Sur la capacité secrète du mucus à maîtriser les microbes
Le mucus contient des sucres qui peuvent interférer avec la communication et le comportement des bactéries, selon une nouvelle étude.
Plus de 200 mètres carrés de notre corps, comprenant le tube digestif, les poumons et les voies urinaires, sont recouverts de mucus. Loin d’être un produit résiduel grossier, cette sécrétion visqueuse produite par les muqueuses et qui les recouvre sert un objectif physiologique important.
Il a été établi que le mucus est le dispositif de sécurité de l’organisme qui retient physiquement les agents pathogènes, les toxines et les particules fines comme la poussière et la pollution. Les cellules du système immunitaire présentes dans le mucus attaquent et neutralisent les germes envahisseurs avant qu’ils n’aient l’occasion de se propager dans tout le corps et de causer une infection. Dans certains cas, le mucus est craché ou expulsé, ce qui est la façon pour le corps de forcer les agents pathogènes à en sortir. Le mucus lubrifie également les yeux pour qu’ils puissent cligner et la gorge pour qu’elle puisse avaler. Il sert également de lubrifiant sous la surface de la peau pour aider à minimiser la friction entre les organes.
De nouvelles recherches au Massachusetts Institute of Technology (MIT) montrent une des propriétés bénéfiques inattendues du mucus : il contient des sucres qui peuvent interférer avec la communication et le comportement des bactéries, empêchant efficacement la formation de biofilms dangereux et durs et les rendant inoffensifs.
Katharina Ribbeck et ses collègues étudient des composés appelés mucines dans le mucus. Les mucines sont des polymères longs, ou chaînes moléculaires, densément parsemés de sucres. Ils « ressemblent à des mini brosses à bouteilles », selon Ribbeck, sauf qu’ils sont hérissés de molécules de sucre.
Selon Mark Hyman, Professeur en génie biologique au MIT :
Ce que nous avons dans le mucus, c’est une mine d’or thérapeutique. Ces glycanes ont des fonctions biologiques très larges et sophistiquées. Ils ont la capacité de réguler le comportement des microbes et d’affiner leur identité.
Ribbeck et d’autres ont montré que le mucus peut empêcher les microbes de se fixer aux surfaces. Les chercheurs se sont concentrés sur la façon dont les glycanes interagissaient avec un pathogène microbien opportuniste appelé Pseudomonas aeruginosa, la bactérie qui cause souvent de graves infections chez les personnes dont le système immunitaire est affaibli et chez les patients atteints de fibrose kystique.
Ils ont découvert que lorsque les bactéries étaient exposées à des glycanes isolés du mucus, elles étaient désarmées, les microbes cessaient de s’attacher aux cellules ou de les tuer, ils arrêtaient la production de molécules toxiques, et les gènes microbiens impliqués dans les communications bactériennes ne s’exprimaient pas. Cette nouvelle étude est la première à « identifier que le composant glycanique », c’est-à-dire les sucres greffés sur les mucines « est responsable de la suppression des comportements microbiens antagonistes ».
Ils projettent maintenant d’étudier l’impact de glycanes sur des centaines de microbes que l’on peut trouver dans le mucus. Ils veulent aussi étudier comment les glycanes affectent d’autres types de pathogènes comme le Candida albicans et la bactérie Streptococcus. Ils savent déjà que les glycanes peuvent empêcher les streptocoques de partager leurs gènes, un des principaux moyens par lesquels la résistance aux médicaments se propage parmi les microbes.
Toujours selon M. Ribbeck :
Ce que nous constatons ici, c’est que la nature a développé la capacité de désarmer les microbes, au lieu de les tuer. Cela contribuerait non seulement à limiter la pression sélective pour le développement de la résistance, parce qu’ils ne sont pas sous pression pour trouver des moyens de survivre, mais cela devrait aussi aider à créer et à maintenir un microbiome diversifié.
Des scientifiques, dont Ribbeck, étudient également le développement de mucus artificiel, qui pourrait être une nouvelle approche de lutte contre les pathogènes qui ne fait pas appel aux antibiotiques traditionnels.
L’étude publiée dans Nature Microbiology : Mucin glycans attenuate the virulence of Pseudomonas aeruginosa in infection et présentée sur le iste du MIT : Study reveals how mucus tames microbes.
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