Caché devant nos yeux : découverte d’un "mur" géant de galaxies s’étendant à travers l’Univers
L‘Univers n’est pas une simple dispersion aléatoire de galaxies éparpillées dans un vide en expansion. Plus on y regarde de près, plus on voit qu’il y a des structures, dont certaines sont des regroupements et des amas de galaxies d’une ampleur inimaginable, qui sont liés par la gravité.
Image d’entête : un amas massif de galaxies avec des filaments cosmiques, issue de la simulation Cluster-Eagle. (Joshua Borrow/ C-EAGLE)
Une telle structure vient d’être découverte, s’arquant à la limite sud du ciel, s’étendant sur 1,37 milliard d’années-lumière d’un bout à l’autre. Ses découvreurs l’ont baptisé le Mur du Pôle Sud. Bien que sa taille soit remarquable, c’est l’une des plus grandes structures spatiales que nous ayons jamais vues, nous savons exactement ce qu’est le mur du pôle Sud.
C’est un filament galactique, un énorme ensemble de galaxies qui forme une frontière entre les espaces vides des vides cosmiques qui, ensemble, forment la toile cosmique (un exemple simulé en image d’entête). C’est pourquoi il est appelé un mur. D’autres murs de ce type, plus grands, sont connus. Le plus grand est le Grand Mur d’Hercule-Couronne boréale, qui s’étend sur 9,7 milliards d’années-lumière. Mais le mur du pôle Sud est spécial, car il est incroyablement proche de la Voie lactée, à 500 millions d’années-lumière. En d’autres termes, c’est la structure la plus massive que nous ayons jamais vue de si près.
Description du Mur du Pôle Sud selon le CEA : Visualisation en 3D de notre cosmographie. Notre galaxie la Voie lactée est située au centre et l’ensemble de la carte couvre une région de dimension 1 milliard d’années-lumière. Les surfaces grises et rouges représentent la structure de La Toile Cosmique, parmi laquelle se distingue le Mur du Pôle Sud. En forme d’arc, il enlace le bassin d’attraction gravitationnelle de Laniakea, notre superamas de galaxies, représenté en bleu. Les vides cosmique du Répulseur du Dipôle et du Répulseur du Point Froid sont représentés par des volumes vert sombre semi-transparents. (Daniel Pomarède et Coll/ CEA)
Vous vous demandez probablement comment, dans Laniakea, le super-amas de galaxies auquel appartient la Voie lactée (position ci-dessous), nous avons réussi à rater l’un des plus grands filaments de galaxie de l’Univers, juste sur le pas de notre porte.
(CEA / Saclay, France)
Et il y a en fait une très bonne réponse à cette question : il était caché derrière ce que les astronomes appellent parfois la Zone d’Évitement, le plan galactique de la Voie lactée.
C’est le disque de notre galaxie natale, une région épaisse et lumineuse de poussière, de gaz et d’étoiles. Si épaisse et lumineuse, en fait, qu’elle obscurcit une grande partie de ce qui se trouve derrière elle, rendant cette région de l’Univers peu explorée par rapport au reste.
Si cette zone d’évitement cachait si efficacement le mur du pôle Sud, comment les astronomes l’ont-ils trouvé maintenant ? La réponse à cette question est un peu plus complexe, mais elle dépend essentiellement de la façon dont les galaxies se déplacent dans le ciel.
Une équipe de chercheurs dirigée par le cosmographe français Daniel Pomarède de l’Université Paris-Saclay a utilisé une base de données appelée Cosmicflows-3, qui contient des calculs de distance à près de 18 000 galaxies. Ces distances sont calculées à l’aide du décalage vers le rouge, permettant de mesurer la vitesse à laquelle une chose s’éloigne en fonction de l’étirement de ses ondes lumineuses.
L’année dernière, une autre équipe de chercheurs a utilisé cette base de données pour calculer un autre paramètre, connu sous le nom de “Peculiar velocity”, la vitesse d’une galaxie par rapport à son mouvement dû à l’expansion de l’Univers.
Avec ces deux paramètres, l’équipe a pu calculer les mouvements des galaxies les unes par rapport aux autres, et ces mouvements ont révélé l’influence gravitationnelle d’une masse beaucoup plus importante. À l’aide d’algorithmes, l’équipe a pu utiliser ces mouvements pour cartographier en trois dimensions la distribution de la matière dans le mur du pôle sud, même au-delà de la zone d’évitement.
Visualisation en 3 D des courants cosmiques. Le champ de vitesse en 3D est représenté à l’aide de lignes de courants initiées dans les régions de haute densité, telles que le Mur du Pôle Sud, représentées par une surface grise. (Daniel Pomarède/ CEA)
La section la plus dense se trouve au-dessus du pôle Sud, cette partie est celle qui se trouve à 500 millions d’années-lumière. Elle s’incurve ensuite vers le nord et vers nous, en s’approchant à moins de 300 millions d’années-lumière de la Voie lactée.
Le long du bras courbe, les galaxies se dirigent vers l’amas du pôle sud et, de là, elles se dirigent vers une autre structure géante, le superamas de Shapley, à 650 millions d’années-lumière.
Comme il y a des parties du Mur du pôle Sud que nous ne pouvons pas voir, il est possible que la structure soit encore plus grande et les astronomes sont impatients de le découvrir.
D’une part, cela pourrait avoir des implications cosmologiques intéressantes, affectant le taux d’expansion de l’Univers local. Cela pourrait ou non jouer un rôle dans ce qui est appelé la tension Hubble (Hubble Tension), la différence entre le taux d’expansion de l’Univers local et le taux d’expansion de l’Univers primordial.
Cela peut également nous aider à comprendre l’évolution de notre coin local de l’espace, qui comprend Laniakea, également découvert par Pomarède et ses collègues (sous la direction de Brent Tully de l’Université d’Hawaï à Manoa) en 2014.
L’étude publiée dans The Astrophysical Journal : Cosmicflows-3: The South Pole Wall et présentée sur le site du CEA : Le Mur du Pôle Sud : cosmic winter is coming.
Encore merci pour toutes ces petites perles de sciences que vous nous communiquez régulièrement 🙂
Mais avec plaisir Jean-Do ! 😉