Dans une cellule, la mort se déplace à 0,003 millimètre par minute
Pour la première fois, des scientifiques ont vu la mort se déplacer dans une cellule et ils ont mesuré sa vitesse de propagation.
Les signaux qui déclenchent l’apoptose, un type de suicide cellulaire, également connu sous le nom de mort cellulaire programmée, se propagent à travers la cellule en une onde, à un taux de trois micromètres (0,003 millimètre) par minute.
Image d’entête : dessin d’une ovule humaine. (Henry Vandyke Carter/ Henry Gray/ Wikimedia)
Le processus de signalisation des ondes s’appelle « onde de déclenchement » (trigger wave). Si vous imaginez à un feu de forêt se propageant à partir d’un seul point, ou à un cercle de dominos tombant vers l’intérieur, cela vous donne une idée du fonctionnement d’une onde de déclenchement.
Mais il s’agit d’un processus biologique important dans la vie quotidienne d’une cellule, utilisé pour transmettre l’information rapidement et de façon fiable sur de longues distances.
Chez les animaux multicellulaires, elles sont impliqués dans le cycle cellulaire, par lequel les cellules se divisent pour en créer de nouvelles, ce processus est activé dans toute la cellule à l’aide d’ondes de déclenchement.
On les trouve également dans le cerveau en tant que potentiels d’action des neurones, la propagation des signaux électriques le long de l’axone, qui sont aussi des ondes de déclenchement. Mais c’est la première fois qu’elles sont impliquées dans la mort cellulaire.
Selon le biochimiste James Ferrell de l’université de Stanford :
Ce travail est un autre exemple sur la façon dont la nature utilise ces ondes de déclenchement, ce dont la plupart des biologistes n’ont jamais entendu parler.
C’est un thème récurrent dans la régulation cellulaire. Je parie qu’on commencera bientôt à le voir dans les manuels scolaires.
L’apoptose est l’une des formes de mort cellulaire les mieux comprises. C’est le processus par lequel le corps se débarrasse des anciennes cellules, inutiles ou malades (comme celles dont les mutations pourraient se transformer en cancer ou celles infectées), sans endommager les tissus environnants.
Mais même ainsi, c’est toujours un mystère. Par exemple, cela n’empêche pas toujours ces cellules mutantes de devenir cancéreuses, ou cela a un effet dévastateur, détruisant les cellules saines dans le cas de maladies neurodégénératives comme la maladie de Parkinson et la maladie d’Alzheimer.
Pour comprendre comment cela se produit et, selon la situation, soit de faciliter le processus, soit de le ralentir, nous devons savoir comment l’apoptose est régulée.
Pour observer l’apoptose dans une cellule, les chercheurs ont utilisé l’œuf d’une grenouille Xénope lisse. Ils ont retiré le cytoplasme de l’ovule, tout le matériel sauf le noyau, et l’ont placé dans un tube. Puis ils ont initié l’apoptose, en utilisant une protéine fluorescente verte qui brille lorsque l’apoptose se produit.
Cette lueur verte s’est déplacée le long du tube à une vitesse constante, indiquant que l’apoptose se propageait par l’intermédiaire d’ondes de déclenchement, contrairement à la diffusion chimique, une méthode de communication beaucoup plus lente.
L’étape suivante consistait à voir si ce processus se produisait également dans la cellule à l’état naturel, mais comme les œufs de grenouille sont assez opaques, l’utilisation de la microscopie à fluorescence n’aurait pas été aussi utile. Mais lorsqu’ils ont provoqué l’apoptose d’un œuf intact, ils ont remarqué que sa couleur changeait, s’assombrissant au fur et à mesure que la cellule mourait.
A partir de l’étude : apoptose dans un œuf de grenouille. (Cheng & Ferrell/ Science)
Ce changement s’est produit dans une vague incurvée sur sa surface à une vitesse constante, indiquant une onde de déclenchement. En analysant les œufs, ils ont trouvé des caspases activées, des types d’enzymes qui jouent un rôle important dans la mort cellulaire programmée, dans les œufs qui avaient subi ce changement de couleur. Les œufs vivants, par contre, n’avaient pas ces caspases activées. Ils ont déterminé qu’une fois la mort cellulaire amorcée, ces caspases s’activent. Celles-ci se propagent ensuite à d’autres caspases voisines, et ainsi de suite, comme des dominos qui tombent.
Les chercheurs veulent maintenant chercher les ondes de déclenchement impliquées dans la réponse immunitaire du corps, afin de déterminer si le mécanisme joue un rôle dans la façon dont elle se propage dans tout le corps.
L’étude publiée dans Science : Apoptosis propagates through the cytoplasm as trigger waves et présentée sur le site de l’université de Stanford : In apoptosis, cell death spreads through perpetuating waves.