Crise cosmologique : l’Univers est il plat et "ouvert" ou sphérique et "fermé"
Si vous étiez à l’intérieur d’un vaisseau spatial voyageant en ligne droite hors de notre système solaire, où vous retrouveriez-vous ? Continueriez-vous à vous éloigner de chez vous ou feriez-vous lentement le tour pour finir par vous retrouver là d’où vous êtes parti ?
Cette question de savoir si l’univers est « ouvert » ou « fermé » provoque une « crise possible pour la cosmologie », selon une étude publiée lundi.
Quand on est à l’intérieur de quelque chose, il en est difficile d’observer sa forme. Nous réalisons encore de nouvelles découvertes sur la forme de notre galaxie. Pour la forme de l’Univers, c’est beaucoup plus difficile à évaluer, mais des années de données d’observation, de modèles cosmologiques et de physique suggèrent qu’il est plat. Envoyez un faisceau de photons (exemple : lumière visible) à travers le vide, et il continuera tout droit.
Une nouvelle étude soutient le contraire. Sur la base de données publiées l’an dernier et recueillies par le satellite Planck de l’Agence spatiale européenne, les astronomes ont soutenu que l’Univers est en fait courbé et fermé, comme une sphère gonflante (il est en expansion…).
Ce qui signifie que le faisceau de photons finira par revenir là où il a commencé, en croisant d’autres faisceaux qui resteront parallèles dans le scénario de l’Univers plat.
Et selon une équipe internationale d’astronomes dirigée par Eleonora Di Valentino de l’université de Manchester au Royaume-Uni, leurs découvertes présentent une « crise cosmologique » qui appelle à « repenser radicalement le modèle actuel de concordance cosmologique« .
Selon les chercheurs, la preuve de cette courbure de l’Univers peut se trouver dans la façon dont la gravité courbe la trajectoire de la lumière, un effet prédit par Einstein et appelé lentilles gravitationnelles.
Pas n’importe quelle lumière non plus, mais le fond diffus cosmologique. C’est le rayonnement électromagnétique (image ci-dessous) laissé dans l’espace entre les étoiles et les galaxies, qui remonte à environ 380 000 ans après le Big Bang, lorsque les premiers atomes neutres de l’Univers se sont formés.
La carte ci-dessous présente la plus ancienne lumière dans notre univers, comme elle a été détectée avec la plus grande précision par la mission Planck. La lumière antique, appelée le fond diffus cosmologique, a été imprimée sur le ciel quand l’univers avait 370 000 ans. Elle montre les minuscules fluctuations de température qui correspondent aux régions aux densités légèrement différentes, représentant les graines de toute la future structure : les étoiles et les galaxies d’aujourd’hui.
Une fois que vous bloquez toutes les autres sources de lumière, l’espace s’illumine, très faiblement, une sorte d’arrière-plan statique. C’est la plus vieille lumière de l’Univers.
Si vous regardez les données du satellite Planck, les données de 2018 en particulier, elle montre que le fond diffus cosmologique est plus fortement polarisé gravitationnellement qu’il ne devrait l’être. La Collaboration Planck a appelé cette anomalie Alens, et elle n’est pas encore résolue, mais l’équipe croit qu’une explication pourrait être liée à la forme de l’Univers.
Selon les chercheurs :
Un Univers fermé peut fournir une explication physique de cet effet, les spectres de fond des micro-ondes cosmiques (aka le fond diffus cosmologique) de Planck privilégiant maintenant une courbure positive à un niveau de confiance supérieur à 99 %.
Ici, nous étudions les preuves d’un Univers fermé de Planck, montrant que la courbure positive explique naturellement l’amplitude anomale de la lentille.
Une courbe de l’Univers peut expliquer cette anomalie, mais il y a plusieurs gros problèmes, dont le moindre n’est pas que toutes les autres analyses des ensembles de données de Planck, y compris les données héritées de 2018, ont conclu que nos modèles cosmologiques sont corrects. Cela inclut l’Univers plat.
Il y a aussi d’autres problèmes, et l’équipe a pris soin de les noter dans son document. L’une est la constante de Hubble, la vitesse à laquelle l’Univers s’étend, une épine dans le pied de la cosmologie. Il n’y a pas deux mesures de la constante de Hubble qui concordent, et le fait de courber l’Univers rend la prédiction plus difficile.
Les données des relevés d’oscillations acoustiques des baryons de l’énergie sombre, l’énergie inconnue qui accélère l’expansion de l’Univers, sont également incompatibles avec le modèle d’un Univers fermé, tout comme les données de gradient de l’activité cosmique obtenues par observation des lentilles gravitationnelles.
Il y a aussi une autre nouvelle étude qui suggère que l’écart Alens de Planck est une sorte de lacune/ erreur dans les données (bien qu’elle n’ait pas encore été examinée par des pairs).
Les astrophysiciens George Efstathiou et Steven Gratton de l’université de Cambridge ont également analysé les données Planck 2018 et ils ont trouvé des preuves de courbure… mais en les comparant à d’autres ensembles de données Planck, et des oscillations acoustiques des baryons, ils ont trouvé « une preuve solide pour supporter un Univers spatialement plat ».
Ainsi, de façon générale, une grande partie des données semble soutenir un Univers plat, plutôt qu’un Univers fermé, à l’exception de l’anomalie d’Alens. Comme un caillou dans une chaussure, elle n’arrête pas de titiller. Et nous ne savons pas si l’écart entre cette mesure et toutes les autres est réellement significatif ou s’il s’agit d’un problème d’erreur humaine.
C’est une question qui doit être résolue, mais pour l’instant, ce n’est peut-être pas possible.
Selon les chercheurs dans leur étude :
De futures mesures sont nécessaires pour clarifier si les discordances observées sont dues à une systématique non détectée, à une nouvelle physique ou simplement à une fluctuation statistique.
En attendant…
L’étude publiée dans Nature Astronomy : Planck evidence for a closed Universe and a possible crisis for cosmology.