Les Néandertaliens et les humains modernes se sont séparés plus tôt que prévu
Le dernier ancêtre commun des Néandertaliens et des humains modernes vivait beaucoup plus tôt que prévu, révèle une nouvelle analyse dentaire.
Déterminer le moment où les deux lignées d’hominidés ont divergé fait l’objet de vifs débats de la part des chercheurs. Au cours des dernières années, une tentative de consensus a émergé, basée sur des analyses d’ancien ADN, indiquant que les Néandertaliens et les ancêtres de l’Homo sapiens se sont séparés il y a environ 400 000 ans.
L’accord était toutefois prudent et sujet à contestation. En 2017, par exemple, une étude sur les hominidés européens suggère que la scission s’est peut-être produite plus tôt, il y a environ 600 000 ans. Aujourd’hui, une nouvelle étude, centrée sur les restes d’hominidés trouvés dans une grotte espagnole, repousse encore plus loin cette date probable à environ 800 000 ans.
L’approche de l’anthropologue Aida Gómez-Robles de l’University College de Londres, Royaume-Uni, a profité du fait que si la taille des dents varie assez largement au sein des espèces d’hominidés, leur forme, du moins en ce qui concerne les molaires, tend à être beaucoup plus homogène, et ne change que lentement.
Elle a examiné de très près les dents de certains des 28 ensembles de restes d’hominidés découverts dans une grotte connue sous le nom de Sima de los Huesos, en Espagne, un site qui a fait l’objet d’une exploration continue depuis sa première découverte en 1984.
Image d’entête : une sélection de molaires récupérées sur le site de la grotte espagnole. (Aida Gómez-Robles)
La datation des vestiges espagnols fut, pendant de nombreuses années, un processus controversé, mais une étude réalisée en 2014 à l’aide de techniques de datation par luminescence et de paléomagnétisme a établi de manière concluante que les occupants des grottes vivaient il y a environ 430 000 ans.
La date, pour Gómez-Robles, était très importante. L’analyse des dents des hominidés a révélé qu’elles étaient » inattendues et dérivées de la condition néanderthalienne « .
Il s’ensuivit donc que les hominidés de Sima de los Huesos devaient avoir existé après le dernier ancêtre commun des Néandertaliens et des humains modernes. Non seulement cela, écrit Gómez-Robles, mais ils ont dû vivre de façon substantielle après la séparation, sauf s’ils étaient, du moins en matière de dentition, pour une raison quelconque, soumis à des « taux d’évolution extrêmement élevés ». Une telle possibilité, concède-t-elle, ne peut être totalement écartée sur la base des preuves existantes.
Elle présente ainsi deux scénarios possibles dans lesquels cela a pu se produire.
Tout d’abord, suggère-t-elle, la population espagnole pourrait avoir été isolée et soumise à des pressions de développement que l’on ne trouve pas dans d’autres populations.
Deuxièmement, les habitants des grottes espagnoles n’étaient peut-être pas, à proprement parler, des membres de la lignée néandertalienne ou de la lignée humaine moderne, mais plutôt des hybrides résultant d’un premier croisement (avec peut-être des contributions supplémentaires des Dénisoviens).
Cependant, conclut-elle :
L’explication la plus simple des résultats présentés dans cette étude est que les Néandertaliens et les humains modernes divergeaient avant [il y a 800 000 ans], ce qui rendrait les taux d’évolution de la dentition de Sima de los Huesos approximativement comparables à ceux des autres espèces.
Il est peu probable que ces résultats règlent une fois pour toutes le débat sur les divergences, d’autant plus qu’ils vont à l’encontre des tentatives de datation au moyen d’ADN. Gómez-Robles reconnaît pleinement cet état de fait et suggère que bien plus de recherches sont nécessaires, et bien plus de fossiles doivent être trouvés, avant que la question puisse être résolue.
Selon Aida Gómez-Robles :
Les écarts entre les dates auxquelles les affinités néandertaliennes claires et les affinités humaines modernes sont observées dans la chronologie des fossiles hominidés peuvent sembler indiquer des taux évolutifs différents dans les deux lignées, ce qui aurait des conséquences sur les conclusions tirées dans la présente étude.
Cependant, ils peuvent simplement refléter l’incomplétude des fossiles, en particulier pour la lignée humaine moderne.
L’étude publiée dans Science Advances : Dental evolutionary rates and its implications for the Neanderthal–modern human divergence et présentée sur le site de l’University College de Londres : Neanderthals and modern humans diverged at least 800,000 years ago.