Sur la distanciation sociale naturelle des chauves-souris vampires malades
Les chauves-souris vampires, semble-t-il, adoptent ce que l’on pourrait considérer comme de la distanciation sociale.
Image d’entête : Chauve-souris vampire commune (Desmodus rotundus). (Gerald Carter)
Une nouvelle étude (lien plus bas) suggère que lorsqu’elles sont malades, elles passent moins de temps près des autres membres de leur communauté, ce qui ralentit la vitesse de propagation d’une maladie.
L’équipe de recherche, dirigée par l’université de l’État de l’Ohio, aux États-Unis, avait observé ce comportement en laboratoire et elle s’est servie d’une expérience sur le terrain pour tenter de le confirmer dans la nature.
Simon Ripperger, Gerald Carter et Sebastian Stockmaier ont capturé 31 chauves-souris vampires communes femelles (Desmodus rotundus) vivant à l’intérieur d’un arbre creux à Lamanai, au Belize. Ils ont injecté à 16 d’entre elles une substance immunodépressive (qui affaiblit leur défense immunitaire), et au reste une solution saline.
Ils les ont ensuite équipées de capteurs de proximité, les ont ramenées à leur arbre et ils ont suivi leur activité pendant trois jours. Cela comprenait une « période de traitement » initiale de 3 à 9 heures après les injections, au cours de laquelle ils ont attribué les changements de comportement aux effets des chauves-souris traitées qui se sentaient malades.
Chauve-souris vampire commune (Desmodus rotundus). (Wikimédia)
En moyenne, les chauves-souris malades se sont associées à quatre compagnons de groupe de moins pendant la période de traitement de 6 heures et elles ont passé 25 minutes de moins à interagir avec chaque partenaire. Le temps que deux chauves-souris passaient l’une près de l’autre était le plus court si la rencontre impliquait au moins une chauve-souris malade.
Ces différences ont diminué après la période de traitement et lorsque les chauves-souris dormaient ou cherchaient de la nourriture à l’extérieur du perchoir.
L’une des raisons, sans doute, est que les chauves-souris malades étaient fatiguées et se déplaçaient donc moins : mais le résultat, selon Carter, fut le même. « Ces simples changements de comportement peuvent créer une distance sociale, même sans aucune coopération ou évitement de la part des chauves-souris en bonne santé ».
Les effets sont probablement communs à de nombreux autres animaux, selon les chercheurs, bien que les changements de comportement réels dépendent de l’agent pathogène.
Les chauves-souris vampires ne semblent pas être aussi diligentes pour empêcher la maladie de se propager dans leur communauté, car les résultats suggèrent que leur comportement est plus probablement un sous-produit de la léthargie. Cependant, leur attitude pourrait changer lorsqu’elles rencontrent un véritable agent pathogène qu’elles connaissent.
Selon Ripperger :
Les différences sont que les chauves-souris ne sont pas vraiment malades, parce qu’il n’y a pas de véritable agent pathogène, et que la COVID est causée par un virus et la molécule que nous avons utilisée est bactérienne. Cependant, un parallèle est que la distanciation sociale, qui est maintenant un aspect important de notre routine quotidienne, n’est pas exclusive aux humains, elle peut également être trouvée chez les animaux sociaux. Même un mécanisme aussi simple que la léthargie, qui entraîne une réduction des mouvements et, par conséquent, des taux de rencontre sociale (que nous appelons également « distanciation sociale passive »), réduit les taux de contact entre les personnes « malades » et les personnes en bonne santé et contribuerait également à ralentir la propagation d’un agent pathogène.
À l’avenir, les chercheurs prévoient d’étendre leurs travaux de terrain et la surveillance des réseaux sociaux des chauves-souris vampires en utilisant des capteurs de proximité qui incluront également les vaches, la proie préférée des chauves-souris.
Toujours selon Ripperger :
Une grande opportunité de nos capteurs n’est pas seulement que nous pouvons suivre les rencontres sociales entre tous les membres d’un groupe social entier à haute résolution. Les données sont d’une telle résolution que nous pouvons les utiliser pour redéfinir les réseaux sociaux de manière à ce qu’ils correspondent aux propriétés d’un pathogène particulier. Certains agents pathogènes peuvent nécessiter un contact étroit entre deux individus, d’autres peuvent déjà être contagieux si deux individus s’approchent à moins d’un mètre. Certains peuvent mettre plus de temps à se propager, d’autres sont susceptibles de se propager en une minute. Nos données nous permettent de filtrer les rencontres rapprochées ou plus longues, de redéfinir les réseaux sociaux et nous pouvons utiliser ces données pour modéliser la propagation d’un agent pathogène particulier. Nous espérons que cette avancée dans la technologie de suivi aidera les chercheurs à l’avenir à mieux comprendre la propagation des agents pathogènes dans les populations d’animaux sauvages en général.
L’étude publiée dans Behavioural Ecology : Tracking sickness effects on social encounters via continuous proximity sensing in wild vampire bats et présentée sur le site de l’université de l’État de l’Ohio : For vampire bats, social distancing while sick comes naturally.