Les bourdons se dirigent apparemment vers une extinction massive
Les plus importants pollinisateurs de la planète disparaissent dans les zones où les températures augmentent.
Image d’entête : bourdon Bombus impatiens (commun dans l’Est). (Antoine Morin/ Université d’Ottawa)
Le déclin des abeilles fait la une des journaux depuis des années, avec d’autres comme les lucioles, les papillons, les grillons, etc. Mais on n’entend pas trop parler des bourdons, membres du genre Bombus.
Malheureusement, les nouvelles sont tout aussi tristes. Une nouvelle étude de l’université d’Ottawa (Canada) conclut que les bourdons « disparaissent à un rythme compatible avec une extinction massive ».
L’étude a montré qu’au cours d’une seule génération humaine, les chances de survie d’une population de bourdons dans un endroit donné ont diminué en moyenne de plus de 30 %.
Selon le premier auteur, Peter Soroye, doctorant au département de biologie de l’université d’Ottawa :
Les bourdons sont les meilleurs pollinisateurs que nous ayons dans les paysages sauvages et les plus efficaces pour les cultures comme la tomate, la courge et les baies. Nos résultats montrent que nous sommes confrontés à un avenir avec beaucoup moins de bourdons et beaucoup moins de diversité, tant à l’extérieur que dans nos assiettes.
L’équipe a voulu étudier le changement climatique et ses effets sur la fréquence de choses comme les vagues de chaleur et les sécheresses, et comment ces cas de « chaos climatique » affectent différentes espèces. Pour ce faire, ils ont mis au point une nouvelle mesure de la température et un moyen de prévoir le risque d’extinction.
Selon le Dr Tim Newbold, chercheur à l’University College London (Royaume-Uni):
Nous avons créé un nouveau moyen de prédire les extinctions locales qui nous indique, pour chaque espèce individuellement, si le changement climatique crée des températures qui dépassent ce que les bourdons peuvent supporter.
Ils ont examiné les données de 66 espèces de bourdons différentes en Amérique du Nord et en Europe entre 1900 et 2015 pour tester leur hypothèse et leur nouvelle technique. Ils ont ensuite pu voir comment les populations de bourdons ont changé en comparant la situation actuelle des abeilles à celle d’avant.
Selon Soroye :
Nous avons constaté que les populations disparaissaient dans les zones où les températures se sont élevées. En utilisant notre nouvelle mesure du changement climatique, nous avons pu prévoir les changements à la fois pour des espèces individuelles et pour des communautés entières de bourdons avec une précision étonnamment élevée.
Un visuel crée à partir des données de cette étude :
Toujours selon Soroye :
Nous savons depuis un certain temps que le changement climatique est lié au risque croissant d’extinction des animaux dans le monde entier. Dans ce document, nous offrons une réponse aux questions cruciales de savoir comment et pourquoi. Nous constatons que les extinctions d’espèces sur deux continents sont causées par des températures extrêmes plus élevées et plus fréquentes.
Nous sommes maintenant entrés dans le sixième événement d’extinction massive au monde, la plus grande et la plus rapide crise mondiale de la biodiversité depuis qu’un météore a mis fin à l’ère des dinosaures.
Si le déclin se poursuit à ce rythme, beaucoup de ces espèces pourraient disparaître à jamais en quelques décennies.
Mais aussi sombre que tout cela puisse paraître, les chercheurs voient un côté positif, selon Soroye :
L’élément le plus excitant est peut-être que nous avons mis au point une méthode de prévision du risque d’extinction qui fonctionne très bien pour les bourdons et qui pourrait en théorie être appliquée universellement à d’autres organismes. Avec un outil de prévision comme celui-ci, nous espérons identifier les zones où des actions de conservation seraient essentielles pour arrêter le déclin.
Selon Jeremy Kerr, professeur à l’université d’Ottawa :
Ce travail est également porteur d’espoir en ce qu’il implique de trouver des moyens pour que ces organismes et d’autres puissent échapper au changement climatique en préservant les habitats qui leur offrent un abri, comme les arbres, les arbustes ou les collines, qui pourraient permettre aux bourdons de se protéger de la chaleur. En fin de compte, nous devons nous attaquer au changement climatique lui-même et chaque mesure que nous prenons pour réduire les émissions y contribuera. Le plus tôt sera le mieux. Il est dans notre intérêt à tous de le faire, ainsi que dans celui des espèces avec lesquelles nous partageons le monde.
L’étude publiée dans Science : Climate change contributes to widespread declines among bumble bees across continents et présentée sur le site de l’université d’Ottawa : Why Bumble Bees Are Going Extinct in Time of “Climate Chaos”.