Un chercheur affirme (à tort) avoir décodé le "le plus mystérieux livre au monde" en seulement deux semaines
M. à J. 17.05 : face aux avis négatifs de certains experts du domaine de la linguistique, l’université de Bristol a retiré son communiqué de presse et a publié une déclaration que vous pouvez consulter en fin d’article.
Un professeur de l’université de Bristol, au Royaume-Uni, aurait déchiffré le code derrière les écritures du manuscrit de Voynich. Le langage utilisé dans ce manuscrit de 200 pages est resté un mystère depuis qu’il a été découvert il y a plus d’un siècle.
Le manuscrit de Voynich porte le nom de Wilfrid M. Voynich, un antiquaire et libraire polonais qui a obtenu le manuscrit en 1912. D’après sa datation par le radiocarbone, il date du milieu du XVe siècle. Strictement parlant, ce n’est pas du code, mais plutôt une langue perdue : une sorte de proto langues romanes.
Néanmoins, ses secrets ont échappé aux cryptographes, linguistes et informaticiens, dont Alan Turing et les spécialiste en décodage du Bletchley Park (Royaume-Uni), le FBI, et plus récemment, l’intelligence artificielle. Pourtant, ils se sont apparemment révélés au Pr Gerard Cheshire de l’université de Bristol après seulement deux semaines, grâce à « une combinaison de pensée latérale et d’ingéniosité ».
Une illustration tirée des manuscrits montre la baignade des enfants. (Voynich manuscript)
Selon M. Cheshire, c’est le seul exemple survivant connu d’une langue proto-romane, un ancêtre linguistique des langues modernes, dont le français, l’espagnol, l’italien et le roumain. On pensait que la langue avait été perdue grâce à la prédominance du latin dans les documents écrits de l’époque : « la langue de la royauté, de l’église et du gouvernement », précise le Dr Cheshire.
La langue contient un mélange de symboles reconnaissables et inconnus, sans ponctuation spécifique. Au lieu de cela, les symboles des lettres sont adaptés pour suggérer la ponctuation ou la prononciation. Le langage ne contient pas seulement des diphtongues, des sons formés par la combinaison de deux voyelles, mais aussi des triphtongues, des quadriphtongues et même des quintiphtongues. M. Cheshire explique qu’ils sont utilisés, de façon quelque peu contre-intuitive, pour abréger les parties phonétiques des mots. Notamment, la langue est entièrement dépourvue de majuscules.
Le mot palina, une tige pour mesurer la profondeur de l’eau, accompagné d’une illustration. (Voynich manuscript)
Selon M. Cheshire :
J’ai vécu une série de moments d’eurêka en déchiffrant le code, suivi d’un sentiment d’incrédulité et d’excitation lorsque j’ai réalisé l’ampleur de l’exploit. Tant par son importance linguistique que par les révélations sur l’origine et le contenu du manuscrit.
Le document révèle qu’il a été réalisé par des religieuses dominicaines pour la reine d’Aragon, Marie de Castille, grande tante de Catherine d’Aragon, la première épouse d’Henri VIII d’Angleterre.
Son contenu comprend des remèdes à base de plantes médicinales, des textes d’astrologie, des pratiques thérapeutiques pour le bain et des écrits sur la reproduction et le rôle parental.
Le manuscrit contient également une carte (ci-dessous) commémorant le sauvetage des survivants de l’île de Vulcano à la suite d’une éruption volcanique en 1444, une mission de sauvetage menée par la reine Marie elle-même. Le décodage de la carte donne au manuscrit une date d’origine plus précise.
La carte représentant le sauvetage de Vulcano. A : le volcan en éruption qui est devenu Vulcanello, près de Vulcano. B : le volcan d’Ischia. C : Castello Aragonese. D : l’île de Lipari (Voynich manuscript)
On pense que le manuscrit est devenu la propriété de Wilfrid M. Voynich lorsque le Castello Aragonese en Italie a été vendu en privé et son contenu enlevé. C’était autrefois la maison d’Alphonse V d’Aragon, mari de Marie de Castille. Toutefois, ce fut un mariage malheureux et elle a passé une grande partie de son temps en Espagne.
Il y a beaucoup de scepticisme à l’égard de ces dernières révélations, et même s’il est admis que le Pr Cheshire a découvert les moyens de traduire le document, le dur travail de la traduction complète reste à faire.
L’étude publiée dans la revue Romance Studies : The Language and Writing System of MS408 (Voynich) Explained et présentée sur le site de l’université de Bristol : Bristol academic publishes solution to Voynich mystery.
M à J 17.05 : La rétractation
Face aux avis de certains experts, qui n’ont pas tardé à donner leur avis sur cette affirmation, comme celui de Lisa Fagin David, directrice exécutive de l’Académie médiévale d’Amérique, sur tweeter :
J’ai essayé il y a plusieurs années de reproduire les résultats de Voynich du Cheshire, parce qu’au début j’étais intrigué. Mais lorsque vous appliquez ses substitutions de lettres romaines et que vous essayez ensuite de traduire le résultat, vous n’avez d’autre choix que d’être subjectif. C’est du charabia. La méthodologie.
Pour Greg Kondrak de l’université de l’Alberta pour Ars Technica :
« En ce qui concerne le déchiffrement des symboles individuels, un certain nombre de personnes ont établi une correspondance avec les lettres latines, mais ces correspondances sont rarement en accord les unes avec les autres ou avec cette proposition.
Toutes ces pressions ont incité l’université de Bristol à retirer son communiqué de presse et à publier une déclaration qui finit ainsi :
Suite à la couverture médiatique, des préoccupations ont été soulevées quant à la validité de cette recherche par des universitaires dans les domaines de la linguistique et des études médiévales. Nous prenons ces préoccupations très au sérieux et nous avons donc retiré de notre site Web l’article concernant cette recherche afin d’obtenir une validation plus poussée et de permettre d’autres discussions tant à l’interne qu’avec la revue concernée »
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