Parce que la structure du cerveau et la toile du cosmos se ressemblent quand même pas mal
Un astrophysicien de l’Université de Bologne et un neurochirurgien de l’Université de Vérone ont comparé le réseau de cellules neuronales du cerveau humain avec le réseau cosmique des galaxies, la toile cosmique… et des similitudes surprenantes sont apparues.
Image d’entête : à gauche, section du cervelet, grossit 40x, obtenue avec la microscopie électronique (Dr. E. Zunarelli, Hôpital universitaire de Modène). A droite : section d’une simulation cosmologique, avec une extension de 300 millions d’années-lumière de chaque côté (Vazza et al. 2019 A&A). (Université de Bologne)
Dans leur étude publiée cette semaine, Franco Vazza (astrophysicien à l’Université de Bologne) et Alberto Feletti (neurochirurgien à l’Université de Vérone) ont étudié les similitudes entre deux des systèmes les plus complexes de la nature : le réseau cosmique des galaxies et le réseau des cellules neuronales du cerveau humain.
Malgré la différence d’échelle substantielle entre les deux réseaux (plus de 27 ordres de grandeur), leur analyse quantitative, qui se situe au carrefour de la cosmologie et de la neurochirurgie, suggère que divers processus physiques peuvent construire des structures caractérisées par des niveaux similaires de complexité et d’auto-organisation.
Modèle simulé de la distribution extrapolée des galaxies à travers l’Univers, issue de la Millennium Simulation.
Le cerveau humain fonctionne grâce à son vaste réseau neuronal qui est censé contenir environ 69 milliards de neurones. D’autre part, l’univers observable est composé d’un réseau cosmique d’au moins 100 milliards de galaxies. Dans les deux systèmes, seuls 30 % de leur masse sont composés de galaxies et de neurones. Dans les deux systèmes, les galaxies et les neurones s’organisent en longs filaments ou nœuds entre les filaments. Enfin, dans les deux systèmes, 70 % de la répartition de la masse ou de l’énergie est composée de composants jouant un rôle apparemment passif : l’eau dans le cerveau et l’énergie sombre dans l’Univers observable.
Partant des caractéristiques communes aux deux systèmes, les chercheurs ont comparé une simulation du réseau de galaxies à des sections du cortex cérébral et du cervelet. L’objectif était d’observer comment les fluctuations de la matière se dispersent à des échelles aussi diverses.
Selon Franco Vazza :
Nous avons calculé la densité spectrale des deux systèmes. C’est une technique souvent utilisée en cosmologie pour étudier la distribution spatiale des galaxies. Notre analyse a montré que la distribution de la fluctuation au sein du réseau neuronal du cervelet sur une échelle allant de 1 micromètre à 0,1 millimètre suit la même progression de la distribution de la matière dans la toile cosmique mais, bien sûr, à une échelle plus grande qui va de 5 millions à 500 millions d’années-lumière.
Les deux chercheurs ont également calculé certains paramètres caractérisant à la fois le réseau neuronal et le réseau cosmique : le nombre moyen de connexions dans chaque nœud et la tendance à regrouper plusieurs connexions dans les nœuds centraux pertinents du réseau.
A partir de l’étude : comparaison d’exemples de tranches du cervelet (rangée du haut), du cortex cérébral (rangée du milieu) et de la répartition de la matière noire dans la toile cosmique (rangée du bas), pour différents niveaux de grossissement. (F. Vazza/ A. Feletti/ Frontiers in Physics)
Selon Alberto Feletti :
Une fois de plus, les paramètres structurels ont permis d’identifier des niveaux de concordance inattendus. Il est probable que la connectivité au sein des deux réseaux évolue selon des principes physiques similaires, malgré la différence frappante et évidente entre les puissances physiques régulant les galaxies et les neurones. Ces deux réseaux complexes présentent plus de similitudes que ceux que partagent le réseau cosmique et une galaxie ou un réseau neuronal et l’intérieur d’un corps neuronal.
Les résultats encourageants de cette étude pilote incitent les chercheurs à penser que des techniques d’analyse nouvelles et efficaces dans les deux domaines, la cosmologie et la neurochirurgie, permettront de mieux comprendre la dynamique des circuits qui sous-tendent l’évolution temporelle de ces deux systèmes.
Dans la même veine, en mars de cette année (2020) des chercheurs américains de se sont inspirés de la structure produite par une moisissure/ champignon gluant (myxomycètes) pour essayer de reconstituer l’insaisissable toile cosmique :
L’étude publiée dans Frontiers in Physics : The Quantitative Comparison Between the Neuronal Network and the Cosmic Web.