Même dans les abysses il n’y a plus aucun écosystème marin qui ne soit pas affecté par la pollution plastique
Nous savions que la pire des pollutions humaines a atteint les plus grandes profondeurs de nos océans et il n’est donc pas surprenant que des particules de plastique aient été trouvées récemment dans les entrailles de minuscules animaux vivant au fond de la fosse des Mariannes. Cette fosse est le point le plus profond de la Terre, et la découverte que le plastique a envahi notre planète, même ici, a amené les scientifiques à conclure qu’il n’y a probablement plus » d’écosystèmes marins qui ne soient pas affectés par la pollution plastique « .
Dans une étude publiée cette semaine (lien plus bas), des chercheurs expliquent comment ils ont appâté, capturé et disséqué des créatures d’eau profonde à 6 endroits à plus de 6 000 mètres de profondeur, la fosse Pérou-Chili, au sud-est du Pacifique, les deux fosses New Hebrides et la fosse des Kermadec au sud-ouest, au Japon, la fosse d’Izu-Ogasawara, au Nord-Ouest du Pacifique.
Emplacements des six fosses autour de la bordure du Pacifique où des amphipodes ont été échantillonnés pour l’ingestion microplastique. (Jamieson et coll./ Royal Society Open Science)
Les créatures étudiées sont des amphipodes, des crustacés apparentés aux crevettes et des crabes qui se nourrissent sur les fonds marins. Les chercheurs ont découvert que 72 % des échantillons totaux contenaient des fibres et des fragments de plastique dans les intestins. Dans le moins pollué de ces sites, la moitié des amphipodes avaient avalé au moins un morceau de plastique. Dans la fosse des Mariannes, le point le plus bas de l’océan, tous les spécimens avaient du plastique dans l’intestin.
Les trois espèces d’amphipodes Lysianassoidea ont été prélevées dans six fosses hadaliennes autour du littoral du Pacifique. a) Hirondellea gigas, b) Hirondellea dubia et c) Eurythenes gryllus. échelle = 10 mm. . (Jamieson et coll./ Royal Society Open Science)
Lorsque des contaminants pénètrent dans une fosse marine profonde, ils ne peuvent s’en échapper. Ils s’installent sur les fonds marins et finissent par être consommés par des amphipodes qui, vivant dans un environnement aussi hostile, ne peuvent pas se permettre d’être difficiles quant à leur alimentation.
Si vous contaminez une rivière, elle peut être nettoyée. Si vous contaminez une côte, elle peut être diluée par les marées. Mais, au plus profond des océans, elle reste là. Elle ne peut pas s’évacuer et il n’y a pas d’animaux qui entrent et sortent de ces fosses.
Alan Jamieson, biologiste marin à l’université de Newcastle (Royaume-Uni) qui a dirigé cette recherche, décrit les amphipodes comme des charognards exceptionnels dont les choix alimentaires ont un effet durable sur toute la chaîne alimentaire.
Puisqu’ils sont situés au fond des fosses et en bas de la chaîne alimentaire, leur appétit peut condamner des écosystèmes entiers. Tous les autres mangent des amphipodes, crevettes, poissons et ils finiront aussi par consommer du plastique. Et quand les poissons meurent, ils sont consommés par les amphipodes, et ça tourne en rond.
La présence de particules de plastique est préoccupante parce qu’elles peuvent attirer les PCB et d’autres toxines. Elles peuvent libérer des produits chimiques, selon leur composition (lyocell, fibre, polyvinyle, polyéthylène…). La présence physique de particules dans le ventre d’une minuscule créature engendre des problèmes, bloquant son tube digestif et entravant sa mobilité. Les morceaux trouvés étaient également relativement gros.
De Jamieson :
Le pire exemple que j’ai vu fut une fibre violette de quelques millimètres de long, attachée en forme de huit chez un animal ne dépassant pas un centimètre de long. Imaginez si vous avaliez un mètre de corde en polypropylène.
Jamieson ajoute qu’ils ont découvert des espèces qui n’ont jamais été vues dans un état non contaminé.
Nous n’avons aucune base de référence pour les analyser. Il n’y a pas de données à leur sujet dans leur état vierge. Plus vous y pensez, plus c’est déprimant.
L’étude publiée dans Royal Society Open Science : Microplastics and synthetic particles ingested by deep-sea amphipods in six of the deepest marine ecosystems on Earth et présentée sur le site de l’université de Newcastle : World’s deepest waters becoming ‘ultimate sink’ for plastic waste.