C’est arrivé en quelques zeptosecondes : l’événement le plus court jamais mesuré ne dure que quelques sextillions de seconde
Des physiciens allemands affirment avoir mesuré l’unité de temps la plus courte jamais obtenue, soit 247 zeptosecondes seulement.
Image d’entête : représentation schématique de la mesure zeptoseconde. Davantage d’explications, concernant cette image, seront fournies par le Guru un peu plus bas dans le texte. (S Grundmann/ Univ. Francfort)
C’est 247 Trilliardième de milliardièmes de seconde, soit 20 zéros après la virgule, et c’est le temps qu’il faut à une particule de lumière, un photon, pour traverser une molécule d’hydrogène, indique l’équipe de l’université Goethe de Francfort dans une étude publiée cette semaine. En moyenne, en tout cas.
Ce n’est pas la première fois que nous nous trouvons dans ce rare espace temporel. En 2016, des chercheurs dirigés par l’Institut Max Planck d’Allemagne ont révélé que l’émission d’électrons des atomes d’hélium prend 856 zeptosecondes.
L’équipe de Reinhard Dörner a cependant placé la barre plus haut, en travaillant en collaboration avec l’accélérateur DESY (Deutsches Elektronen-Synchrotron : synchrotron allemand à électrons) à Hambourg et l’Institut Fritz-Haber à Berlin.
Ils ont effectué la mesure du temps sur une molécule d’hydrogène qu’ils ont irradiée avec des rayons X de la source de lumière synchrotron PETRA III (Positron-Electron Tandem Ring Accelerator) au DESY. Les particules, dans le Petra III, sont accélérées le long d’une trajectoire circulaire, un anneau que vous pouvez voir ci-dessous.
Vue aérienne des trois salles expérimentales de PETRA III « Ada Yonath » (à gauche), « Max von Laue » (bâtiment courbe au centre) et « Paul P. Ewald » (à droite, à côté des deux salles FLASH) en septembre 2016. (DESY)
L’explication est “grossièrement” la suivante.
Ils ont réglé l’énergie des rayons X de manière à ce qu’une particule de lumière, un photon soit suffisant pour éjecter les deux électrons d’une molécule d’hydrogène. Comme les électrons se comportent comme des particules et des ondes simultanément, l’éjection du premier électron a entraîné le lancement d’ondes électroniques d’abord dans l’un, puis dans le second atome de la molécule d’hydrogène successivement et rapidement, les ondes se confondant.
Le photon s’est ici comporté comme un galet ricochant deux fois sur de l’eau : lorsqu’un creux d’onde rencontre une crête d’onde, les ondes du premier et du second contact avec l’eau s’annulent, ce qui donne lieu à ce que l’on appelle un modèle d’interférence.
L’Image en entête, une représentation schématique de la mesure, présente le photon (jaune, en partant de la gauche) qui produit des ondes électroniques à partir du nuage d’électrons (gris) de la molécule d’hydrogène (rouge : noyau), qui interfèrent les unes avec les autres (schéma d’interférence : violet-blanc). Le modèle d’interférence est légèrement biaisé vers la droite, ce qui permet de calculer le temps nécessaire au photon pour passer d’un atome à l’autre.
L’équipe a ensuite mesuré le modèle d’interférence du premier électron éjecté à l’aide du microscope à réaction COLTRIMS, qui rend visible les processus de réaction ultrarapides des atomes et des molécules.
Dans le microscope à réaction COLTRIMS (Cold Target Recoil Ion Momentum Spectroscopy), le faisceau atomique/moléculaire extrêmement froid collimaté par un récupérateur vient du bas et traverse un faisceau de photons, d’ions ou d’électrons au milieu du microscope. La fragmentation a lieu au point d’intersection. Les fragments chargés sont imagés dans des champs électrostatiques et magnétostatiques superposés sur deux détecteurs (bleu : détecteur d’ions, rouge : détecteur de fin d’électron). La ligne bleue indique une orbite virtuelle d’un électron, les lignes rouge et turquoise indiquent des orbites de fragments d’ions. (R.Doerner / Univ. Francfort)
Simultanément avec le modèle d’interférence, COLTRIMS a permis de déterminer l’orientation de la molécule d’hydrogène. Les chercheurs ont profité du fait que le deuxième électron a également quitté la molécule d’hydrogène, de sorte que les noyaux d’hydrogène restants se sont envolés et ils ont été détectés.
Selon le coauteur Sven Grundmann :
Comme nous connaissions l’orientation spatiale de la molécule d’hydrogène, nous avons utilisé l’interférence des deux ondes électroniques pour calculer précisément quand le photon a atteint le premier et quand il a atteint le second atome d’hydrogène
Et cela va jusqu’à 247 zeptosecondes, selon la distance qui sépare les deux atomes dans la molécule du point de vue de la lumière.
L’étude publiée dans Science : Zeptosecond birth time delay in molecular photoionization et présentée sur le site de l’université Johann Wolfgang Goethe de Francfort-sur-le-Main : Physics / Zeptoseconds: New world record in short time measurement et sur le site du DESY : Zeptoseconds: New world record in short time measurement at PETRA III.
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