Une anomalie détectée par le Grand collisionneur de particules laisse entrevoir une nouvelle physique des particules que le modèle standard ne peut expliquer
Le Grand collisionneur de hadrons (LHC) du CERN est conçu pour sonder les limites de la physique connue, et l’installation vient de découvrir des particules qui ne se comportent pas comme prévu. Bien qu’il ne s’agisse que d’un début, cette découverte laisse entrevoir l’existence de nouvelles particules ou forces au-delà du modèle standard.
Image d’entête : diagramme de la désintégration d’une particule inhabituelle qui pourrait laisser entrevoir une physique inconnue. (CERN)
La découverte a été réalisée dans une expérience particulière appelée LHCb, qui étudie des particules appelées « quark bottom« . Ces particules fondamentales et inhabituelles sont produites en grand nombre dans les collisions du LHC, mais elles ne durent pas longtemps : les quarks bottom se désintègrent rapidement en électrons et en muons.
A l’intérieur du LHCb. (CERN)
Selon le modèle standard de la physique des particules, les quarks bottom devraient se désintégrer en électrons et en muons à un rythme égal. Mais les nouvelles données du LHCb suggèrent que ce n’est pas le cas. Plutôt que de le faire à pile ou face, les quarks bottom ont tendance à se désintégrer en électrons plutôt qu’en muons. Sur 5 ans de données, l’équipe a constaté que pour 100 désintégrations d’électrons, il n’y avait qu’environ 85 désintégrations de muons.
La raison exacte de ce phénomène reste un mystère et ne peut être expliquée par le modèle standard de la physique des particules. Selon l’équipe, la seule raison pour laquelle il devrait y avoir une préférence pour l’un ou l’autre est qu’une particule cachée influence le résultat.
Il est intrigant de constater que cette nouvelle découverte est l’aboutissement de plusieurs années d’autres études qui laissaient également entendre que des particules inconnues jouaient un rôle dans ce processus. Bien que ces résultats antérieurs n’aient pas été suffisamment concrets individuellement, l’équipe affirme qu’ils pointent tous dans la même direction, constituant ainsi un ensemble plus vaste de preuves.
Selon Paula Alvarez Cartelle, chercheuse principale de l’étude :
Ce nouveau résultat offre des indices alléchants pour la présence d’une nouvelle particule ou force fondamentale qui interagit différemment avec ces différents types de particules. Plus nous disposons de données, plus ce résultat se renforce. Cette mesure est la plus importante d’une série de résultats obtenus par le LHCb au cours de la dernière décennie qui semblent tous concorder, et qui pourraient tous pointer vers une explication commune. Les résultats n’ont pas changé, mais leurs incertitudes ont diminué, ce qui accroît notre capacité à voir les différences possibles avec le modèle standard.
Cela dit, des incertitudes subsistent, car l’étude n’a pas encore été examinée par des pairs et la découverte n’a pas encore été « confirmée ». Normalement, une valeur/ signification statistique de cinq “définitions standard”, soit l’équivalent d’une chance sur 3,5 millions d’être une coïncidence, est requise pour déclarer une « découverte ». Le nouveau résultat, quant à lui, n’enregistre que trois écarts types, soit environ 1 chance sur 1 000 d’être une anomalie.
Néanmoins, les chercheurs font preuve d’un optimisme prudent en pensant qu’ils sont sur la piste d’une nouvelle physique. Après tout, il y a des questions auxquelles le modèle standard ne peut répondre, comme la matière noire ou ce qui est arrivé à toute l’antimatière. Même la gravité ne s’y retrouve pas.
Selon Konstantinos Petridis, un des auteurs de l’étude :
La découverte d’une nouvelle force dans la nature est le saint Graal de la physique des particules. Notre compréhension actuelle des constituants de l’univers est remarquablement faible : nous ne savons pas de quoi est fait 95 % de l’univers ni pourquoi il existe un si grand déséquilibre entre la matière et l’antimatière. La découverte d’une nouvelle force ou particule fondamentale, comme le laisse entendre l’évidence des différences dans ces mesures, pourrait constituer la percée nécessaire pour commencer à répondre à ces questions fondamentales.
Cette recherche a été présentée lors de la conférence Moriond Electroweak Physics et disponible en prépublication sur ArXiv : Test of lepton universality in beauty-quark decays. Présentée sur le site du CERN : Intriguing new result from the LHCb experiment at CERN et sur le site de Université de Cambridge : New result from LHCb experiment challenges leading theory in physics.