Les tout premiers robots entièrement construits à partir de cellules vivantes
Les robots sont faits pour imiter les créatures vivantes, et aussi intelligents qu’ils deviennent, nous pouvons toujours les regarder pour comprendre qu’ils ne sont pas « vivants » au sens propre du terme. Mais cette distinction commence maintenant à s’estomper. Les chercheurs de l’université du Vermont et de l’université Tufts (États-Unis) ont créé de nouvelles créatures à partir de cellules de grenouilles, aux comportements programmables.
Image animée en entête : sur la partie haute, le modèle de robot vivant imaginé par le biais d’un algorithme sur un superordinateur et sur la partie basse, la créature conçue de cellules de peau et de cœurs de grenouille à partir du modèle précédemment cité. (Kriegman et Coll./ PNAS)
Ces nouveaux robots vivants sont constitués de cellules de peau et de cœur prélevées sur des embryons de grenouilles, assemblées en formes stables conçues par un superordinateur et barbotant dans une boîte de pétri. Les cellules de peau travaillent pour donner aux petites créatures leur forme, qui ressemble à un blob à quatre « pattes », tandis que les cellules de cœur les poussent par pulsations.
A partir de l’étude : fabrication des organismes reconfigurables. (A) Agrégation de cellules pluripotentes de blastula prélevées sur des embryons de X. laevis. (B) Mise en forme des résultats en représentations 3D des dessins in silico évolués. (C) La superposition des cellules progénitrices cardiaques donne des tissus cardiomyocytaires contractiles à des endroits précis, visualisés par un traceur rouge fluorescent. (Kriegman et Coll./ PNAS)
Selon Joshua Bongard, l’un des principaux chercheurs du projet :
Ce sont de nouvelles machines vivantes. Ce ne sont ni des robots traditionnels ni des espèces animales connues. C’est une nouvelle classe d’artefact : un organisme vivant et programmable.
Mesurant chacune 1 mm de long, l’équipe appelle leur création « xénobots », du nom de l’espèce de grenouille Xenopus laevis dont les cellules ont été prélevées à l’origine. Des tests ont montré que les organismes nageaient dans leur environnement pendant des jours ou des semaines à la fois, en utilisant l’énergie embryonnaire stockée. En groupe, ils avaient tendance à nager en rond et pouvaient même pousser des granules au centre d’un espace.
Cela peut ne pas sembler très impressionnant, mais l’équipe affirme que cette technique est une preuve de faisabilité pour des machines vivantes et reprogrammables. Elles peuvent être conçues sur mesure pour accomplir toute une gamme de tâches, comme le nettoyage de l’environnement ou même du corps humain.
Selon Michael Levin, qui a également participé à l’étude :
Nous pouvons imaginer de nombreuses applications utiles de ces robots vivants que d’autres machines ne peuvent pas faire, comme la recherche de composés nocifs ou de contamination radioactive, la collecte de microplastiques dans les océans, le déplacement dans les artères pour enlever des plaques.
Avant même qu’ils ne deviennent réalité, les xénobots ont d’abord été conçus à l’aide du cluster de superordinateurs Deep Green de l’université du Vermont. Un » algorithme évolutif » a proposé des milliers de modèles possibles de robots vivants, puis il a effectué des simulations pour déterminer quelles configurations étaient les meilleures pour accomplir une tâche donnée. Sur plusieurs générations, les modèles retenus ont été affinés jusqu’à ce que l’ordinateur se fixe sur la forme actuelle des xénobots.
Les xénobots sont constitués de cellules de peau de grenouille (vertes) et de cellules cardiaques (rouges). A gauche, le plan informatique pour la conception, et à droite, la forme de vie elle-même. (Sam Kriegman/ UVM)
Ensuite, les chercheurs ont assemblé les êtres vivants selon le plan de l’ordinateur. Ils ont recueilli des cellules souches de grenouille, les ont isolées et incubées, puis les ont coupées et assemblées au microscope. En tant qu’organismes vivants, les cellules se sont rapiécées, créant ainsi les xénobots.
L’équipe a aussi testé d’autres versions. Certains des xénobots ont été fabriqués avec un trou en leur centre, pour réduire la traînée. Une simulation qui n’a pas été réalisée a utilisé ce trou comme une sorte de sac, qui pourrait un jour transporter des molécules de médicaments.
Un autre avantage est que ces systèmes vivants peuvent s’autoguérir. L’équipe a testé cela en coupant certains d’entre eux presque complètement en deux, et bien sûr, ils se sont rapiécés et ont repris leur activité. Et une fois que leur tâche est accomplie, quelle qu’elle soit, les xénobots se transforment en cellules mortes inoffensives et entièrement biodégradables.
Les xénobots représentent une nouvelle étape dans la création de la vie artificielle. Déjà, les scientifiques ont conçu et créé des bactéries synthétiques, des organismes semi-synthétiques avec des paires de base d’ADN supplémentaires, des embryons artificiels qui n’ont pas besoin de sperme et d’ovules, et des robots fabriqués à partir de cellules de rats ou de limaces de mer. Mais ce projet marque la première fois que de toutes nouvelles machines biologiques ont été créées en utilisant des formes qui n’apparaissent pas dans la nature.
L’étude publiée dans PNAS : A scalable pipeline for designing reconfigurable organisms et présentée sur le site de l’université du Vermont : Team Builds the First Living Robots.
C’est absolument impressionnant d’avoir réussi à faire ça.
En revanche je ne comprends pas trop comment ces organismes sont « programmés ». En parcourant en diagonale le lien de l’étude j’en déduis que c’est uniquement la composition géométrique qui induit des possibilités de déplacement ? Il n’y a pas d’intelligence programmée dans l’organisme lui-même (par exemple via l’ADN) c’est bien ça ?