Éviter la surcharge : les oiseaux et les chauves-souris ne s’encombrent pas de la même flore intestinale que les autres vertébrés pour voler
Notre microbiote ou microflore, les communautés de bactéries qui vivent dans notre tube digestif, jouent un rôle central dans notre santé et notre bien-être. Elles nous aident à combattre les mauvaises bactéries, facilitent la digestion et nous ne sommes pas les seuls à en profiter. La plupart des vertébrés dépendent de communautés bactériennes similaires pour les mêmes tâches.
Mais pas les oiseaux et les chauves-souris, selon une nouvelle étude. En s’appuyant sur des échantillons prélevés sur le terrain et de spécimens de musée, une équipe de chercheurs américains a comparé la composition du microbiote des mammifères, des oiseaux, des reptiles et des amphibiens, et elle a constaté que les espèces qui ont évolué pour voler ont tendance à ne pas dépendre du tout ou presque des bactéries symbiotiques.
Selon Holly Lutz, chercheuse au Field Museum de Chicago et à l’université de Californie à San Diego et coauteure de l’étude :
Si vous transportez beaucoup de bactéries dans votre intestin, cela peut être assez lourd et peut vous priver de ressources.
Donc si vous êtes un animal qui a des besoins énergétiques très élevés, mettons parce que vous volez, vous ne pourrez peut-être pas vous permettre de transporter toutes ces bactéries, et vous ne pourrez peut-être pas vous permettre de les nourrir ou de vous en occuper.
Cette étude est la première du genre et la première à montrer à quel point les microbiotes des espèces capables de voler sont différents de ceux des autres vertébrés. L’équipe estime que les nécessités du vol sont exactement ce qui a entraîné cette différence de bactéries intestinales.
À notre connaissance, les animaux qui sont étroitement liés les uns aux autres ont des microbiomes intestinaux similaires, car ils ont évolué ensemble, un modèle/ patron que les scientifiques appellent la phylosymbiose.
Un diagramme en arbre de la phylosymbiose montre la grande variété dans la composition des microbiomes intestinaux des chauves-souris et des oiseaux par rapport aux autres espèces de mammifères. (mBio)
Ainsi, Se Jin Song, de l’université de San Diego et qui a participé aux recherches, affirme qu’avant l’étude, l’équipe supposait qu’ils » constateraient des associations similaires entre les animaux et leurs microbes intestinaux quand ils partagent un régime alimentaire similaire « .
Notre idée était que le vol pouvait imposer un type de sélection similaire à celui des microbes que les animaux hébergent. Ce qui fut choquant, c’est que nous n’avons pas trouvé que les oiseaux et les chauves-souris partagent un microbiome similaire en soi, mais plutôt que tous deux n’ont pas de relation spécifique avec les microbes.
Pour l’étude, l’équipe a analysé des échantillons de matières fécales provenant d’environ 900 espèces de vertébrés du monde entier. Des chercheurs, des collections de musées et des directeurs de zoos du monde entier ont participé à ces travaux, qui allaient des activités dans les zoos à l’exploration de grottes isolées en Ouganda et au Kenya à l’aide d’une lampe de poche pour prélever des échantillons sur des chauves-souris africaines.
Après avoir recueilli le matériel nécessaire, l’équipe a utilisé un séquençage génétique à grand rendement pour les analyser. En gros, ils ont extrait tout l’ADN de tous les échantillons, puis ils ont utilisé les gènes individuellement pour passer au crible les communautés bactériennes de chaque échantillon. Pour la dernière étape, ils ont mis en commun toutes les données pour établir des comparaisons entre les espèces.
L’équipe a constaté que les microbiomes des chauves-souris et des oiseaux ne correspondaient pas à ceux des autres vertébrés. Bien que la composition de leurs bactéries intestinales soit assez semblable, ils avaient très peu en commun avec les autres vertébrés. L’équipe croit que c’est leur mode de vie commun, et non leur ascendance (les chauves-souris et les oiseaux ne sont que très éloignés les uns des autres), qui façonne leur flore intestinale. En d’autres termes, leur capacité à voler.
Les deux groupes ont développé cette capacité de façon indépendante, mais peu importe la façon dont vous le percevez, voler est très énergivore et nécessite un corps léger. Les chauves-souris et les oiseaux ont tous deux un appareil digestif beaucoup plus court que les mammifères terrestres similaires, et ils sont tous deux porteurs de moins de bactéries, ce qui contribue probablement à réduire leur poids. Les chercheurs écrivent qu’il est également possible que l’alimentation joue un rôle dans ce cas, en raison des énormes besoins énergétiques du vol actif, il se peut qu’il n’y ait tout simplement pas assez de nourriture à disposition pour maintenir une relation symbiotique avec des bactéries.
Une autre découverte importante est que les quelques bactéries qui vivent dans le tube digestif des oiseaux et des chauves-souris ont tendance à être très variées. Divers types de bactéries individuelles vivent dans les intestins de différentes espèces de chauves-souris ou d’oiseaux, la plupart des autres groupes d’amphibiens, de reptiles et de mammifères, à part les chauves-souris, suivent des schémas spécifiques.
Pour Lutz :
C’est presque comme s’ils ne faisaient que récupérer tout ce qui les entoure et qu’ils n’avaient pas vraiment besoin de leurs microbes pour les aider comme nous le faisons avec les nôtres.
Si nous nous mettons dans une situation extrême où nous perturbons notre microbiome, il y a quelque chose que nous pouvons apprendre des animaux qui n’ont pas autant besoin du leur.
Lutz note que cette étude n’aurait pas été possible sans les collections des musées du monde entier. Des spécimens d’oiseaux et de chauves-souris conservés dans les chambres cryogéniques du Centre de ressources des collections du Field Museum ont été retirés pour aider à fournir les larges échantillons nécessaires à une étude de cette taille.
La portée de cette étude – en termes d’espèces que nous avons échantillonnées, est vraiment remarquable. La diversité des collaborateurs qui se sont réunis pour réaliser cette étude montre tout ce que nous pouvons accomplir lorsque nous établissons ces grandes collaborations interinstitutionnelles.
L’étude publiée dans mBio : Comparative Analyses of Vertebrate Gut Microbiomes Reveal Convergence between Birds and Bats et présentée sur le site de l’université de Californie à San Diego : The Birds and the Bats: Evolving to Fly May Have Had Big Effect on Gut Microbiome.
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