Kordylewski avait raison : confirmation de l’existence d’étranges nuages de poussière posés entre la Terre et la Lune
Pendant des décennies, l’existence d’étranges nuages de poussière spatiale dans l’orbite de la Terre fut spéculative et controversée, mais de nouvelles recherches tendent finalement à valider leur réalité.
Image d’entête : représentation artistique du nuage de poussière de Kordylewski dans le ciel nocturne. (Gábor Horváth)
L’existence des nuages de Kordylewski, deux mystérieux nuages de poussière emprisonnés entre les champs gravitationnels concurrents de la Terre et de la Lune, a été émise pour la première fois dans les années 1950, bien que les preuves de leur étaient faibles.
Aujourd’hui, une nouvelle étude réalisée par des chercheurs de l’université Eötvös Loránd en Hongrie permet de démontrer l’intérêt de ces satellites inhabituels et toujours présents dans le ciel.
Selon la première auteure de l’étude, l’astronome Judit Slíz-Balogh :
Les nuages de Kordylewski sont deux des objets les plus difficiles à trouver, et bien qu’ils soient aussi près de la Terre que la Lune,[ils] sont largement négligés par les chercheurs en astronomie.
Il est intrigant de confirmer que notre planète a des pseudo-satellites poussiéreux en orbite à côté de notre voisine lunaire.
Les nuages de Kordylewski font l’objet de spéculations depuis des décennies, mais la science qui sous-tend leur existence remonte encore plus loin.
Dans l’espace, les nuages de Kordylewski occupent des positions qui sont appelées points de Lagrange, des endroits où de petits objets sont coincés dans un lien gravitationnel entre les forces exercées par deux grands corps. Les points de Lagrange ont été découverts pour la première fois au 18e siècle, et il y a cinq de ces points co-orbitaux dans tout système applicable, comme le système Soleil-Terre, le système Terre-Lune et bien d’autres.
Représentation des forces de gravité exercées par le Soleil et la Terre et de L1 à L5, les points de Lagrange.
Dans le cas du système Terre-Lune, deux de ces cinq points, L4 et L5, forment un triangle égal avec la Terre et la Lune.
Théoriquement, les particules interplanétaires pourraient être piégées à l’intérieur de ces points pour toujours, sans la perturbation gravitationnelle de corps encore plus grands (comme le Soleil, dans ce cas-ci) ou d’autres forces déstabilisatrices (comme le vent solaire) qui finissent par les faire sortir à l’extérieur.
En 1961, l’astronome polonais Kazimierz Kordylewski est devenu le premier scientifique à revendiquer des preuves photographiques de ce phénomène d’accumulation de poussière, bien que l’extrême finesse des particules, situées à presque 400 000 kilomètres rend ces observations difficiles à confirmer. Néanmoins, c’est ce que l’équipe de Slíz-Balogh a entrepris de faire dans ses nouvelles recherches.
Dans le premier article d’une étude en deux parties, les chercheurs ont modélisé comment les nuages de Kordylewski (KDC) pourraient se former, avec près de 2 millions de simulations de particules confirmant que des bandes de poussière interplanétaires seraient piégées à L5, ne serait-ce que temporairement, avant de s’échapper quelques jours après, selon les configurations orbitales.
Selon les chercheurs dans leur étude :
D’après nos simulations informatiques, le KDC a une forme changeante, pulsante et tourbillonnante en continu, de plus, la probabilité que des particules de poussière soient piégées est aléatoire en raison de l’arrivée occasionnelle de particules et de leurs vecteurs de vitesse accidentelle.
Par conséquent, la structure et la densité des particules du KDC ne sont pas constantes.
Dans la deuxième partie de leur recherche, les chercheurs ont tenté de photographier eux-mêmes le phénomène. Après plusieurs mois de persévérance, dans l’attente d’une nuit suffisamment claire et sans lune en Hongrie, l’équipe a capturé des preuves du nuage de Kordylewski à L5, en utilisant une technique appelée polarimétrie d’imagerie séquentielle pour détecter l’extrême finesse des particules.
Diagramme de l’angle de polarisation du ciel autour du point de Lagrange L5 du système Terre-Lune, mesuré par imagerie polarimétrique dans le domaine spectral vert (550 nm) à 01:14 GMT le 19 août 2017. La position du point L5 est indiquée par un point blanc. Sur cette photo, la région centrale du nuage de poussière de Kordylewski est visible (pixels rouge vif). Les lignes droites inclinées sont des traces de satellites. (Judit Slíz-Balogh)
Selon les chercheurs :
Comme ce nuage de poussière est éclairé par la lumière directe du soleil, la faible lumière diffusée par les particules de poussière peut être observée et photographiée à partir de la surface de la Terre à l’aide de détecteurs sensibles à l’éclat approprié.
Nous concluons que pour la première fois, nous avons observé et enregistré polarimétriquement le KDC autour du point de Lagrange L5 de la Terre et de la Lune.
Pour l’instant, les preuves photographiques de la même accumulation à L4 doivent encore être considérées comme hypothétiques, mais les nouvelles recherches montrent clairement que Kordylewski avait raison il y a presque 60 ans.
À plus long terme, il y a beaucoup plus que des particules interplanétaires qui tourbillonnent dans ces zones. De la même façon que les satellites orbitaux naturels se rassemblent aux points L4 et L5, il y a une série de sondes spatiales humaines exploitant les mêmes phénomènes, utilisant les points Lagrange comme zones stables pour se maintenir en place, de jolie place de stationnement, certes, un peu poussiéreuses !
Les deux études publiées dans The Monthly Notices of the Royal Astronomical Society :
Et présentées sur le site du Royal Astronomical Society : Earth’s dust cloud satellites confirmed.