Des excréments fossilisés vieux de 2 000 ans révèlent un "événement d’extinction" des bactéries intestinales humaines
Une nouvelle étude publiée cette semaine (lien plus bas) rend compte de la plus vaste analyse génomique d’anciens excréments humains jamais réalisée. La recherche révèle des indices sur la composition d’anciennes bactéries intestinales, en détectant des espèces microbiennes jamais rencontrées auparavant dans nos microbiomes modernes.
Image d’entête : Meradeth Snow, chercheuse à l’université du Montana et qui a participé à l’étude, tient une fiole contenant de l’ADN humain d’anciens excréments. (Tommy Martino/ Université du Montana)
L’étude s’est concentrée sur huit échantillons authentiques de matières fécales humaines fossilisés (coprolithe) trouvés dans des grottes du sud-ouest des États-Unis et du Mexique. La datation au carbone a indiqué que les échantillons avaient entre 1 000 et 2 000 ans.
Près de 500 génomes microbiens ont été reconstitués dans le cadre de l’étude, les chercheurs étant convaincus qu’environ 180 d’entre eux pourraient être étroitement associés à d’anciens microbiomes humains. Étonnamment, 39 % de ces génomes microbiens étaient inconnus jusqu’alors, n’ayant jamais été détectés dans un microbiome humain moderne.
Aleksandar Kostic, auteur principal de l’étude, explique que l’incroyable diversité microbienne des anciens microbiomes intestinaux pourrait être due à des variations alimentaires. L’agriculture industrialisée a entraîné un manque de variété dans les cultures, ce qui signifie que nos bactéries intestinales n’ont tout simplement pas besoin d’être aussi diversifiées qu’elles l’étaient dans le passé.
Selon Kostic :
Dans les anciennes cultures, les aliments que vous mangez sont très diversifiés et peuvent soutenir une collection plus éclectique de microbes. Mais à mesure que l’on s’oriente vers l’industrialisation et une alimentation plus proche de celle des épiceries, on perd beaucoup de nutriments qui contribuent à soutenir un microbiome plus diversifié.
Pour comparer ces résultats aux microbiomes modernes, les chercheurs ont rassemblé plusieurs centaines d’échantillons fécaux d’humains modernes. La moitié provenaient de personnes vivant aux États-Unis ou en Europe et ayant un régime alimentaire occidental, tandis que l’autre moitié provenait de communautés indigènes plus isolées, notamment en Tanzanie, au Pérou et au Mexique.
La présence d’une bactérie appelée Treponema succinifaciens dans chaque échantillon fut une découverte intéressante, alors qu’elle n’a été trouvée dans aucun microbiome occidental moderne. De précédentes recherches ont permis de détecter cette bactérie dans le microbiome de communautés indigènes isolées et il a été supposé qu’elle était le signe que les microbiomes intestinaux de l’humain “industrialisé” moderne ont divergé des formes plus ancestrales.
Autre découverte intéressante : les anciens microbiomes présentaient un volume plus élevé d’enzymes appelées transposases, qui contribuent essentiellement à l’adaptabilité génétique aux conditions environnementales dynamiques.
Toujours selon Kostic :
Nous pensons qu’il pourrait s’agir d’une stratégie utilisée par les microbes pour s’adapter à un environnement qui change beaucoup plus que le microbiome moderne industrialisé, où nous mangeons les mêmes choses et menons la même vie plus ou moins toute l’année. En revanche, dans un environnement marqué par le changement, les microbes pourraient utiliser cette collection beaucoup plus importante de transposases pour saisir et collecter des gènes qui pourraient les aider à s’adapter aux différents environnements.
Et si la diversité microbienne globale était plus élevée dans les échantillons d’anciens microbiomes, certains microbes semblaient ostensiblement absents des excréments fossilisés. L’Akkermansia muciniphila, par exemple, était absente de tous les anciens échantillons et n’était que rarement détectée dans les échantillons modernes non occidentaux. De précédentes études ont révélé une augmentation des volumes d’Akkermansia muciniphila chez les personnes ayant un régime alimentaire riche en viande transformée et en sucre. Ce microbe est connu pour produire des endotoxines associées à l’inflammation.
Meradeth Snow, anthropologue à l’université du Montana qui a participé à l’étude, estime que ce type de recherche permet de mieux comprendre les maladies qui touchent les populations des sociétés occidentales modernes :
C’est une relation symbiotique. Mais lorsque nous étudions les gens aujourd’hui, où que ce soit sur la planète, nous savons que leurs microbiomes intestinaux ont été influencés par notre monde moderne, que ce soit par l’alimentation, les produits chimiques, les antibiotiques ou toute une série d’autres choses. Ainsi, comprendre à quoi ressemblait le microbiome intestinal avant l’industrialisation nous aide à comprendre ce qui est différent dans les intestins d’aujourd’hui.
La prochaine étape pour certains des chercheurs travaillant sur le projet sera d’étudier les fonctions métaboliques possibles de certaines de ces anciennes espèces bactériennes. Kostic pense qu’il serait possible d’utiliser ces vieux génomes nouvellement reconstitués pour ressusciter certaines de ces espèces éteintes et déterminer comment elles influençaient les anciens humains.
Selon Kostic :
Si nous pouvons les cultiver en laboratoire, nous pourrons comprendre beaucoup mieux la physiologie de ces microbes.
L’étude publiée dans Nature : Reconstruction of ancient microbial genomes from the human gut et présentée sur le site de la Harvard Medical School : The Guts of Our Ancestors et l’Université du Montana : Research Reveals Ancient People Had More Diverse Gut Microorganisms.