Les mésanges dévorent encore plus de cerveaux à cause du changement climatique
En 2013, nous découvrions ensemble et avec effroi que les mésanges charbonnières avaient une légère préférence pour le cerveau de leurs victimes :
… et bien cette pratique à tendance à s’intensifier avec le changement climatique.
Chaque printemps aux Pays-Bas, les mésanges (Parus major) construisent leur nid dans les cavités des arbres, font éclore leurs petits et envoient une nouvelle génération de petites boules de plumes noires et dorées dans le ciel. Puis vient le Gobemouche noir (Ficedula hypoleuca), qui migre d’Afrique pour l’été, et qui récupère les nids abandonnés pour élever ses propres petits.
A la base, c’est un très bon système… enfin, ça l’était. Ces dernières années, il y a eu un problème : le changement climatique entraine le chevauchement des périodes de nidification, ce qui entraîne des conflits concernant les ressources et il y a des morts, car un oiseau nicheur est un oiseau territorial.
Le biologiste Jelmer Samplonius, de l’Institut des sciences de la vie évolutives de l’université de Groningue (Pays-Bas), a été le premier à remarquer cette tendance.Afin d’étudier le comportement de nidification des deux oiseaux, Samplonius et ses collègues ont installé des nichoirs dans deux parcs nationaux néerlandais, Dwingelderveld et Drents-Friese Wold, et ils les ont suivis pendant 10 ans, de 2007 à 2016.
Au cours de cette période, les chercheurs ont trouvé 88 gobemouches morts dans des nids. 86 d’entre eux avaient été tués par des mésanges charbonnières, les deux autres par des mésanges bleues (Cyanistes caeruleus), également indigènes dans la région.
Selon Samplonius :
Quand un gobemouche entre dans une boîte avec une énorme mésange à l’intérieur, il n’a aucune chance. La grande mésange est plus lourde, car les gobemouches sont bâtis pour une longue migration d’Europe en Afrique de l’Ouest et pour le retour. Et aussi, les mésanges ont de fortes griffes.
Quelle que soit la façon dont ces combats se déroulent, ils ne sont pas très agréables pour les gobemouches. La plupart des morts étaient des mâles, ce qui est logique, puisque ce sont eux qui se procurent le site de nidification pour attirer une femelle. En tout cas, leur mort fut horrible.
Selon les chercheurs dans leur étude :
Les gobemouche morts ont tous été trouvées dans des nids de mésanges actives et avaient de graves blessures à la tête et souvent leur cerveau avait été mangé par les mésanges.
Comme indiqué dans l’intro du Guru, et oui les mésanges mangent le cerveau de leurs ennemis tombés.
Image de droite, mésange avec un gobemouche mort. A gauche, graphique présentant le taux de mortalité si la nidification des mésanges sur une année se chevauche avec l’arrivée des gobemouches (Jelmer Samplonius /Université de Groningen)
En fait, il y a toujours eu une certaine compétition entre les deux espèces pour les espaces de nidification. Les gobemouches sont plus agiles et dérangent les mésanges plus lourdes pendant le processus de construction du nid. La mésange ennuyée peut abandonne son nid et partir pour trouver une nouvelle place ailleurs, laissant le gobemouche triomphant. Les chercheurs voulaient savoir si le changement climatique avait un effet sur la concurrence entre les deux espèces.
Au cours des 10 dernières années, ils ont observé les tendances et ils ont constaté qu’une météo plus chaude plus tôt signifiait que les premières feuilles apparaissaient plus tôt sur les arbres et les chenilles amatrices de feuilles apparaissaient donc aussi plus tôt. Depuis que les mésanges ont le temps de pondre leurs œufs aux alentours du pic de présence des chenilles (parce que la nourriture est abondante), cela signifie qu’elles pondent leurs œufs plus tôt aussi.
Les gobemouches migrent également plus tôt, mais cela ne semble pas causer de conflit majeur. Il convient également de noter que les oiseaux migrateurs ne s’adaptent pas aussi rapidement aux changements de température régionaux, de sorte que le nombre de gobemouches est à peu près le même.
Le problème se pose pour deux raisons. Tout d’abord, parce que le temps est globalement plus doux en raison du changement climatique, un plus grand nombre de mésanges survivent à l’hiver européen ce qui, bien sûr, signifie une plus grande concurrence pour les espaces de nidification au printemps. Et si un printemps est alors plus froid que la nouvelle moyenne, les mésanges construisent leurs nids plus tard. Vous obtenez ainsi un plus grand nombre de mésanges avec des besoins de nidification qui se chevauchent, ce qui provoque d’énormes conflits avec les gobemouches.
Jusqu’à présent, le problème n’a pas eu d’effet considérable sur les populations animales, du moins pas encore.
Selon Samplonius :
Il est intéressant de noter que nous n’avons pas observé d’effet sur l’ensemble de la population de gobemouche d’environ 300 couples reproducteurs dans notre étude. Nous avons remarqué que les mâles tués étaient généralement ceux qui arrivaient tard dans la saison. Ces oiseaux tardifs ne trouvent souvent pas de femelles avec qui se reproduire, ce qui peut expliquer pourquoi ce comportement n’a pas d’impact sur la population.
Mais le comportement des deux oiseaux a changé à cause du changement climatique, et à mesure que les températures continueront d’augmenter, la tendance va probablement s’aggraver. Actuellement, le fait que les mâles gobemouches non reproducteurs arrivant tardivement et qui ne se reproduisent pas sont principalement affectés sert de zone tampon pour protéger la population, mais cette zone tampon pourrait être de courte durée.
Selon les chercheurs :
Nous nous attendons à ce que, si les zones tampons diminuent, les conséquences de la compétition interespèces sur les populations puissent devenir apparentes, surtout après des hivers chauds et doux pour les espèces résidentes.
L’étude publiée dans Current Biology : Climate Change May Affect Fatal Competition between Two Bird Species et présentée sur le site de l’université de Groningue : Climate change intensifies war of the birds.