Les araignées d’Amazonie ne se limitent pas à dévorer des bébés opossum, des grenouilles et des poissons, elles peuvent aussi devenir leurs amis (Images)
Les araignées ne se contentent pas de manger des insectes, leur régime alimentaire peut en fait être beaucoup plus varié.
Dans la forêt amazonienne, une équipe de chercheurs a répertorié des araignées et d’autres arthropodes tels que des mille-pattes se délectant de têtards, lézards, grenouilles et, à une occasion très mémorable, une mygale de la grosseur d’une assiette en train de tuer un jeune opossum, pour le transporter dans un lieu où il pourra le dévorer à sa guise.
Image d’entête : une araignée du genre Ancylometes dans la forêt tropicale amazonienne qui s’attaque à une rainette (Dendropsophus leali). (Emanuele Biggi/ Amphibian & Reptile Conservation)
Il n’est pas surprenant qu’elles aient des régimes alimentaires variés. Il y a bien des araignées en Amérique du Sud et en Australie qui mangent des serpents, des souris, des oiseaux, des chauves-souris et on trouve des araignées qui pêchent le poisson partout dans le monde.
Araignée pêcheuse (Thaumasia) s’attaquant à un têtard dans un étang. (Emanuele Biggi/ Amphibian & Reptile Conservation)
On pense que ces plus grands festins sont peu nombreux et espacés les uns des autres, complétant un régime composé surtout d’insectes plus petits et plus faciles à attraper. Mais il semble que la mesure dans laquelle les araignées capturent des proies plus grosses ait été sous-estimée, même si la majorité de leur régime alimentaire est constituée d’insectes.
Selon Daniel Rabosky, biologiste évolutif de l’Université du Michigan :
C’est une source sous-estimée de mortalité chez les vertébrés.
Un nombre surprenant de petits vertébrés meurent en Amazonie à cause d’arthropodes comme les grandes araignées et les mille-pattes.
Depuis plusieurs années, l’équipe étudie les reptiles et les amphibiens dans la forêt amazonienne au pied des Andes. Dans cette région, il y a environ 85 espèces d’amphibiens et 90 de reptiles.
Mygale s’attaquant à une grenouille Hamptophryne boliviana. (Emanuele Biggi/ Amphibian & Reptile Conservation)
Leur découverte de la prédation par les arthropodes fut fortuite. Les chercheurs ont répertorié plusieurs événements parce qu’ils impliquaient des grenouilles et des lézards, réalisant finalement qu’ils avaient assez de rencontres de ce genre pour compiler un document de recherche à part entière.
Araignée Ctenidae qui s’attaque à un jeune lézard Cercosaura eigenmanni. ( Mark Cowan/ Amphibian & Reptile Conservation)
Selon le biologiste Rudolf von May :
Considérant qu’il y a des centaines d’invertébrés qui s’attaquent potentiellement aux vertébrés, le nombre d’interactions possibles entre les espèces est énorme, et nous soulignons ce fait dans ce document.
Le document qui en résulte comprend des rencontres qui ont eu lieu en 2008, 2012, 2016 et 2017. La plupart ont été observées la nuit, la plupart des prédateurs observés étaient des araignées et la plupart des proies étaient des amphibiens.
Mais une occasion s’est vraiment démarquée. L’équipe a entendu des bruits dans une litière de feuilles et elle est allée vérifier.
Michael Grundler, biologiste à l’université du Michigan, raconte :
Nous avons regardé et nous avons vu une grande mygale sur le dessus d’un opossum. L’opossum avait déjà été saisi par la tarentule et luttait encore faiblement à ce moment-là, mais après environ 30 secondes, il a cessé de donner des coups de patte.
Lorsque le mammifère a cessé de se débattre, la mygale l’a emportée loin des regards indiscrets.
Mygale (Pamphobeteus) qui s’attaque à une souris-opossum (genre Marmosops). (Maggie Grundler/ Amphibian & Reptile Conservation)
Vous pouvez voir la rencontre à 0:11 secs dans la vidéo ci-dessous.
La mygale, appartenant au genre Pamphobeteus, avait à peu près la taille d’une assiette (pattes incluses). La souris-opossum, du genre Marmosops, était un juvénile. Comme vous pouvez le voir sur la photo et la vidéo, son corps est plus grand que celui de l’araignée. La rencontre est probablement la première observation d’une grande araignée mygalomorphe qui s’attaque à un opossum.
Selon M. Grundler :
Nous étions plutôt ravis et choqués, et nous ne pouvions pas vraiment croire ce que nous voyions. Nous savions que nous étions témoins de quelque chose d’assez spécial, mais nous ne savions pas que c’était la première observation.
L’équipe a également observé la relation étonnamment amicale qu’entretient une espèce de mygale Pamphobeteus tarantula avec un, et un seul, genre de grenouille, la Chiasmocleis ventrimaculata. La mygale s’attaque à toutes les autres grenouilles, mais laisse celle-ci tranquille.
Une relation plus agréable : l’araignée Pamphobeteus sp (Theraphosidae) et la grenouille Chiasmocleis royi. (Emanuele Biggi)
La relation entre plusieurs espèces de mygales et la grenouille C. ventrimaculata a bien été documentée, et il est possible que ce soit un avantage mutuel, la grenouille profite des restes et de la protection de l’araignée, et en retour elle gobe les fourmis qui s’attaquent aux œufs de l’araignée.
L’équipe a observé des grenouilles N.pelobatoides et de jeunes mygales quitter le même terrier pour une nuit de recherche de nourriture. Certaines des mygales présentaient des larves de mouches rampant sur leur corps, ce qui, selon l’équipe, pourrait signifier que les grenouilles aident aussi à contrôler les parasites dans les terriers partagés.
L’idée que des grenouilles et des mygales soient les meilleures amies n’est-elle pas la chose la plus adorable ?
L’étude publiée dans Amphibian & Reptile Conservation : Ecological interactions between arthropods and small vertebrates in a lowland Amazon rainforest et présentée sur le site de l’université du Michigan : U-M biologists capture super-creepy photos of Amazon spiders making meals of frogs, lizards, furry mammals.