Comme s’il n’était pas assez étrange : l’ornithorynque est également fluorescent
L‘ornithorynque est un patchwork vivant de la nature, car cette étrange créature ressemble à une demi-douzaine d’animaux différents, tous combiné en un seul. Il s’avère que les ornithorynques cachaient encore un autre élément remarquable : ils peuvent briller dans le noir.
Sous une lampe à ultraviolets, l’ornithorynque brille d’une douce teinte bleu verdâtre au lieu du brun typique habituel.
Cette récente découverte n’a été faite chez aucune autre espèce de monotrème, un type de mammifère primitif, et les scientifiques s’interrogent : Avons-nous négligé un monde très ancien de fourrure fluorescente ?
Selon les chercheurs dans leur étude :
La biofluorescence a maintenant été observée chez les écureuils volants placentaires du Nouveau Monde, les opossums marsupiaux du Nouveau Monde et les ornithorynques monotrèmes d’Australie et de Tasmanie.
Ces taxons, qui habitent trois continents et une grande diversité d’écosystèmes, représentent les principales lignées de mammifères.
Au cours des siècles, la biofluorescence a été signalée dans diverses plantes, champignons, fruits, fleurs, insectes et oiseaux. Mais ce n’est que récemment que les scientifiques ont commencé à rechercher activement des exemples dans le règne animal. De nombreuses découvertes à ce jour sont le fruit du hasard.
En 2015, par exemple, des scientifiques ont découvert par hasard la première tortue de mer fluorescente alors qu’ils étaient à la recherche de coraux phosphorescents. Deux ans plus tard, la première grenouille fluorescente (ci-dessous) a été découverte inopinément, et l’équipe a conseillé aux autres de « commencer à porter une lampe de poche UV sur le terrain ».
Chez les mammifères, le premier exemple de biofluorescence a été signalé en 1983 chez l’Opossum de Virginie, le seul marsupial d’Amérique du Nord. Mais ce n’est qu’en 2017, et par pur hasard, que des chercheurs ont découvert quelque chose de similaire chez les grands polatouches, des écureuils volants d’Amérique du Nord (Glaucomys), qui sont classés dans la catégorie des mammifères placentaires.
Lors d’une étude nocturne sur des lichens, des chercheurs ont été surpris lorsqu’ils ont allumé leur lampe torche à LED sur un écureuil volant qui apparaissait rose vif, de couleur bubble-gum.
L’une des seules choses que l’opossum et l’écureuil ont en commun est leur mode de vie nocturne. C’est également à ce moment que la lumière UV est la plus forte, ce qui suggère que ce trait pourrait être commun chez les mammifères plus actifs la nuit, à l’aube ou au crépuscule.
Tout comme les écureuils volants et les opossums en Amérique du Nord, les ornithorynques en Australie sont également actifs la nuit. Cependant, ils sont séparés de ces autres animaux par la distance et par quelque 150 millions d’années d’évolution, c’est donc également un bonne exemple d’évolution convergente, lorsque les mêmes adaptations/ évolutions apparaissent chez des espèces bien séparées.
Bien qu’elle abrite certains des mammifères les plus primitifs de la planète, la biofluorescence chez les animaux australiens a fait l’objet de relativement peu de recherches. Mais s’ils ont également une fourrure brillante, ce trait pourrait être beaucoup plus ancien et potentiellement plus courant chez les mammifères que nous le pensions.
Selon la biologiste Paula Spaeth Anich du Northland College (Wisconsin/ Etats-Unis) :
C’est un mélange de hasard et de curiosité qui nous a conduits à éclairer d’une lumière UV les ornithorynques du Field Museum.
Mais nous voulions aussi voir à quelle profondeur dans l’arbre des mammifères se trouvait le trait de la fourrure biofluorescente.
Les chercheurs ont commencé avec deux spécimens empaillés de musée, un mâle et une femelle, recueillis en Tasmanie. Il a été découvert que la fourrure de ces créatures absorbait de courtes longueurs d’onde UV et émettait ensuite de la lumière visible, fluorescente en vert ou en cyan.
En examinant un autre spécimen d’ornithorynque recueilli en Nouvelle-Galles du Sud, les chercheurs ont constaté la même chose.
Selon les chercheurs :
Le pelage de ce spécimen, qui était uniformément brun sous la lumière visible, était également vert biofluorescent sous la lumière UV.
A partir de l’étude : un ornithorynque mâle (Ornithorhynchus anatinus) spécimen de musée prélevé en Tasmanie, Australie, photographié sous la lumière visible et sous une lumière ultraviolette (UV) de 385-395 nm sans et avec un filtre jaune. La biofluorescence de ∼500 nm, du cyan au vert, est visible dans les images du milieu. L’absorption des UV est indiquée par des zones sombres dans la fenêtre de l’extrême droite. (Anich et Col./ Mammalia)
À leur connaissance, l’équipe affirme que c’est la première fois que la biofluorescence est signalée dans des monotrèmes. Cependant, en juin de cette année, un membre de la Queensland Mycological Society a affirmé avoir découvert un ornithorynque tué sur la route qui présentait une lueur similaire.
Selon Linda Reinhold qui a découvert l’ornithorynque :
La fourrure de l’ornithorynque est apparue foncée/violette comme prévu sous la lumière UV, mais une partie de la fourrure est devenue vert mousse, bien qu’elle ne soit pas brillante.
Linda Reinhold a également trouvé sur la route deux bandicoot brunz du Nord avec une fourrure rose fluo, et elle a réussi à les photographier.
Il est encore trop tôt pour savoir quel avantage ce trait pourrait donner aux mammifères nocturnes (les échantillons sont trop petits), bien que les scientifiques aient quelques idées.
En 2017, lorsque les écureuils volants ont été découverts avec une fourrure biofluorescente, certains ont pensé que cela pouvait avoir un rapport avec le camouflage puisque de nombreux arbres sont couverts de mousse et de lichen biofluorescent.
Des peaux d’écureuils volants révèlent la différence spectaculaire entre l’exposition à la lumière visible et à l’ultraviolet. (Jonathan Martin)
Cependant, les bandicoots trouvés par Reinhold sont des mammifères terrestres, et leur fluorescence peut les faire ressortir.
Se démarquer peut être un avantage, selon les circonstances. Pour certains oiseaux, leurs plumes biofluorescentes jouent un rôle dans les rituels d’accouplement. Les poissons utilisent ce trait pour communiquer entre eux.
Pourtant, chez l’ornithorynque, les spécimens mâles et femelles ont montré une fluorescence similaire, ce qui suggère que le trait n’est pas sexuellement dimorphe. De plus, comme l’ornithorynque nage généralement les yeux fermés, la lueur de sa fourrure n’est probablement pas là pour communiquer avec les autres espèces.
Les chercheurs pensent plutôt qu’elle pourrait l’aider à se camoufler des autres prédateurs nocturnes sensibles aux UV en absorbant la lumière UV au lieu de la réfléchir. Des études plus approfondies sont nécessaires en milieu naturel avant que de pouvoir affirmer avec précision ce qui se passe. Nous ne savons même pas comment se produit la biofluorescence de cette fourrure, et les avantages de ce trait pourraient varier d’une espèce à l’autre.
Néanmoins, le fait que cette étrange lueur existe dans la fourrure des monotrèmes pondeurs, des marsupiaux et des mammifères placentaires suggère qu’elle a de profondes racines.
L’étude publiée dans la revue Mammalia : Biofluorescence in the platypus (Ornithorhynchus anatinus).
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