Juno et l’inégalable champ magnétique de Jupiter
Jupiter, la plus grande planète de notre système solaire, abrite peut-être les plus intenses environnements de radiations. Et, selon une nouvelle étude, elle possède un champ magnétique différent de celui de toute autre planète connue.
Image d’entête : schéma du champ magnétique dans l’hémisphère nord de Jupiter, montrant la Grande Tache Bleue (Great Blue Spot). (Moore et col./ Nature)
La première carte du champ magnétique de Jupiter à différentes profondeurs est disponible et elle confirme quelque chose que nous savions déjà : il est vraiment très différent de tout ce que les scientifiques planétaires ont pu voir jusqu’à maintenant.
Nous savions déjà que le champ magnétique externe de la géante gazeuse était étrange. Pour commencer, il est incroyablement puissant. Le diamètre de Jupiter est 11 fois plus grand que celui de la Terre, mais son champ magnétique est 20 000 fois plus fort. Le champ magnétique terrestre est important, mais certaines des structures observées dans Jupiter n’ont pas d’équivalent terrestre. On pense que cette complexité pourrait avoir un rapport avec la rotation rapide de Jupiter et le grand volume interne d’hydrogène métallique liquide.
Mais actuellement, la sonde Juno, en orbite autour des pôles de Jupiter, permet un accès sans précédent à la dynamique de cet étrange champ magnétique, en réalisant des observations beaucoup plus précises.
Précédemment, la sonde Juno présente l’atmosphère marbrée de Jupiter. (NASA/ JPL-Caltech/ SwRI/ MSSS/ Gerald Eichstäd/ Seán Doran)
Des scientifiques des États-Unis et du Danemark ont utilisé des données provenant de 8 orbites de Juno pour cartographier le champ magnétique avec une précision sans précédent à des profondeurs de 10 000 kilomètres.
Le champ magnétique terrestre est principalement dipolaire, comme si un aimant en forme de barre traversait le centre de la planète, les pôles de l’aimant se trouvant aux pôles de la planète, émergeant du pôle Sud et rentrant par le Nord. Il y a aussi des composants non dipolaires, répartis uniformément dans les hémisphères.
(Wikimédia)
Mais Jupiter n’est pas comme ça. Son champ émerge d’une large section de l’hémisphère nord, rentrant autour du pôle sud et d’une région très concentrée juste au sud de l’équateur, ce que les chercheurs appellent la Grande Tache Bleue (Great Blue Spot). Ailleurs, le champ est beaucoup plus faible.
Les différences entre les champs magnétiques des hémisphères nord (gauche) et sud (droite) de la planète. Le point bleu sur la photo de droite est le pôle magnétique unique de l’hémisphère sud. La bande rouge sur l’image de gauche représente l’étrange champ magnétique de l’hémisphère nord.(Moore et col./ Nature)
Selon Kimberly Moore, spécialiste des planètes à l’université d’Harvard :
Avant la mission Juno, nos meilleures cartes du champ de Jupiter ressemblaient à celles du champ de la Terre.
La principale surprise est que le champ de Jupiter est si simple dans un hémisphère et si compliqué dans l’autre. Aucun des modèles existants n’avait prédit un tel champ.
L’autre étrange découverte des chercheurs est que la partie non polaire du champ magnétique est presque entièrement concentrée dans l’hémisphère nord. Le tout est profondément asymétrique et tout à fait unique. Tout cela indique que quelque chose d’inconnu se passe à l’intérieur de Jupiter.
Les champs magnétiques sont générés par des liquides conducteurs à l’intérieur de la planète. Lorsqu’ils sont combinés à la rotation de sa, ils génèrent du magnétisme. C’est ce qu’on appelle une “dynamo planétaire”. Sur Terre, la dynamo fonctionne à l’intérieur d’une épaisse et uniforme coquille.
Les chercheurs estiment que leurs conclusions indiquent que ce n’est pas le cas de Jupiter. L’un des modèles proposés est que le noyau de Jupiter n’est pas une minuscule boule de glace et de roche, mais un amas de roche et de fragments de glace partiellement dissous dans de l’hydrogène liquide et métallique. Cela pourrait créer des couches dont la dynamique génère un champ magnétique asymétrique.
L’autre explication pourrait être de la pluie à l’hélium, qui pourrait déstabiliser le champ, bien que, selon les chercheurs, il soit peu probable que cela explique l’asymétrie hémisphérique.
Au total, Juno devrait réaliser 34 orbites de Jupiter. L’équipe prévoit d’utiliser les futures observations pour tenter de résoudre ce mystère.
Leurs recherches ont été publiées dans la revue Nature : A complex dynamo inferred from the hemispheric dichotomy of Jupiter’s magnetic field.