Les chimpanzés ont appris à briser la carapace des tortues et ils partagent ce savoir entre eux
Les chimpanzés sont doués avec les outils dont ils disposent dans la nature, mais il semble qu’ils recourent aussi à la force brute si besoin. Des chercheurs allemands ont découvert qu’ils s’attaquent aux tortues, les projetant contre une surface dure comme un arbre pour briser leur carapace, ou plastron, et s’attaquent à la viande, qu’ils partagent alors souvent.
Image d’entête : chimpanzé au parc national de Loango au Gabon se nourrissant de viande de tortue. (Erwan Theleste)
Selon les chercheurs, cela donne un éclairage nouveau sur la “technologie percussive » que les chimpanzés (Pan troglodytes) utilisent pour ouvrir des aliments comme les noix, les fruits à coque dure et les escargots, ainsi que sur leurs grandes et flexibles capacités cognitives.
On savait auparavant que les grands singes chassaient et consommaient la viande de divers animaux, mais jusqu’à présent il n’y a eu aucune observation directe de la prédation de tortues.
Entre juillet 2016 et mai 2018, une équipe dirigée par Simone Pika de l’université d’Osnabrück en Allemagne a observé un groupe de chimpanzés sauvages de la communauté Rekambo, vivant dans le parc national de Loango au Gabon, en Afrique de l’Ouest.
Ils ont observé 38 événements impliquant 10 chimpanzés différents s’attaquant à des tortues Kinixys erosa, dont 34 ont réussi.
Dans 23 cas, la nourriture a été partagée avec d’autres membres du groupe, y compris ceux qui avaient déjà tenté d’ouvrir la carapace de tortue, mais sans succès.
Gia, chimpanzé femelle, fendant la carapace d’une tortue contre un arbre.
Selon les chercheurs dans leur étude :
La majorité des mâles adultes de la communauté Rekambo manifestent fréquemment ce comportement, ce qui les qualifie d’habituels.
De plus, nous rapportons un seul cas d’entreposage de nourriture, dans lequel un mâle adulte a caché une tortue à moitié mangée dans un tronc d’arbre et l’a récupérée le lendemain pour continuer à se nourrir.
Tous les cas de prédation ont été observés en période de forte disponibilité de fruits et pendant la saison sèche.
Les chercheurs, qui comprenaient des anthropologues et des spécialistes des sciences cognitives, ont noté une séquence de comportements distincte impliquant la découverte de la proie, suivie de l’écrasement du plastron d’une main contre une surface dure, puis l’escalade d’un arbre pour consommer la viande.
C’est une activité réservée aux adultes. Dans les deux cas où des adolescents ont tenté de briser une tortue, ils ont échoué.
Selon les chercheurs :
L’acquisition d’une technique de “cassage de tortues” qui a fait ses preuves chez les chimpanzés, une technologie percussive qui n’est maîtrisée qu’à l’âge de 9 à 10 ans environ, peut reposer sur une certaine force.
En outre, cela peut aussi impliquer une période relativement longue pour apprendre, pratiquer et affiner.
Pourquoi la prédation par les tortues n’a jamais été directement observée sur aucun autre site de chimpanzés reste une question déroutante.
Selon les chercheurs, l’une des explications pourrait être le manque d’opportunités. La niche écologique des chimpanzés ne se recoupe que rarement avec celle des tortues.
Ils notent également que le site du Gabon est écologiquement bien distinct des autres sites, constitué d’une mosaïque de différents types d’habitats allant de lagunes marines et côtières, de mangroves, de forêts côtières, de forêts secondaires et primaires aux savanes ouvertes.
L’étude publiée dans Scientific Reports : Wild chimpanzees (Pan troglodytes troglodytes) exploit tortoises (Kinixys erosa) via percussive technology et présentée sur le site du Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology : Tortoises on the menu.
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