Des souris droguées permettent de trouver une origine à nos hallucinations visuelles
Une nouvelle étude aide à clarifier ce qui se passe dans notre cerveau lorsque nous hallucinons. Pour ce faire, des chercheurs de l’université de l’Oregon (États-Unis) ont administré à des souris un puissant médicament psychédélique et avec force de détails se sont penchés sur la façon dont le cerveau de l’animal a ensuite généré des hallucinations visuelles.
De précédentes recherches ont montré que de fortes hallucinations visuelles, dues soit à la schizophrénie, soit à des drogues psychédéliques comme le LSD, peuvent être réprimées en bloquant l’activité des récepteurs sérotonine-2A dans le cerveau. Ainsi, afin de mieux comprendre comment ce dernier génère spécifiquement ces hallucinations visuelles, les chercheurs ont administré à des souris un puissant médicament/ drogue psychédélique/ hallucinogène appelé DOI (2,5-Dimethoxy-4-iodoamphétamine).
La DOI fait partie d’une classe de médicaments appelés psychédéliques sérotonergéniques et, avec le LSD, la psilocybine et la DMT, elle stimule l’activité des récepteurs de la sérotonine-2A. La DOI est souvent utilisée dans des contextes de recherche. Elle est également considérée comme plus forte que le LSD, avec une durée d’effet beaucoup plus longue. Ce n’est pas une drogue agréable ou facile à prendre pour les humains. C’est pourquoi la DOI n’est apparue que rarement dans des contextes récréatifs depuis sa découverte en 1972.
À l’aide de procédés connus sous le nom “d’imagerie au calcium et d’électrophysiologie à unité unique” (calcium imaging and single-unit electrophysiology), les chercheurs ont surveillé de près le cerveau de souris après l’administration d’un DOI. En comparant l’activité neurale lorsqu’on leur présentait des images sur un écran, à celle lorsque les animaux étaient présumés halluciner, l’étude a permis de mesurer clairement les différences d’activité cérébrale entre le traitement visuel normal et les hallucinations visuelles.
Deux grandes observations ont été faites dans l’étude. Sous l’influence du DOI, les souris présentaient des rythmes de déclenchement neuronaux irréguliers et inhabituels. Mais peut-être le plus important, les chercheurs ont remarqué une réduction de la signalisation neuronale du cortex visuel. Cela suggère que la drogue diminuait le volume d’informations visuelles traitées dans le cerveau.
Selon Cris Niell, auteur principal de cette nouvelle étude :
On pourrait s’attendre à ce que les hallucinations visuelles soient causées par des neurones dans le cerveau qui se déclenchent frénétiquement, ou par des signaux mal adaptés. Nous avons été surpris d’apprendre qu’un hallucinogène réduisait l’activité du cortex visuel.
L’hypothèse est que cet étouffement de l’activité dans le cortex visuel causé par la drogue fait en sorte que d’autres parties du cerveau interprètent un plus petit volume d’information visuelle et comblent les lacunes avec des détails que nous percevons finalement comme des hallucinations. Les chercheurs suggèrent que ce processus peut se refléter dans la façon dont nous commençons à halluciner après de longues périodes dans l’obscurité. C’est notre cerveau qui surcompense.
Bien sûr, l’énorme limite de cette étude est le fait que les chercheurs ne peuvent pas vraiment être sûrs que l’animal est réellement halluciné visuellement ou non, mais ils suggèrent que certains comportements modifiés, comme des mouvements bizarres des pattes et de tête, peuvent être le signe que la souris a des hallucinations visuelles. On ne sait pas non plus si ces deux altérations neuronales causent des hallucinations visuelles, si elles ne sont que des perturbations causées par la drogue psychédélique, ou les deux.
Selon Niell :
Je n’ai pas l’impression que nous ayons nécessairement trouvé “l’arme du crime” pour toute la cause sous-jacente des hallucinations, mais il est probable que ce soit en partie à cause de cela. Les données que nous avons recueillies serviront de base à d’autres études à l’avenir. En particulier, nous prévoyons d’utiliser la manipulation génétique pour étudier plus en détail certaines parties de ce circuit.
La recherche est plus précieuse qu’un simple aperçu théorique de la nature des hallucinations visuelles. L’activité des récepteurs de la sérotonine-2A a été fortement impliquée dans les distorsions visuelles subies par les schizophrènes. Cette recherche pourrait donc déboucher sur de meilleures façons de réduire la charge hallucinatoire aiguë causée par les troubles psychiatriques comme la schizophrénie.
L’étude publiée dans Cell Reports : A Hallucinogenic Serotonin-2A Receptor Agonist Reduces Visual Response Gain and Alters Temporal Dynamics in Mouse V1 et présentée sur le site de l’université de l’Oregon : UO study offers a peek inside the brain during hallucinations.