Les grands singes se fient à leur expérience personnelle pour anticiper les actions des autres
Les grands singes (hominidés) peuvent utiliser leur expérience personnelle pour anticiper les actions des autres, fournissant encore plus de preuves d’une théorie de l’esprit chez les animaux non humains.
Image d’entête par Rishi Ragunathan/ unsplash.
La théorie de l’esprit est la capacité de comprendre et d’anticiper les pensées des autres, même lorsqu’elles entrent en conflit avec les siennes.
Selon les chercheurs, cette compétence, longtemps considérée comme propre aux humains, sous-tend de nombreux aspects importants de la communication, de la coopération et de la culture humaines.
L’auteur principal Fumihiro Kano, de l’université de Kyoto, au Japon, et ses collègues avaient déjà montré que les grands singes sont capables d’une caractéristique clé de la théorie de l’esprit, la fausse croyance. Même s’ils savent qu’un objet caché n’est plus à un endroit donné, les singes peuvent anticiper correctement où les acteurs humains le chercheront.
Selon Kano :
Nous avons d’abord créé un film basé sur un test psychologique établi, particulièrement excitant pour les singes, et l’avons combiné avec une technologie de suivi oculaire pour enregistrer les schémas de regard indiquant une anticipation du comportement d’un agent basé sur une compréhension de la fausse croyance de l’agent.
La théorie de l’esprit chez les singes et d’autres animaux est vivement contestée, malgré les preuves croissantes. L’une des explications alternatives non testées de la recherche précédente est que les grands singes appliquent simplement une règle de comportement, à savoir que les agents (humains, animaux) ont tendance à chercher les choses là où ils les ont vues pour la dernière fois.
Dans cette dernière étude, Kano et ses collègues ont remis en question les règles de comportement en s’appuyant sur le même modèle vidéo et en y ajoutant une barrière visuelle.
Le test, connu sous le nom de » test des lunettes de protection » ou de » tâche avec les yeux bandés » a été utilisé avec succès lors de l’étude de la théorie de l’esprit chez des enfants humains âgés de 18 mois.
Pour mener à bien l’étude, les grands singes de trois espèces : le chimpanzé (Pan troglodytes), le bonobo (Pan paniscus) et l’orang-outan (Pongo abelii) ont été séparés en deux groupes et exposés à différentes barrières visibles : opaque et translucide ou partiellement transparente.
Après la familiarisation aux processus, tous les singes ont pu visionner la même séquence vidéo tout en étant connectés à un système de suivi visuel et en aspirant le jus d’une paille spécialement développée.
La vidéo (ci-dessous) montre un acteur cachant un objet dans une boîte. L’acteur se réfugie alors derrière une barrière. Un homme vêtu d’un costume Kong déplace l’objet dans une autre boîte, puis l’enlève complètement. L’acteur revient de derrière la barrière et se dirige lentement vers les deux boîtes. La technique de suivi visuel suit le mouvement oculaire des singes.
L’équipe a observé que les singes qui s’étaient familiarisés avec la barrière opaque s’attendaient à ce que l’acteur se rende sur place en raison de leur fausse croyance, car la barrière indiquait que l’acteur n’avait pas vu l’objet enlevé. Inversement, les singes exposés à la barrière translucide prévoyaient que l’acteur n’irait à aucun des deux endroits, attribuant correctement à l’acteur la croyance que l’objet avait été entièrement enlevé.
Les chercheurs concluent que leurs résultats excluent une explication purement comportementale, car les deux groupes de singes ont anticipé le comportement de l’agent sur la base de leurs propres expériences avec les barrières, même lorsque les deux groupes avaient observé l’acteur agir de manière identique.
Selon Kano :
Nous sommes ravis de constater que les grands singes ont réussi ce test difficile. Les résultats suggèrent que nous partageons cette capacité avec nos cousins évolutionnaires.
Il ajoute qu’ils prévoient de continuer à tester d’autres alternatives non cognitives à la théorie de l’esprit chez les animaux non humains
L’étude publiée dans la revue PNAS : Great apes use self-experience to anticipate an agent’s action in a false-belief test et présentée sur le site du Primate Research Institute de l’université de Kyoto : Great apes use self-experience to anticipate an agent’s action in a false belief test.