Des plantes fossilisées montrent que le Groenland a déjà fondu il n’y a pas si longtemps et que cela pourrait recommencer
Des scientifiques ont fait la surprenante découverte de plantes fossilisées à 1,4 km sous la calotte glaciaire du Groenland. Cela indique que l’île était dépourvue de glace au cours du dernier million d’années environ, ce qui signifie qu’elle est plus vulnérable au changement climatique que nous le pensions.
Des chercheurs ont analysé des carottes de glace prélevées dans les années 1960 sur une base militaire secrète de l’Arctique et ils ont découvert que la calotte glaciaire du Groenland, qui contient suffisamment d’eau pour faire monter le niveau des mers de 6 mètres dans le monde entier, pourrait fondre beaucoup plus rapidement que prévu.
Il y a plus de 60 ans, des scientifiques de l’armée américaine ont déterré la carotte de glace dans le nord-ouest du Groenland dans le cadre du projet Iceworm, une mission visant à construire une base souterraine pour cacher des centaines d’ogives nucléaires. L’armée a créé une base de recherche appelée Camp Century en guise de couverture, mais la base a finalement été abandonnée et la carotte de glace a été oubliée dans un congélateur.
Carotte de glace prélevée dans les années 60 lors du projet Iceworm. (Université du Vermont)
Les chercheurs ont redécouvert les échantillons de glace en 2017 et ils ont commencé à les étudier en 2019. Ils ont trouvé des fragments de plantes fossilisées qui auraient pu fleurir il y a un million d’années, ce qui implique qu’il y avait autrefois de la végétation à un endroit aujourd’hui enseveli sous la glace. On pensait que la couverture de glace actuelle du Groenland avait trois millions d’années, mais ces fragments indiquent le contraire.
Les échantillons de sol provenant de la carotte de glace forée profondément sous la calotte glaciaire du Groenland contenaient des preuves évidentes de végétation fossilisée. (Université du Vermont)
La majeure partie du Groenland est aujourd’hui recouverte par l’inlandsis groenlandais, qui s’étend sur 1,7 million de kilomètres carrés, selon le National Snow and Ice Data Center américain (NSIDC). Si les nouvelles recherches sont exactes et que la majeure partie de la glace du Groenland a disparu relativement récemment, ce n’est pas une bonne nouvelle pour la stabilité de l’inlandsis actuel.
Si toute la glace du Groenland devait fondre, les mers monteraient d’environ 7 mètres, selon un rapport de 2019 de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA). Cela serait suffisant pour inonder la plupart des villes côtières du monde entier. Même si cela ne se produira pas du jour au lendemain, la calotte glaciaire du Groenland fond déjà maintenant six fois plus vite que dans les années 1980 et si les choses ne changent pas bientôt, nous pourrions être confrontés au pire des scénarios.
Selon Drew Christ, auteur principal de l’étude :
Avant que l’homme n’ajoute des centaines de parties par million de combustibles fossiles dans l’atmosphère, notre climat était capable de faire fondre la calotte glaciaire. À l’avenir, si nous continuons à réchauffer la planète à un rythme incontrôlable, nous pourrions forcer la calotte glaciaire du Groenland à dépasser un certain seuil, la faire fondre et faire monter le niveau des mers.
L’armée américaine a commencé à construire le Camp Century en 1959, puis a extrait une carotte de glace mesurant 3,4 mètres à une profondeur de 1 368 mètres sous la glace. La carotte a été stockée après la fin du projet par l’armée, d’abord à New York, puis à Copenhague. Après un inventaire des matériaux en 2017, les chercheurs ont été appelés à examiner la carotte.
Christ et le groupe de chercheurs ont remarqué de « petites choses noires » flottant dans l’eau. Ils les ont placés sous un microscope et ils ont découvert des brindilles et des feuilles fossiles dans les sédiments gelés. Ces plantes, probablement issues d’une forêt boréale, n’auraient pu pousser que si la calotte glaciaire du Groenland avait pratiquement disparu. L’étape suivante consistera donc à déterminer à quand remonte cette disparition.
Pour dater les plantes, les chercheurs ont examiné les isotopes d’aluminium et de béryllium, qui s’accumulent dans les minéraux lorsqu’ils sont exposés aux radiations qui traversent l’atmosphère. Ils ont déterminé que le sol et les plantes ont vu la lumière du soleil pour la dernière fois il y a entre quelques centaines de milliers et environ un million d’années. Les traces de cires de feuilles ressemblaient à celles que l’on trouve aujourd’hui dans les écosystèmes de la toundra.
Les chercheurs ont estimé que la calotte glaciaire actuelle a persisté à peu près à la même taille pendant environ 2,6 millions d’années, en se basant sur les archives géologiques et la géochimie des océans. Cependant, les résultats montrent que la glace a presque entièrement disparu du Groenland pendant au moins une période du dernier gel de l’île, un seuil inconnu jusqu’alors pour la stabilité de la calotte glaciaire.
Toujours selon Christ :
C’est important alors que nous nous dirigeons vers un avenir plus chaud. Notre système climatique a un équilibre délicat. S’il change suffisamment, on peut faire fondre de grandes parties de ces calottes glaciaires et faire monter le niveau des mers, ce qui inonderait de grandes parties des zones les plus densément peuplées de la Terre.
L’étude publiée dans Proceedings of the National Academy of Sciences : A multimillion-year-old record of Greenland vegetation and glacial history preserved in sediment beneath 1.4 km of ice at Camp Century et l’Université du Vermont : UVM scientists stunned to discover plants beneath mile-deep Greenland ice.