enterrées au couvent, qui auraient compté des membres du clergé et des laïcs aisés.
Bien que l’on ait pu s’attendre à ce que ces derniers adoptent les tendances de la mode, Mitchell a déclaré que tous les membres du clergé ne se seraient pas habillés sobrement. Certains voulaient se distinguer et portaient donc des gants en velours ou des chaussures voyantes, les chercheurs précisant que le clergé était souvent aisé.
Qui plus est, il semble que les personnes âgées affligées d’oignons étaient plus susceptibles d’avoir eu des fractures résultant probablement d’une chute que les personnes sans hallux valgus.
L’étude publiée dans l’International Journal of Paleopathology : Fancy shoes and painful feet: Hallux valgus and fracture risk in medieval Cambridge, England et présentée sur le site de l’Université de Cambridge : Fashion for pointy shoes in medieval Britain unleashed a plague of bunions.