Voyager à la vapeur dans l’espace : c’est désormais possible !
Un demi-siècle après la première mission spatiale habitée au monde, il semble que les voyages interplanétaires soient entrés dans l’ère de la vapeur. Des scientifiques de l’université de Floride centrale (UCF) se sont associés à la petite société de robotique et de technologie spatiale Honeybee Robotics (siège social New York), pour mettre au point un petit engin spatial à vapeur capable d’aspirer son carburant directement des astéroïdes, des planètes et des lunes qu’il explore, alimentant son vol, théoriquement, pour toujours. Un prototype a été testé avec succès récemment.
Surnommé » WINE » pour World Is Not Enough (Le Monde n’est pas suffisant), ce petit véhicule d’exploration est conçu pour extraire l’eau des astéroïdes ou d’autres corps planétaires et de l’utiliser pour générer suffisamment de vapeur pour le propulser vers sa prochaine cible.
selon Phil Metzger, chercheur planétaire à l’université de Floride centrale :
Nous pourrions potentiellement utiliser cette technologie pour aller sur la Lune, Cérès, Europe, Titan, Pluton, les pôles de Mercure, les astéroïdes, partout où il y a de l’eau et une gravité suffisamment faible. Ces vaisseaux spatiaux seront des explorateurs.
Le carburant représente un énorme challenge pour chaque mission spatiale. Il est encombrant et lourd, et les embarcations limitées doivent transporter leur propre approvisionnement. Mais si un véhicule pouvait utiliser des ressources spatiales existantes, chaque astéroïde pourrait potentiellement être une station-service et les possibilités d’exploration spatiale se multiplieraient.
Selon Kris Zacny, vice-président de la société Honeybee :
Les vaisseaux spatiaux de type WINE ont le potentiel de changer notre façon d’explorer l’univers.
Et pour Metzger :
Nous savons qu’il y a beaucoup d’eau séquestrée dans les astéroïdes et sur la Lune, et nous savons qu’elle peut être convertie en carburant de fusée.
Le projet est financé par la NASA dans le cadre de son programme de Small Business Technology Transfer. Metzger a réalisé la modélisation et les simulations informatiques nécessaires à la sonde spatiale, en vérifiant récemment que le processus de propulsion à la vapeur fonctionnerait en dehors des simulations. Honeybee Robotics, avec l’aide de chercheurs de la Embry-Riddle Aeronautical University en Floride, a ensuite construit un prototype de la taille d’un micro-ondes.
Le WINE à vapeur. (HoneybeeRobotics)
Le dernier jour de l’année 2018, l’engin spatial a été mis à l’épreuve dans un réservoir sous vide rempli d’un sol simulé d’astéroïdes. La démonstration, selon Metzger, fut « géniale », rajoutant :
WINE a réussi à miner le sol, à fabriquer du propergol pour fusée, et à se lancer sur un jet de vapeur extrait du simulant.
Description du prototype WINE testé par la société HoneybeeRobotics Ltd :
L’extraction de l’eau est un processus assez simple : l’embarcation s’enfonce dans le sol, le chauffe jusqu’à ce que l’eau monte sous forme de vapeur, qui est ensuite capturée et gelée. Les panneaux solaires fournissent de l’énergie pour le processus de chauffe. Pour les cibles plus éloignées du soleil, le WINE pourrait utiliser de petites unités de désintégration radio-isotopique (radioactive).
Mais si la propulsion à vapeur fournit une poussée élevée, ce n’est pas le plus efficace des carburants. Pour les missions “long-courriers”, la vapeur devrait probablement être améliorée avec un système de poussée plus efficace et plus léger ou une voile solaire. Cela permettrait à l’engin spatial d’atteindre des vitesses plus élevées, tandis que le système de propulsion à vapeur lui permettrait de manœuvrer et d’atterrir sur le corps visé.
L’autre petit défi a relevé est que le WINE dépend fortement de son environnement et que toutes les roches de l’espace ne contiennent pas d’eau. Si un engin spatial à vapeur se posait sur un astéroïde desséché, cela pourrait signifier la fin de sa mission. Heureusement, précise Metzger :
Nous avons déjà une assez bonne idée des astéroïdes qui ont de l’eau en regardant à travers les télescopes la lumière qui se reflète sur leurs surfaces, et à mesure que la prospection avance, nous deviendrons de meilleurs experts pour trouver ceux qui sont « humides » et éviter ceux qui sont « secs ».
En théorie, avec des arrêts aux astéroïdes bien choisis, le WINE pourrait voyager pour toujours, ou au moins jusqu’à la panne ou qu’il soit à court de sa source d’énergie radio-isotope. C’est une sacrée différence avec les engins spatiaux actuels, qui ont une durée de vie limitée en raison de leur approvisionnement en carburant.
Toujours selon M. Metzger :
Chaque fois que nous perdons l’énorme investissement en temps et en argent que nous avons consacré à la construction et à l’envoi de l’engin spatial à sa cible. WINE a été conçu pour ne jamais manquer de carburant, donc l’exploration sera moins coûteuse. Cela nous permet également d’explorer en moins de temps, puisque nous n’avons pas à attendre des années pour qu’un nouveau vaisseau spatial vienne de la Terre à chaque fois.
L’équipe est actuellement à la recherche de partenaires pour poursuivre le développement du projet, ainsi que pour travailler simultanément sur des technologies connexes.
Metzger de conclure :
Il y a plusieurs façons d’utiliser les ressources de l’espace, et cet avenir dans l’espace est passionnant.
Les résultats des tests du prototype présentés sur le site de l’université de Floride centrale : Steam-Powered Asteroid Hoppers Developed through UCF Collaboration et sur le site de la société HoneyBee : The World Is Not Enough Demonstrates The Future of Space Exploration et le projet pour la première fois présenté dans une étude de faisabilité lors de la réunion de l’AIAA SPACE 2016 : The World is Not Enough (WINE): Harvesting Local Resources for Eternal Exploration of Space.