Sur les habitudes d’allaitement d’un lointain ancêtre de l’humain
Quand les temps étaient durs et que la nourriture était rare dans la savane, il y a environ 2,5 millions d’années, les jeunes Australopithecus africanus retournaient se nourrir au sein.
Image d’entête : représentation artistique de l’Australopithecus africanus. (Jose Garcia/ Renaud Joannes-Boyau)
Une analyse de dents fossiles a révélé que les mères de ces ancêtres des humains disparus complétaient l’alimentation de leurs nourrissons avec du lait maternel longtemps après avoir commencé à manger des aliments solides.
De longues périodes d’allaitement sont fréquentes chez les grands singes. Les gorilles se sèvrent vers l’âge de 4 ans et les chimpanzés cessent d’allaiter vers 5 ans.
Les humains se sèvrent relativement tôt, habituellement avant l’âge de 3 ans, mais du temps est ensuite investi pour les aider à traverser la longue période de l’enfance.
L’étude de l’allaitement maternel chez l’Australopithecus africanus, un hominidé qui vivait il y a plus de 2 millions d’années en Afrique australe, fait partie d’un effort visant à retracer les origines de cette courte période d’allaitement chez des enfants autrement en retard de développement.
Renaud Joannes-Boyau, de l’université Southern Cross en Australie, et ses collègues ont percé 4 dents de deux individus qui ont été ensevelis dans la grotte de Sterkfontein en Afrique du Sud entre 2,6 et 2,1 millions d’années auparavant.
Les dents, comme les arbres, ont des anneaux de croissance qui fournissent un enregistrement de la vie d’un animal.
Crâne et dent d’Australopithecus africanus. (Dr Luca Fiorenza/ Université Monash)
En cartographiant la concentration de baryum, un élément qui est absorbé et incorporé plus facilement dans les dents en croissance avec un régime de lait, l’équipe a déterminé les habitudes d’allaitement des individus et ce n’était pas ce à quoi ils s’attendaient.
Selon Joannes-Boyau :
L’allaitement de l’Australopithecs africanus était inhabituel. Nous nous attendions à quelque chose d’assez long, semblable à ce que nous voyons chez les grands singes modernes, comme les chimpanzés.
Ils ont plutôt constaté que l’australopithèque allaitait exclusivement au sein pendant seulement 6 à 9 mois, après quoi des aliments solides étaient introduits. Vers l’âge d’un an, l’allaitement maternel avait presque entièrement disparu.
Mais les besoins annuels d’allaitement se sont poursuivis pendant les 4 ou 5 années suivantes.
Cette tendance cyclique de l’allaitement maternel a été confirmée par les niveaux de strontium. Lorsque la consommation de lait maternel a augmenté, comme l’indique le baryum, d’autres sources d’aliments, indiquées par le strontium, ont disparu.
La stratégie était probablement le produit d’un environnement difficile, avec des périodes saisonnières de pénurie alimentaire.
Selon Joannes-Boyau :
Quand c’est la basse saison, la mère complètera une grande partie de la carence calorique avec du lait maternel.
L’équipe s’est également penchée sur l’élément lithium, qui a révélé que les hominidés consommaient brièvement un aliment spécifique, peut-être un aliment de remplacement moins désiré durant la saison morte, juste avant le pic annuel de l’allaitement.
Le cycle annuel de la consommation de lait maternel n’est pas différent de celui observé chez les orangs-outans.
Joannes-Boyau croit qu’au lieu de se déplacer d’un endroit à l’autre pour assurer la nourriture toute l’année, l’Australopithecus africanus parie sur une stratégie qui consiste à s’en sortir dans des conditions difficiles avec moins de prédateurs et selon lui :
Peut-être que cet environnement qui n’offre pas beaucoup de nourriture les oblige à investir un peu plus dans chaque progéniture au lieu d’avoir beaucoup d’enfants.
Ajoutant que le lourd investissement pour les enfants il y a plus de 2 millions d’années était un signe avant-coureur des choses à venir.
L’équipe analyse les dents d’autres membres disparus de l’arbre généalogique humain pour étoffer l’image sur la façon dont notre propre enfance a été façonnée par l’évolution.
L’étude publiée dans la revue Nature : Elemental signatures of Australopithecus africanus teeth reveal seasonal dietary stress et présentée sur le site de l’université Southern Cross : Maternal secrets of our earliest ancestors unlocked.
L’image d’un être simiesque avec une poitrine féminine est très certainement fausse – un fantasme du dessinateur. Les grands singes femelle n’ont pas de poitrine, la glande mammaire reste plate ou légèrement gonflée pendant les périodes de lactation. La poitrine féminine humaine ne correspond pas (seulement) à une glande mammaire, mais est une poche graisseuse permanente. Pourquoi (quelle pression évolutive)?
Cette disposition est plutôt contre-productive en terme de capacité de survie: la poitrine oscille à la marche et encore plus à la course. Il n’y a pas d’avantage sélectif justifiant cette perte d’énergie autre qu’une sélection sexuelle, mais il n’y a pas eu de pression sélective pour qu’une femelle fasse l’objet d’un choix de la part du mâle avant l’émergence des homo erectus.
Merci pour ces précisions Linus ! C’est aussi pour cela qu’elle est désignée « représentation artistique » et non pas reconstitution/ reconstruction/ modélisation.