D’anciennes traces de pas découvertes en Arabie sont les premières preuves datées de mouvements humains d’Afrique en Asie
Il y a environ 120 000 ans, quelqu’un a traversé la péninsule arabique (Arabie) à dos de cheval, de chameau et même d’éléphant. Nous ne savons pas qui c’était, mais leurs empreintes restent à la porte entre l’Afrique et l’Eurasie, selon des chercheurs qui ont passé du temps à explorer et à étudier les empreintes fossilisées.
Image d’entête : première empreinte humaine trouvée à Alathar et modèle numérique d’élévation correspondant. (Mathew Stewart et Col./ Science Advances)
Dans une étude publiée cette semaine, une équipe internationale dirigée par Mathew Stewart, de l’Institut Max Planck pour la science de l’histoire humaine, en Allemagne, décrit des empreintes fossilisées trouvées dans un ancien gisement lacustre dans le désert du Néfoud, en Arabie Saoudite.
Ils affirment qu’il s’agit des premières preuves datées de mouvements humains dans cette partie du monde, contemporains des déplacements humains bien connus de l’Afrique vers le Levant. Et elles pourraient indiquer la route que les humains ont suivie de l’Afrique vers l’Asie.
Alors que les premiers fossiles d’Homo sapiens trouvés en dehors de l’Afrique remontent à environ 210 000 ans dans le sud de la Grèce et à 180 000 ans dans la région du Levant² en Asie occidentale, les routes que les humains ont utilisées pour se propager au-delà de l’Afrique sont restées largement inconnues.
Piste d’éléphant (à gauche) et piste de chameau (à droite). (Stewart et col./ Science Advances)
Coincée entre l’Afrique et l’Asie, la péninsule arabique semble être le lieu logique où chercher, mais elle est restée sous-étudiée, selon les chercheurs.
Alors que les humains se sont dispersés à plusieurs reprises à l’intérieur de la péninsule, à des moments où ses rudes déserts ont été transformés en prairies luxuriantes, le moment, les personnes, ce qu’ils ont emporté avec eux et ce qu’ils ont trouvé en arrivant sur place, sont restés insaisissables.
Les chercheurs ont trouvé un total de 376 empreintes, dont 7 d’hominidés, 44 d’éléphants et 107 de chameaux, dans une section exposée de sédiments qu’ils ont estimé avoir entre 112 000 et 121 000 ans environ. Ils ont déterminé l’âge des empreintes en datant les sédiments trouvés directement en dessous et au-dessus des empreintes.
Une empreinte d’éléphant. (Gilbert Price/ Mathew Stewart et Col./ Science Advances)
Selon Stewart :
Nous avons immédiatement réalisé le potentiel de ces découvertes. Les empreintes sont une forme unique de preuve fossile dans la mesure où elles fournissent des instantanés dans le temps, représentant généralement quelques heures ou quelques jours, une résolution que nous n’obtenons généralement pas à partir d’autres enregistrements.
D’après la taille et l’orientation des empreintes humaines, il est probable que deux ou trois individus voyageaient ensemble.
De précédentes recherches menées par d’autres groupes ont montré que, durant cette période, l’Homo sapiens se répandait dans le Levant, mais aucune preuve de la présence de l’Homme de Néandertal dans la région.
La comparaison des traces d’hominidés avec celles d’humains modernes et de néandertaliens suggère également que ceux qui ont laissé ces empreintes étaient plus grands, avaient des pieds plus longs et une masse plus petite. Ensemble, Stewart et ses collègues estiment que ces traces ont dû appartenir à l’Homo sapiens.
Empreintes humaines trouvées à Alathar et modèle numérique d’élévation correspondant. (Stewart et col./ Science Advances)
Ce moment particulier intéresse les chercheurs. C’est une période interglaciaire, les conditions de l’époque étaient bien différentes de celles que nous connaissons aujourd’hui. L’humidité dans la région aurait été beaucoup plus élevée, les déserts devenant des prairies avec des lacs et des rivières permanentes.
Selon les chercheurs, ce bouleversement climatique a permis à l’Homo sapiens de se déplacer à travers la région qui aurait autrement constitué une barrière désertique.
Le fait qu’il y ait une si grande densité et diversité d’empreintes dans les sédiments suggère également que les animaux se sont peut-être rassemblés autour du lac en réponse à la sécheresse et à la diminution des réserves d’eau, selon les chercheurs.
Les humains auraient également visité le lac pour l’eau, et peut-être pour trouver de la nourriture dans la région. Probablement aussi pour la chasse. Mais il est fort probable qu’ils ne faisaient que passer, et qu’ils ne s’installaient pas de façon permanente.
Toujours selon Stewart :
Nous savons que des gens ont visité le lac, mais le manque d’outils en pierre ou de preuves de l’utilisation de carcasses d’animaux suggère que leur visite au lac ne fut que brève.
Et selon Michael Petraglia, également de l’Institut Max Planck, qui a supervisé les recherches :
La présence de grands animaux comme les éléphants et les hippopotames, ainsi que de prairies ouvertes et de grandes ressources en eau, ont peut-être fait du nord de l’Arabie un endroit particulièrement attrayant pour les humains qui se déplacent entre l’Afrique et l’Eurasie.
L’étude publiée dans Science Advances : Human footprints provide snapshot of last interglacial ecology in the Arabian interior et présentée sur le site du Max Planck Institute for the Science of Human History : Ancient Human Footprints in Saudi Arabia Provide Snapshot of Arabian Ecology 120,000 Years Ago.