Une étude détermine que chaque ville possède sa propre empreinte microbienne
Une équipe internationale de chercheurs affirme que chaque ville a sa propre “empreinte digitale”, sous la forme d’agents pathogènes.
Image d’entête : le Dr Christopher Mason (à droite) et son équipe prélèvent des échantillons sur un tourniquet du métro Newyorkais. (Thos Robinson/ Weill Cornell Medicine)
La plus grande étude génétique jamais réalisée sur les microbiomes urbains (comprenant à la fois les surfaces et l’air de 60 villes dans le monde) indique que chaque ville a sa propre empreinte microbienne. Le projet a permis de séquencer et d’analyser des échantillons provenant de systèmes de transport public et d’hôpitaux dans des villes du monde entier, et d’identifier des milliers de virus, de bactéries et deux archées qui ne figuraient pas dans les bases de données de référence.
Environ 4 730 échantillons différents, prélevés dans des villes de six continents sur une période de trois ans, ont été utilisés dans le cadre de cette étude, explique l’équipe. L’analyse a également révélé un ensemble de 31 espèces qui ont été trouvées dans 97% des échantillons.
Selon l’auteur principal Christopher Mason, professeur à Weill Cornell Medicine (Université Cornell/ Etats-Unis) et directeur du WorldQuant Initiative for Quantitative Prediction :
Chaque ville a son propre « écho moléculaire » des microbes qui la définissent. Si vous me donniez votre chaussure, je pourrais vous dire avec une précision d’environ 90 % la ville du monde d’où vous venez.
Cette étude est le premier catalogue exhaustif et mondial des écosystèmes microbiens urbains, selon les auteurs. Malgré l’ampleur des résultats obtenus ici, l’équipe est convaincue que les prochains prélèvements de ce type continueront à trouver de nouvelles espèces.
L’étude trouve son origine en 2013, lorsque Mason a commencé à collecter et à analyser des échantillons microbiens dans le métro de New York. Après avoir publié ses résultats, il a été contacté par d’autres chercheurs du monde entier qui souhaitaient effectuer des analyses similaires dans leur propre ville. Il a donc élaboré un protocole qu’ils pouvaient suivre et l’a publié sur YouTube.
Les échantillons devaient être collectés à l’aide d’écouvillons exempts d’ADN et d’ARN et envoyés à un laboratoire du WCM pour être analysés avec des témoins. La majeure partie de cette phase d’analyse était gérée par un superordinateur XSEDE (Extreme Science and Engineering Discovery Environment) à Pittsburgh (Etats-Unis).
Le Dr Christopher Mason, de la Weill Cornell Medicine, prélève un échantillon sur une rampe de métro de New York. (Thos Robinson/ Weill Cornell Medicine)
Deux ans plus tard, en 2015, Mason a créé le consortium international MetaSUB (Metagenomics and Metadesign of Subways and Urban Biomes) pour mieux gérer toutes les données qui lui étaient envoyées. Des échantillons d’air, d’eau et d’eaux usées arrivaient désormais du monde entier, en plus de ceux provenant de surfaces dures.
Le résumé graphique de l’étude. (David Danko et col./ Cell)
Ces études génomiques peuvent aider à détecter les épidémies d’infections connues et inconnues et à surveiller les populations de microbes résistants aux antibiotiques dans différents environnements urbains. C’est également un outil très utile pour analyser l’évolution de la vie microbienne.
Selon Mason :
Il existe des millions d’espèces sur Terre, mais nous ne disposons d’une référence génomique complète et solide que pour 100 000 à 200 000 d’entre elles à l’heure actuelle. La découverte de nouvelles espèces peut contribuer à la construction d’arbres généalogiques microbiens afin de voir comment les différentes espèces sont liées les unes aux autres.
Sur la base des données de séquençage que nous avons recueillies jusqu’à présent, nous avons déjà trouvé plus de 800 000 nouveaux réseaux CRISPR. En outre, les résultats indiquent la présence de nouveaux antibiotiques et de petites molécules annotés à partir de groupes de gènes biosynthétiques (BGC – Biosynthetic gene clusters) qui sont prometteurs pour le développement de médicaments.
Ces échantillons ont permis d’obtenir les résultats publiés dans cette étude : 4 246 espèces connues de micro-organismes ont été identifiées dans le monde, dont 31 étaient présentes dans 97 % de tous les échantillons provenant de zones urbaines.
Toujours selon Mason :
L’une des prochaines étapes consistera à synthétiser et à valider certaines de ces molécules et les groupes de gènes biosynthétiques prédits (BGC), puis à voir leurs effets médicaux ou thérapeutiques. Les gens pensent souvent qu’une forêt tropicale représente une abondance de biodiversité et de nouvelles molécules pour les thérapies, mais il en va de même pour une rampe de métro ou un banc.
L’étude publiée dans Cell : A global metagenomic map of urban microbiomes and antimicrobial resistance et présentée sur le site du Weill Cornell Medicine : Global Microbiome Study Discovers Thousands of New Species, Maps Urban Antimicrobial Resistance and Reveals New Drug Candidates et de l’Université Cornell : New species are all around us.