Calmar géant, tout autant que son génome
Le calmar géant, sujet de nombreux récits théâtralisés, est en fait aussi mystérieux que gros.
Rarement observé, il n’a jamais été capturé et maintenu en vie, de sorte que l’on sait relativement peu de choses sur sa biologie.
Image d’entête : la théâtralisation d’une rencontre sous-marine entre un cachalot et un calmar géant, à partir d’un diorama dans le Hall of Ocean Life du Musée américain d’histoire naturelle. (Mike Goren/Wikimédia)
Nous en savons maintenant plus. Une équipe de recherche dirigée par Rute da Fonseca de l’université de Copenhague, au Danemark, a séquencé le génome de l’Architeuthis dux et publié leurs résultats la semaine dernière (lien plus bas).
Échelle de taille entre l’humain et le calmar géant. (Université de Copenhague)
La première chose à noter est que le génome est grand : avec un estimé de 2,7 milliards de paires de bases d’ADN, environ 90% de la taille du génome humain.
Mais, explique la coauteure Caroline Albertin du Marine Biological Laboratory (Etats-Unis), concernant leurs gènes :
Nous avons constaté que le calmar géant ressemble beaucoup aux autres animaux. Cela signifie que nous pouvons étudier ces animaux vraiment bizarres pour en apprendre davantage sur nous-mêmes.
En 2015, Mme Albertin a dirigé l’équipe qui a séquencé le premier génome d’un céphalopode, le groupe qui comprend le calmar, la pieuvre, la seiche et le nautile.
A gauche : Spécimen de calmar géant conservé au Natural History Museum de Londres. A droite : Le même individu mesuré avant la fixation. (Musée d’Histoire Naturelle de Londres)
Pour cette nouvelle étude, elle a analysé plusieurs anciennes familles de gènes bien connues du calmar géant, en établissant des comparaisons avec les quatre autres espèces de céphalopodes qui ont été séquencées et avec le génome humain.
Elle a découvert que des gènes importants pour le développement chez presque tous les animaux n’étaient présents qu’en un seul exemplaire dans le génome du calmar géant.
Cela signifie que le calmar géant n’a pas atteint une telle taille grâce à la duplication du génome entier, une stratégie que l’évolution a adoptée il y a longtemps pour augmenter la taille des vertébrés. Espérons que des recherches plus approfondies sur le génome permettront d’expliquer comment il fait.
Comparaison du contenu en répétitions des génomes de céphalopodes (données de répétitions pour O. minor et O. bimaculoides et pour E. scolopes). L’arbre indique les relations évolutives entre les 2 céphalopodes octopodes disponibles et les 2 céphalopodes décapodes disponibles. Les diagrammes circulaires sont mis à l’échelle en fonction de la taille du génome, les types de répétition étant indiqués par couleur. (Rute R da Fonseca et Coll./ GigaScience)
Selon Albertin :
Bien que les céphalopodes aient de nombreuses caractéristiques complexes et élaborées, on pense qu’ils ont évolué indépendamment des vertébrés. En comparant leurs génomes, on peut se demander si les céphalopodes et les vertébrés sont bâtis de la même façon ou s’ils sont développés différemment.
Albertin a également identifié plus de 100 gènes de la famille des protocadhérines, qui ne se trouvent généralement pas en abondance chez les invertébrés, dans le génome du calmar géant.
Toujours selon Albertin :
On pense que les protocadhérines sont importantes pour connecter correctement un cerveau complexe.
On pensait qu’elles étaient une innovation pour les vertébrés, alors nous avons été vraiment surpris quand nous en avons trouvé plus de 100 dans le génome de la pieuvre en 2015. Cela nous a semblé une preuve irréfutable de la façon dont on fabrique un cerveau complexe. Et nous avons aussi trouvé une expansion similaire de protocadhérines dans le calmar géant.
L’étude publiée dans GigaScience : A draft genome sequence of the elusive giant squid, Architeuthis dux et présentée sur le site de l’université de Copenhague : A sea monster’s genome.
La comparaison du nombre de chromosomes n’est qu’indicative :
un humain a 46 chromosomes et le poulet 78.
les amphibiens ont 7 DNA pico-grammes par cellule alors que les mammifères 6.
Chez les humains la même info est parfois répétée des milliers de fois.