Du plomb provenant de l’incendie de Notre-Dame de Paris retrouvé dans du miel parisien
Lorsqu’elle a brûlé l’année dernière, la cathédrale Notre-Dame de Paris a libéré de la poussière de plomb qui a atterri dans les parcs et les bâtiments de la ville, déclenchant une alerte sanitaire pour ses habitants. Aujourd’hui, des chercheurs ont découvert que le plomb, toxique pour l’humain, était présent dans le miel produit par les ruches urbaines.
Les chercheurs ont analysé les concentrations de métaux, dont le plomb, dans 36 échantillons de miel prélevés dans des ruches parisiennes en juillet 2019. Tout le miel était dans des limites tolérables pour la consommation, mais celui des ruches situées près de Notre-Dame avait des concentrations de plomb 4 fois plus élevées que les échantillons de la banlieue parisienne.
Ruches sur le toit de la sacristie de Notre-Dame. (Université de la Colombie-Britannique)
Selon Kate Smith, de l’université de la Colombie-Britannique et auteure principale de l’étude :
En raison de la façon dont le vent soufflait la nuit où le feu a brûlé, la direction dans laquelle le panache de fumée a voyagé est bien définie. Les concentrations élevées de plomb ont été mesurées dans le miel recueilli dans les ruches situées à l’intérieur de l’empreinte du panache.
A partir de l’étude : carte simplifiée de Paris présentant la position de la cathédrale et le panache de fumée en gris déplacé par le vent le 15 avril 2019. (Kate E. Smith et Coll./ Environmental Letters)
Mme Smith et son équipe ont comparé le miel obtenu après l’incendie avec un miel parisien de 2018 et avec des échantillons de 2017 provenant de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Un échantillon provenant d’une ruche située à 5 km à l’ouest de Notre-Dame présentait la plus forte concentration de plomb, soit 0,08 microgramme, tandis que le miel obtenu avant l’incendie en contenait 0,009.
L’Union européenne autorise une teneur maximale en plomb de 0,10 microgramme par gramme pour les sirops, les édulcorants et les jus. Le plomb est une puissante neurotoxine et une forte exposition à cette substance peut tuer, tandis que des niveaux plus faibles peuvent entraîner des problèmes de santé, tels que des dommages cognitifs et physiques et une réduction de la durée d’attention.
Le plomb était un matériau de construction très utilisé à Paris à l’époque de la construction de Notre-Dame, qui remonte au 12e siècle. Le toit et la flèche de la cathédrale contenaient plusieurs centaines de tonnes de plomb et si la plupart a fondu pendant l’incendie, certaines flammes ont atteint des températures suffisamment élevées pour mettre en aérosol des oxydes de plomb.
Selon la coauteure Dominique Weis :
Nous avons pu montrer que le miel est également un traceur utile pour la pollution de l’environnement lors d’un événement de pollution intense comme l’incendie de Notre-Dame. Ce n’est pas surprenant, car l’augmentation des quantités de plomb dans la poussière ou la couche arable, toutes deux observées dans les quartiers situés sous le vent de l’incendie de Notre-Dame, est un bon indicateur de l’augmentation des quantités de plomb dans le miel.
Le fait que les abeilles butinent généralement dans un rayon de deux à trois kilomètres autour de leur ruche a permis aux chercheurs d’utiliser le miel comme un instantané localisé de l’environnement. Les abeilles collectent la poussière et les particules en suspension dans l’air, qui se retrouvent ensuite dans le miel. Les chercheurs ont travaillé avec une entreprise apicole, qui gère 350 ruches à Paris et leur a fourni les échantillons pour l’étude.
C’est la première fois qu’une analyse des métaux lourds dans le miel est effectuée dans une mégapole. La méthode est issue de travaux antérieurs des mêmes chercheurs, dans lesquels ils avaient mesuré des traces de métaux dans le miel provenant de ruches urbaines de six quartiers de la région métropolitaine de Vancouver, au Canada, démontrant ainsi de l’utilisation des abeilles comme biomoniteur (bioindicateur) efficace.
L’étude publiée dans Environmental Letters : Honey Maps the Pb Fallout from the 2019 Fire at Notre-Dame Cathedral, Paris: A Geochemical Perspective et présentée sur le site de l’ : Lead released in Notre-Dame Cathedral fire detected in Parisian honey.