De nouvelles preuves que le noyau interne de la Terre tourne
Les géologues débattent depuis des décennies pour savoir si le noyau interne de notre planète est en rotation ou non. De nouvelles preuves obtenues par des chercheurs chinois semblent faire allusion à la première hypothèse, selon des données sismiques.
Le mouvement des alliages de fer en fusion dans le noyau externe de la Terre agit comme une dynamo planétaire, générant un très grand champ magnétique appelé magnétosphère. Celle-ci s’étend sur plusieurs dizaines de milliers de kilomètres dans l’espace, bien au-dessus de l’atmosphère, protégeant la planète des particules chargées du vent solaire et des rayons cosmiques qui, autrement, dépouilleraient la haute atmosphère, y compris la couche d’ozone qui protège la vie des rayons ultraviolets nocifs.
Un rendu du turbulent champ magnétique de la Terre (ESA/ SWARM)
Cependant, nous ignorons encore beaucoup de choses sur la façon dont le noyau de la planète interagit avec les lois de la physique complexe pour générer des champs magnétiques. Par exemple, les pôles nord et sud ont « erré » et basculé périodiquement au cours de l’histoire géologique de la Terre, et ces comportements ne sont pas complètement compris.
Pendant des décennies, le mouvement du noyau interne fut l’apanage des théoriciens. Mais en 1996, Xiaodong Song, aujourd’hui professeur de géologie à l’université de Pékin en Chine, a détecté des ondes sismiques passant à travers le noyau interne qui suggéraient un mouvement de rotation différencié du noyau interne par rapport à la surface de la Terre.
Ces premiers résultats ont été assez rapidement écartés, d’autres études indiquant la réflexion des ondes sismiques sur la limite uniforme du noyau interne, qui peut agir comme des canyons ou des montagnes.
Pour leur nouvelle étude, Song et ses collègues, dont des chercheurs de l’université de l’Illinois à Urbana-Champaign (Etats-Unis), ont examiné des données sismiques provenant de divers endroits géographiques du monde. Les données comprenaient également des séismes répétitifs, appelés doublets, qui se produisent au même endroit au fil du temps.
Ces doublets se sont avérés essentiels, car ils offrent le facteur de séparation permettant aux scientifiques de distinguer les changements dus à la variation du relief des changements dus au mouvement et à la rotation du noyau de la planète.
Image d’entête : cette nouvelle étude du noyau interne de la Terre a utilisé des données sismiques provenant de tremblements de terre répétés, appelés doublets, pour découvrir que les ondes réfractées, bleues, plutôt que les ondes réfléchies, violettes, changent avec le temps, fournissant ainsi la meilleure preuve à ce jour que le noyau interne de la Terre est en rotation. (Michael Vincent)
Selon les résultats, certaines des ondes sismiques générées par les tremblements de terre ont pénétré la couche de fer juste en dessous de la limite interne du noyau et se sont modifiées au fil du temps. Cela n’aurait pas dû se produire si le noyau interne était stationnaire, ont écrit les chercheurs dans leur étude.
Selon Song :
Il est important de noter que nous constatons que ces ondes réfractées changent avant que les ondes réfléchies ne rebondissent sur la limite du noyau interne, ce qui implique que les changements proviennent de l’intérieur du noyau interne.
Ce travail confirme que les changements temporels viennent principalement, sinon tous, du corps du noyau interne, et l’idée que les changements de la surface du noyau interne sont la seule source des changements de signal peut maintenant être écartée.
Dans une étude précédente, alors qu’il était professeur à l’université de Columbia, Song et ses collègues ont estimé que le noyau interne tourne dans la même direction que la Terre et légèrement plus vite, effectuant sa rotation d’une fois par jour environ deux tiers de seconde plus vite que la Terre entière.
Cela peut sembler peu, mais c’est quand même 100 000 fois plus rapide que la dérive des continents, et avec le temps, cela s’additionne. Les scientifiques ont constaté qu’au cours des 100 dernières années, cette vitesse supplémentaire a permis au noyau de gagner un quart de tour sur l’ensemble de la planète.
L’étude publiée dans Earth and Planetary Science Letters : Origin of temporal changes of inner-core seismic waves et présentée sur le site de l’université de l’Illinois à Urbana-Champaign : Growing mountains or shifting ground: What is going on in Earth’s inner core?