Le secret du long vol unique aux aigrettes des pissenlits
Il y a quelque chose de poétique à faire voler des aigrettes (ou pappus) de pissenlits dans le vent, mais il y a aussi beaucoup de science dans tout cela. Une nouvelle étude a montré que les graines de pissenlit volent d’une manière inédite dans la nature, ce qui pourrait inspirer une nouvelle génération de capteurs aériens.
Les pissenlits soufflés peuvent avoir un attrait romantique, mais pour ces plantes, leur envol est de la plus haute importance. Grâce à leur faisceau de poils en forme de parachute, leurs graines peuvent s’étendre sur plus d’un kilomètre, soutenues uniquement par l’énergie éolienne. C’est essentiel pour que la plante puisse s’étendre sur de grandes surfaces, ce qui explique aussi pourquoi elle est si commune dans de nombreuses régions du monde. Mais une équipe de chercheurs travaillant à Édimbourg, en Écosse, s’est rendu compte que nous ne savons pas vraiment comment les aigrettes de pissenlits peuvent voler sur d’aussi longue distance.
Selon les chercheurs :
Les pissenlits (Taraxacum officinale agg.) sont des plantes vivaces à grand potentiel que l’on trouve dans les zones tempérées du monde entier. Les pissenlits, comme beaucoup d’autres membres de la famille des Astéracées, dispersent leurs graines hérissées par le vent et les courants ascendants de convection.
Leurs longs vols ont de quoi surprendre, car la structure en parachute des fleurs est en grande partie vide, elle est remplie d’air, ce qui, à première vue, semble terriblement inapproprié à l’envol. En fait, au lieu de ressembler à un parapluie ou à un parachute, elle ressemble plutôt à la structure squelettique de ce dernier, et avoir un parachute poreux ne semble pas logique.
Les chercheurs ont utilisé l’imagerie par rayons X et des microscopes pour examiner la morphologie des pissenlits (Université d’Édimbourg)
Les pissenlits utilisent un faisceau de filaments hérissés, les pappus, pour aider à maintenir leurs graines en l’air en vue de leur dispersion. Une fois que le pappus prend l’air, il prolonge également la descente de la graine, ce qui lui permet d’être emportée beaucoup plus loin. Ce n’est pas rare dans le monde végétal, car de nombreuses autres espèces emploient une stratégie similaire, mais elles ont une membrane en forme d’aile au lieu de pappus à pointes.
Naomi Nakayama, Ignazio Maria Viola et leurs collègues ont donc entrepris d’étudier exactement ce qui arrive au vol du pissenlit. Ils ont construit une soufflerie verticale pour visualiser l’écoulement de l’air autour des graines de pissenlit, en utilisant la photographie à longue exposition et l’imagerie à haute vitesse pour surveiller les effets. Ils ont illuminé les graines avec un laser pour rendre l’ensemble du système plus facile à visualiser.
Les chercheurs ont découvert que l’air circule effectivement à travers les poils du pappus, mais la quantité d’air est très étroitement contrôlée par l’espacement entre les poils, ce qui est très important. Cette structure particulière forme une bulle d’air stable, en forme de doughnut (beignet à trou), flottant autour de chaque pappus. Ils appellent cette bulle d’air un “anneau vortex”.
Vidéo tirée de l’étude. (Naomi Nakayama et col.)
Selon Cathal Cummins, un mathématicien de l’université d’Édimbourg (Écosse), les différences de pression entre l’air circulant dans les rayons et l’air circulant autour de la graine créent l’anneau vortex. Celui-ci est détaché du corps de la graine et la porosité du pappus du pissenlit est ajustée avec précision pour stabiliser ce vortex.
L’anneau vortex séparé peut être vu dans l’image de droite (Université d’Edinburgh)
Le pappus poreux du pissenlit contient de 90 à 110 filaments, ni plus ni moins. Si le nombre de filaments s’égare en dehors de cette plage, la bulle d’air ne se forme pas et les propriétés de vol du pissenlit sont annulées. Mais s’il reste dans cette plage, le pappus fournit plus de 4 fois plus de résistance par unité de surface qu’une membrane conventionnelle en forme d’aile. Les auteurs soutiennent que cela rend ce design en panache beaucoup plus efficace qu’une membrane en forme d’aile pour la dispersion des semences légères. C’est aussi une forme de vol qui n’a jamais été observée auparavant.
Selon l’étude :
La découverte de l’anneau vortex prouve l’existence d’une nouvelle classe de comportement des fluides autour des corps immergés dans les fluides qui peuvent sous-tendre la locomotion, la réduction du poids et la rétention des particules dans les structures biologiques et artificielles.
C’est très significatif, pour bien plus que des pissenlits. Ce type de structure pourrait être reproduit dans la conception de petits drones qui nécessitent très peu ou pas du tout de consommation d’énergie. Ils pourraient servir de capteurs de télédétection ou de pollution.
L’étude publiée dans Nature : A separated vortex ring underlies the flight of the dandelion et présentée sur le site de l’université d’Edinburgh : Dandelions reveal newly found form of flight.
on aimerait en savoir plus sur le vol de la graine de pissenlit