En évacuant énormément de silicium dans leurs excréments, les hippopotames préservent l’habitabilité de notre planète
Les hippopotames sont parmi les animaux les plus dangereux d’Afrique et sont redoutés de tous. Cependant, ils sont menacés d’extinction à cause des braconniers qui en veulent à leurs dents d’ivoire.
Image d’entête : des hippopotames flânant dans les parties tranquilles de la rivière Mara, au Kenya. (Jonas Schoelynck)
Récemment, une équipe dirigée par le biologiste Jonas Schoelynck de l’université d’Anvers en Belgique a découvert que les hippopotames transportent près d’une demi-tonne métrique de silicium, un nutriment important pour les plantes et les animaux, de la terre et dans l’eau. Le groupe a découvert que chaque jour, un hippopotame broute de l’herbe dans la savane et consomme plus de 800 kilogrammes de silicium par l’intermédiaire des plantes, dont la moitié est à son tour excrétée alors qu’il reste allongé dans l’eau.
On peut se demander pourquoi c’est digne d’intérêt et les chercheurs précisent :
Il est particulièrement important de disposer de plus de silicium pour les minuscules algues flottantes appelées diatomées qui fabriquent leurs coquilles de silice.
Les diatomées sont un type de plancton qui effectue la photosynthèse dans les écosystèmes océaniques et d’eau douce. Avec les plantes terrestres, ils réduisent la quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, ils les transforment en sucre et en oxygène. Près d’un quart de la photosynthèse de notre planète s’effectue par diatomées.
Ces algues unicellulaires transforment donc la lumière du soleil en énergie chimique par le biais de la photosynthèse, ce qui en fait une partie très importante des écosystèmes marins et d’eau douce. En fixant le carbone ou en le transformant du dioxyde de carbone en sucre, les diatomées réduisent également la quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère tout comme le font les plantes terrestres. Entre un cinquième et un quart de la photosynthèse de notre planète se fait par diatomées, ce qui signifie que plus d’un quart de l’oxygène de la Terre provient des diatomées. Puisque les humains et tous les autres animaux ont besoin d’oxygène pour respirer, nous dépendons tous indirectement des diatomées.
De plus, dans les océans, elles sont mangées par de minuscules animaux appelés zooplancton qui, à leur tour, soutiennent de plus gros animaux, sans lesquels l’océan serait incapable de supporter la quantité de vie qu’il entretient.
L’une des caractéristiques les plus inhabituelles des diatomées est leur coquille à base de silice. Lorsque les diatomées meurent, leurs coquilles tombent au fond du plan d’eau et s’accumulent sous forme de sédiments. Une fois exploités, ces dépôts peuvent être utilisés comme filtres et abrasifs, ou pour la lutte antiparasitaire. Une autre utilisation très importante des diatomées est que lorsqu’elles sont compactées sous les sédiments, elles peuvent aussi, avec le temps, se comprimer pour former de l’huile qui peut être utilisée comme combustible.
Cette découverte a été réalisée en analysant les rapports de deux isotopes de silicium, deux versions de l’élément avec différentes masses, dans les herbes, les excréments d’hippopotames, le sol et les eaux. Ces rapports sont modifiés par différents processus biologiques et chimiques et peuvent donc servir d’empreintes pour les différentes sources de silicium. Selon l’équipe, les animaux ont « déversé » 0,4 tonne métrique de silicium des prairies dans la rivière Mara chaque jour (où ils s’allongent), augmentant ainsi la quantité totale de silicium dans l’eau de plus de 76 %.
A partir de l’étude : le cycle du silicium par l’intermédiaire des excréments de l’hippopotame. (Jonas Schoelynck et col./ Science Advances)
Compte tenu de leur statut menacé, si les hippopotames devaient diminuer considérablement en nombre ou disparaître complètement, la croissance des diatomées dans l’eau pourrait de même considérablement diminuer, ce qui, à son tour, pourrait engendrer une cascade de pénuries alimentaires dans l’écosystème.
L’étude publiée dans Science Advances : Hippos (Hippopotamus amphibius): The animal silicon pump et présentée sur le site du GFZ German Research Centre for Geosciences : Hippos, the animal silicon pumps.
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