Comment la domestication des chats a-t-elle commencé en Europe centrale ?
Un chat possède de nombreuses caractéristiques qui le rendent inadapté à la domestication. Mais pour une raison quelconque, les humains les ont domestiqués, et aujourd’hui, il y a environ 500 millions de chats vivant avec les humains dans le monde entier.
Tous les chats modernes remontent à des chats sauvages du Proche-Orient. En fait, il est encore un peu difficile de distinguer les chats domestiques de ces chats sauvages en se basant sur leur ADN. Il semble que ces derniers aient remarqué que des rongeurs comme les souris et les campagnols s’installaient dans les établissements humains pour manger les récoltes et les réserves alimentaires. Les rongeurs venaient pour le grain, et les chats pour les proies faciles et abondantes.
Entre 4 200 et 2 300 ans avant Jésus-Christ, une population de premiers agriculteurs d’Asie centrale s’est installée en Europe, où ils ont interagi avec les chasseurs-cueilleurs qui y vivaient déjà. Certains chats sauvages les suivaient, des archéologues ont trouvé en Pologne des squelettes de chats sauvages du Proche-Orient datant de la même période. L’archéologue Magdalena Krajcarz de l’université Nicolaus Copernicus et ses collègues affirment que les chats ne voyageaient pas vraiment avec les humains, ils ne faisaient que suivre leur proie.
Krajcarz et ses collègues ont examiné la composition chimique des os de 6 chats sauvages du Proche-Orient trouvés dans le sud de la Pologne.
L’un des os de chat du néolithique découvert dans la grotte Żarska en Pologne. (Michał Wojenka/ Magdalena Krajcarz)
Comme les nutriments remontent la chaîne alimentaire, l’azote 15 a tendance à se transmettre davantage que l’autre isotope stable de l’azote (azote 14), de sorte que le rapport entre eux peut suggérer ce qu’un animal mangeait. Les cultures domestiques ont également tendance à être plus riches en azote 15, car il est ajouté sous forme de fumier utilisé comme engrais. Un rapport élevé d’azote 15 peut donc également suggérer un régime alimentaire riche en cultures locales ou en viande provenant d’animaux qui ont mangé ces cultures.
Les chats du Proche-Orient présentaient des taux d’azote 15 assez élevés. Mais le plus important est que les niveaux des chats correspondaient de très près aux niveaux d’azote 15 dans les os des rongeurs mangeurs de cultures locales. Il s’agissait d’une trace moléculaire suggérant qu’environ 75 à 95 % du menu des chats était composé de rongeurs qui se nourrissaient des cultures des agriculteurs et des réserves alimentaires. À la ferme
Mais lorsque Mme Krajcarz et ses collègues ont comparé les chats aux anciens habitants et aux chiens domestiques des colonies voisines, comme Bronocice, ils ont constaté que les humains et leurs chiens avaient des taux d’azote 15 encore plus élevés que les chats. Cela suggère que les gens avaient un régime alimentaire basé presque entièrement sur les cultures agricoles et qu’ils partageaient leur nourriture avec leurs compagnons canins.
Les chats, par contre, semblent avoir vécu près des colonies et ils ont profité de certaines des choses qui vont de pair avec le fait d’avoir des humains comme voisins, comme l’accès à de nombreuses souris bien nourries. Leurs taux d’azote 15 légèrement inférieurs, mais toujours élevés, suggèrent qu’ils vivaient principalement des ravageurs de cultures, mais chassaient également d’autres types de proies.
Les écologistes appellent cela la synanthropie du mode de vie, et aujourd’hui on peut la voir chez les renards (qui commence d’ailleurs à présenter des signes physiques de domestication), les coyotes, les ratons laveurs et les corbeaux des villes modernes. Pour les chats, la synanthropie était une étape sur la voie de la domestication, selon leurs conditions, bien sûr. Les plus anciens restes de chats trouvés dans les habitations humaines remontent à la période romaine en Pologne, 3 000 ans plus tard, et leur taux d’azote 15 est beaucoup plus proche de celui des humains et des chiens.
Lorsque les premiers chats sauvages du Proche-Orient ont suivi les agriculteurs en Europe, ils se sont retrouvés à se partager une niche écologique avec les chats sauvages européens qui y vivaient déjà. Les os des chats sauvages européens que Krajcarz et ses collègues ont examinés présentaient des taux d’azote-15 similaires à ceux des chats du Proche-Orient, mais ils s’étendaient sur une plus grande échelle. Cela suggère que, alors que les chats du Proche-Orient chassaient principalement les nuisibles des cultures, les chats européens n’ont fait qu’ajouter les rongeurs à leur menu local. Cela explique peut-être en partie pourquoi les chats du Proche-Orient, mais pas les chats européens, ont fini par être domestiqués.
Les six chats du Proche-Orient que Krajcarz et ses collègues ont analysé venaient de grottes situées dans les collines surplombant les basses terres fertiles où les gens pratiquaient l’agriculture. Ils semblent avoir atterri dans les grottes soit parce qu’ils y ont vécu et y sont morts, soit parce que des prédateurs plus importants les ont ramenés chez eux en guise de collation. Les gens vivaient dans les hautes terres, en groupes plus petits et plus clairsemés que les colonies agricoles de la vallée en contrebas. Mais il n’y a aucune preuve qu’ils aient enterré les chats.
L’étude publiée dans The Proceedings of the National Academy of Sciences : Ancestors of domestic cats in Neolithic Central Europe: Isotopic evidence of a synanthropic diet et présentée sur le site de l’université Nicolas-Copernic : 5,000 Years of History of Domestic Cats in Central Europe.
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