Un champignon change subtilement la manière de “zombifier” des fourmis en fonction du climat rencontré
Un champignon qui transforme les fourmis en zombies a survécu au passage de la forêt tropicale, à la forêt tempérée en modifiant subtilement le comportement de ses victimes.
Les fourmis zombie sont en fait des fourmis charpentières du genre Camponotus qui ont été infectées par une espèce de champignon parasite, dont le plus connu est l’Ophiocordyceps unilateralis.
Votre Guru vous l’a déjà largement présenté dans ses articles, du plus ancien au plus récent :
Dans les régions tropicales, le champignon incite la fourmi à grimper jusqu’au sommet d’un arbre et à s’agripper fermement, avec ses mandibules, à une feuille. Elle reste alors immobile tandis que le champignon puise des nutriments dans son corps pour former un corps fructifère qui émergera de celui-ci. Sa position surélevée, généralement au-dessus de la fourmilière, facilite la dispersion des spores fongiques sur le sol de la forêt et sur les autres fourmis situées en dessous.
Une fourmi manipulée par des champignons, mangée de l’intérieur et forcée de s’accrocher à une feuille pendant qu’un corps fructifère sort de sa tête. (David Hughes/ Université d’État de Pennsylvanie)
Dans les zones tempérées, cependant, le comportement est légèrement différent. Après l’infection, la fourmi grimpe à la cime des arbres et s’agrippe à une brindille au lieu d’une feuille.
Fourmis charpentières des forêts tempérées. La fourmi sur l’image de gauche est morte depuis peu. La fourmi à droite présente une tige fongique dépassant de sa tête. (Kim Fleming/ Université d’État de Pennsylvanie)
Les fourmis zombie sont présentes sur tous les continents à l’exception de l’Europe. Mais en 2010, des preuves fossiles d’une fourmi zombie mordant une feuille ont été découvertes en Allemagne (image ci-dessous). Le fossile date d’il y a 47 millions d’années, à une époque où les forêts humides et persistantes entouraient le globe, y compris ce qui est aujourd’hui l’Europe.
Une feuille fossile presque complète trouvée à Messel (Allemagne) avec 29 cicatrices de morsures de fourmis centrées sur 11 veines secondaires. (David P. Hughes et col./ Biology Letters 2010)
Intriguée par la découverte du fossile allemand, la même équipe, dirigée par David Hughes de l’université d’État de Pennsylvanie, aux États-Unis, a entrepris de découvrir les facteurs qui ont influencé le choix des fourmis zombie entre le fait de mordre une feuille ou une branche.
Les chercheurs ont examiné des échantillons de fourmis dans les musées, des photographies et des ensembles de données déjà compilées. Ils ont également bénéficié de l’aide d’une scientifique citoyenne.
Selon David Hughes :
Nous avions ici un grand atout qui est Kim Fleming.
Kim est une citoyenne scientifique dont la propriété en Caroline du Sud est garnie de fourmis zombie accrochées aux arbres. En tant qu’excellente photographe et historienne de la nature, Kim a été en mesure de recueillir pour nous des données détaillées sur les fourmis zombies pendant 18 mois en prenant continuellement des images d’échantillons sur ses terres. Il s’agissait de données précieuses qu’il aurait été très difficile de recueillir.
Kim est l’auteur de cet article, mais la plus grande reconnaissance de son importance est peut-être que l’espèce fongique qui infecte les fourmis charpentières en Caroline du Sud porte maintenant son nom, Ophiocordyceps kimflemingiae.
L’étude a établi que les fourmis zombies des tropiques mordent toujours les feuilles et celles des zones tempérées mordent toujours les branches.
A partir de l’étude : Distribution globale et manipulation comportementale par l’Ophiocordyceps unilateralis sensu lato infectant les fourmis. Les marqueurs vert clair représentent des signalements de fourmis manipulées pour mordre les feuilles. En marron clair, les signalements de fourmis manipulées pour mordre les rameaux. En marron foncé, des fourmis manipulées pour mordre les troncs d’arbres. En vert foncé sugnalment de l’espèce de fourmi manipulée pour mordre les rameaux verts. (A) Camponotus atriceps fixée à une feuille (Amazonie brésilienne). (B) Camponotus castaneus fixée à une brindille (Caroline du Sud, USA). (C) Polyrhachis militaris accrochée à une écorce (Atewa, Ghana). (D) Camponotus sp. fixée à des rameaux verts (Nakhon Nayok, Thaïlande). ((Kim Fleming/ Université d’État de Pennsylvanie/ Evolution)
Les relations phylogénétiques entre les fourmis ont été éliminées, et ils ont déterminé que la morsure des feuilles était un trait ancestral, tandis que la morsure des branches a évolué à différents moments sur différents continents, présentant ainsi une remarquable évolution convergente (lorsque deux espèces bénéficient indépendamment, via l’évolution, des mêmes traits d’adaptation à leur environnement) de la part des champignons.
L’analyse a confirmé que la morsure des brindilles s’est développée en réponse au changement climatique et aux forêts.
Pour Hughes :
Ce qui est remarquable ici, c’est que nous avons montré que la manipulation complexe d’un animal par un microbe a répondu à la pression de sélection que le climat impose aux animaux et aux plantes.
L’étude publiée dans la revue Evolution : Evidence for convergent evolution of host parasitic manipulation in response to environmental conditions et présentée sur le site de l’ : Climate change forced zombie ant fungi to adapt.
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